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Le Système Statistique Européen, utopie ou défi ambitieux ?

par Yves Franchet

2 mai 2004


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- Résumé et table des matières

II - La statistique, une politique spécifique

Dans le mode de gouvernance des pays industriels, la statistique publique a le double objectif d’aider à répondre aux questions actuelles que pose la vie publique, et d’éclairer d’autres aspects de la vie publique qui peuvent devenir importants même s’ils ne sont pas actuellement prioritaires.

Comme les statistiques nationales, régionales, ou locales, la statistique communautaire est issue de l’interrogation des divers acteurs économiques et sociaux du territoire qu’elle recouvre. Cela comporte deux coûts : celui supporté par l’institution qui interroge, celui supporté par l’acteur interrogé (charge de réponse).

Cependant des statistiques locales, régionales et nationales existent dans chaque pays de l’Union bien avant qu’il n’intègre cette Union.

Dès la création du Marché Commun, le choix a été fait de construire les statistiques communautaires nécessaires au bon fonctionnement de l’Union à partir des statistiques existantes dans les pays membres afin de limiter à la fois le coût de la collecte et celui de la charge de réponse.

Le travail de la Commission a donc consisté à obtenir des Etats Membres (ou futurs membres) des statistiques nationales comparables, à aider ces pays à les rendre comparables (harmonisation des concepts et définitions), puis à les agréger pour obtenir des agrégats communautaires. Il fallait faire ceci pour toutes les politiques communautaires ayant des aspects quantitatifs, que ce soit pour les définir ou pour évaluer leur impact.

La collecte de base des statistiques auprès des acteurs socio-économiques de l’Union a donc toujours été réalisée par les systèmes statistiques des pays membres, qui supportent plus de 90 % du coût de la statistique dans l’Union européenne.

Ce choix est conforme au « principe de subsidiarité » qui doit accompagner la mise en œuvre de toutes les actions communautaires. Il implique une collaboration étroite entre les Institutions nationaux de statistique (INS) et Eurostat. L’action d’Eurostat conduit à l’adaptation des systèmes statistiques nationaux pour que la collecte des informations de base puisse servir à la fois aux niveaux local, régional, national et communautaire.

Ce choix conduit à un mode de relation entre Commission et Conseil très différent du mode classique. Dans la plupart de ses secteurs d’intervention, la Commission établit ses propositions en limitant les contacts avec les pays membres pour préserver la neutralité de son travail. Elle les rédige soit à partir de ses propres connaissances, soit en s’appuyant sur l’expertise la plus neutre possible par rapport aux pratiques nationales existantes. En statistique publique par contre, les INS et Eurostat disposent d’un quasi monopole de l’expertise dans le domaine sur lequel ils travaillent. Ils le partagent avec quelques experts internationaux travaillant dans des institutions spécialisées comme l’ONU, le FMI ou l’OCDE. Le choix fait par la Commission d’un minimum de coût/efficacité dans le développement des statistiques a conduit Eurostat à rechercher avec les statisticiens des pays membres – et avec les experts internationaux – les meilleures solutions aux problèmes. Des propositions sont ensuite faites par la Commission au Conseil, où les représentants du Conseil sont presque toujours des statisticiens des pays membres. Les problèmes qui n’ont pas été résolus au niveau des groupes techniques sont finalement arbitrés, éventuellement à l’aide d’un vote.

Lorsque de nouveaux pays se préparent à intégrer l’Union, Eurostat les aide à adapter leur système statistique aux normes (concepts, définitions) communautaires avec si nécessaire des actions structurelles de renforcement des infrastructures de collecte. Ce type d’action pluriannuelle a joué un rôle essentiel pour les pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) et pour les nouveaux pays candidats qui vont rejoindre l’Union en 2004 et ultérieurement.

A partir de l’Acte Unique, et avec l’adoption des traités de Maastricht et d’Amsterdam, la croissance rapide du nombre des politiques communautaires exige que ce partenariat soit organisé et structuré.

Des questions complexes de priorités nationales et communautaires, de financement des travaux nouveaux, de diffusion, de qualité des données, doivent être discutées et résolues.

Les besoins statistiques liés aux priorités de l’Union sont structurés en programmes annuels et pluriannuels qui font l’objet d’une discussion avec le Parlement européen et le Conseil.

La Commission choisit dès 1988 de renforcer le partenariat avec les Pays membres dans le choix des solutions à adopter.

Toutefois ces partenariats n’ont pas pour objectif l’adoption d’un système statistique identique dans chaque pays membre, car le système statistique d’un pays reflète l’histoire de ses traditions juridiques et administratives. Ils visent plutôt à obtenir des résultats comparables pour un coût raisonnable, la comparabilité devant être adaptée au type de décision communautaire à prendre.

La Commission choisit également de coordonner la production des statistiques communautaires dont elle a besoin. Presque tous les services de la Commission ont besoin de statistiques et chacun a tendance à s’adresser à diverses sources pour obtenir la même statistique (par exemple, la population d’une région). Ce manque de coordination se traduit par un manque de cohérence entre les données utilisées, un surcoût pour la Commission – qui paye plusieurs fois des sources privées pour obtenir des données parfois contradictoires et théoriquement gratuites –, des surcoûts pour les fournisseurs de chiffres qui doivent répondre à plusieurs enquêtes des services de la Commission sur à peu près la même chose. Il conduit également certains services à étayer leurs décisions à partir de pseudo statistiques de mauvaise qualité et peu comparables dans le temps et dans l’espace.

Monopole public en forte extension, utilisée par tous les services, la statistique communautaire apparaît ainsi comme une dimension spécifique de l’intégration communautaire. Elle demande un traitement particulier, fondé sur un partenariat Commission/pays membres.

Soulignons enfin que les statistiques communautaires doivent être disponibles plusieurs années avant les décisions politiques du domaine où elles s’appliquent. Il faut une statistique portant sur cinq ans, parfois sur dix ans, pour nourrir leur élaboration et en mesurer les effets. Ainsi les statistiques officielles des pays candidats à l’intégration en 2004 ont été harmonisées dès 1990 avec celles des pays membres, grâce à l’action d’Eurostat, afin de pouvoir être utilisées dans les négociations d’adhésion du début des années 2000.

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