Après la publication du "Système
Statistique Européen" d'Yves Franchet, j’ai reçu des messages de
personnalités du monde de l’économie et de la statistique. Je les publie ici
selon les règles adoptées pour le site : anonymat, rectification éventuelle de
l’orthographe etc.
La plupart de ces messages sont très positifs.
Le quatrième, très négatif, fait appel à des principes que je crois dangereux.
Je donne donc ici ma réponse à ce dernier message.
Message 1, 3 mai 2004
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et même un peu
d'émotion l'article et le commentaire sur "Le Système Statistique Européen"
d'Yves Franchet. Le développement des institutions statistiques répond toujours
à des préoccupations politiques qu'elles éclairent et infléchissent à
l'occasion. Dans cette ligne, j’ai recommandé à la Communauté européenne
d'exiger de ses statisticiens de prévoir dans les tableaux et graphiques une
ligne "Europe (des Neuf, Dix, Douze, Quinze...), ensemble" et de ne pas se
contenter de la juxtaposition de statistiques, même harmonisées.
J'ai pu suivre l'application - lente - de ce
principe et voir apparaître dans les années 1990 une "pyramide des âges de
l'Union Européenne". Mais je n'ai pas vu beaucoup de statistiques des
"prélèvements obligatoires" européens. Je milite pour que l'on consolide la
fiscalité de l'Etat et celle de la Sécurité sociale. La bizarrerie française -
poids excessif des cotisations sociales, y compris CSG, au barème proportionnel,
poids insuffisant de l'impôt direct, au barème progressif - apparaît en pleine
lumière dans une comparaison européenne.
J'ajoute donc ce petit commentaire au tien et je
salue, s'ils le lisent, Yves Franchet, Alain Chantraine et Daniel Byk.
Message 2, 3 mai 2004
Merci d'avoir publié les écrits d'Yves Franchet.
Je partage ton analyse sur ce qui lui est arrivé et sur la dimension stratégique
du système statistique. Cela doit rendre vigilant, car ceux qui souhaitent
détruire l'Europe du dedans ou du dehors risquent de multiplier les attaques
semblables.
Message 3, 4 mai 2004
La contribution de Franchet sera
particulièrement utile dans le contexte de croissance de la demande adressée aux
instituts nationaux suite aux dispositions prises par l'UE et ses institutions. En retour, voici un lien vers un
texte de Robert Salais qui fait une analyse fine des orientations de la
statistique communautaire découlant des besoins d'évaluation des politiques
publiques (ici, celles relatives à l'emploi).
Message 4, 5 mai 2004
Simple lecteur de votre site, très
informatif et bien conçu, je tiens à vous exprimer mon étonnement devant
l'accueil que vous accordez au plaidoyer de M. Franchet, ex-DG d'Eurostat
actuellement mis en cause dans une affaire en cours de jugement au TGI de Paris.
L'affaire portant sur des présomptions d'abus de confiance, de recel d'abus de
confiance, de constitution d'une association de malfaiteurs (cf. courrier de
saisine du nouveau DG d'Eurostat au Procureur du TGI de Paris, dont des extraits
sont cités à l'adresse suivante, ainsi que d'autres allégations à vérifier :
http://www.investigateur.info/affaires/EU_eurostat.htm), la prétention de
M. Franchet et du site volle.com à le disculper de ces accusations prend des
allures extrêmement douteuses, et franchement désagréables.
Nul n'incrimine l'intégrité
professionnelle de M. Franchet ou de ses collègues en tant que statisticiens,
contrairement à ce que votre site suggère, mais la Justice française et les
organes de contrôle et d'audit budgétaire de la Commission enquêtent en ce
moment sur de graves suspicions de fraudes, laquelle n'engage nullement la
qualité du SSE ou de ses agents en tant que professionnels qualifiés de la
statistique.
Vouloir entretenir une confusion à dessein entre des suspicions de gestion
délictueuse de fonds communautaires et la qualité du travail de production
statistique d'Eurostat, voire du SSE dans son intégralité rend votre démarche à
son tour suspecte de partialité et de collusion d'intérêts, sinon de complicité
involontaire : que M. Franchet soit votre ami, n'importe ses responsabilités
officielles, et que vous tâchiez de l'aider à se disculper publiquement, fort
bien ; toutefois, je ne vois pas pourquoi la communauté des statisticiens devrait
en faire de même, ainsi que vous l'insinuez de manière spécieuse, alors que ni
la Justice française ni même l'OLAF n'ont rendu publiques les conclusions de
leurs enquêtes, pour autant que je sache ?
Le corporatisme de la profession de statisticien doit-il exclure tout civisme et
susciter inconditionnellement le soutien à la cause d'un membre de cette
corporation inculpé de fraude et de gestion de fait ? Cela n'honorerait
nullement la corporation en question si tel était le cas et au contraire,
renforcerait à bon droit les préventions de la presse et du grand public à son
égard, préventions que vous semblez déplorer dans le cas particulier de M.
Franchet.
L'amitié n'exclut pas l'équité ni la justice, à mon humble avis. Il peut
paraître à tout le moins bien téméraire ou involontairement ironique de publier
les conseils de réforme et de bonne gestion du SSE par un ancien responsable
incriminé pour détournement de fonds communautaires : pourquoi ne s'être pas
inspiré de ces bons conseils auparavant et pourquoi les prodiguer à vos lecteurs
pendant l'instruction au lieu de les communiquer au magistrat et ainsi de
pouvoir les verser au dossier comme pièces à conviction ?
Réponse au message 4
Merci pour
votre aimable appréciation sur volle.com, ainsi que pour l’expression de votre
opinion - qui est, vous vous en doutez sans doute, à l’exact opposé de la
mienne.
Ainsi, selon
vous, un inculpé n’aurait qu’à se taire, personne n’aurait le droit de lui
donner la parole ? Il faudrait croire des politiques qui citent des rapports
secrets ? Si vous aviez raison, nous serions sous un régime totalitaire. Dieu
merci, ce n’est pas le cas.
De nombreuses
affaires montées en épingle par les médias ont, après examen équilibré des faits
et des preuves, abouti à un non lieu à la honte des accusateurs. Cela invite à
la prudence et au respect de la présomption d’innocence.
Message 5, 1er juin 2004
Bravo pour ton initiative et
merci à Yves d'y avoir répondu. Rien à rajouter. Dans son scénario le plus
pessimiste, Yves dit qu'une solution pour reconstruire du SSE après la crise
serait de construire un institut indépendant des instances de l'Union. C'est la
proposition que Paolo Garonna avait faite vers 1993 - 1994. J'ai soutenu cette
proposition à l'époque en raison de la difficulté des prises de décision et
surtout du risque d'ingérence du politique, risque qui s'est renforcé avec le
passage de la statistique dans le domaine de la co-décision. Yves préférait
maintenir Eurostat dans le giron de la Commission, surtout pour des raisons
budgétaires. Hélas, l'histoire repasse rarement les plats !
Message 6, 1er
juin 2004
Je suis d'accord avec votre réponse sur le "cas"
Franchet. Je relève que l'on tolère très bien les coups de gueule de
personnalités politiques mises en cause et demandeuses d'équité et d'équilibre
(comme vous dites) mais qu'on semble avoir du mal à écouter les experts qui
veulent se défendre. Exemple d'un état d'esprit : une question posée aux frères
Bogdanoff hier soir sur C+ : "pourquoi prenez vous le risque de parler, alors
qu'on attend du scientifique qu'il se taise, reste très discret et n'expose ses
avancées qu'au petit nombre ?" L'élite médiatique entretient le mythe du
technicrate : il ne faut pas le mettre à découvert, sauf avant de le virer ou de
lui attribuer un prix Nobel. |