Un « modèle », c’est une
description d’un être
réel conçue de telle sorte qu'il soit possible de simuler mentalement le
fonctionnement de cet être. Tout modèle comporte à la fois des concepts,
pour décrire l’être en question, et des relations causales entre
concepts. Un modèle possède donc tous les attributs d’une théorie mais, dans le
cas du SI, il s’agit d’une théorie orientée vers l’action, une théorie à
finalité pratique.
Chacun modélise tout le temps, car c’est ainsi que notre
cerveau se représente le monde et assiste notre action ; mais cette activité,
aussi naturelle que la respiration ou la digestion, reste implicite :
comme la pensée est une activité naturelle, peu de personnes réfléchissent à son
fonctionnement. Seules la science et l’entreprise exigent des modèles
explicites, documentés, comportant la définition formelle des concepts et
hypothèses de causalité.
L’explicitation du modèle est
en effet nécessaire au partage d’une
même pensée entre plusieurs personnes, ou à l’intérieur d’une institution, en
vue d’une action coordonnée : elle a donc, tout comme le modèle, une finalité
pratique. Toutefois un modèle explicite est difficile à comprendre et à
communiquer : malgré sa finalité pratique, il semble « abstrait », son
schématisme étant aussi opaque pour le non-initié que (par exemple) le plan d’un
appareil électronique, alors que ce plan est pourtant nécessaire à la
construction de l'appareil.
La maîtrise d’ouvrage et la modélisation
La maîtrise d’ouvrage est à la charnière entre le
stratégique et l’opérationnel : elle doit éclairer le stratège dans sa fonction
d’arbitrage et d’orientation, en lui apportant des informations sur la pratique
des métiers de l’entreprise, ainsi que le résultat d’une veille sur l’état de
l’art des SI. Elle facilite ainsi l’incarnation opérationnelle des priorités de
l’entreprise.
Comme tout autre actif de l’entreprise, le SI doit être
d’abord conçu et mis en place : c’est la phase des « projets » qui, au plan
économique, correspond à un investissement. Une fois en place, le SI doit être
géré. Le rôle de la maîtrise d’ouvrage dans la phase d’investissement se résume
par le mot « modélisation », et dans la phase de gestion par le mot
« animation ».
Le succès ou l’échec d’un développement informatique se
jouent pour l’essentiel, avant même que l’écriture du code proprement dit n’ait
débuté, lors de la phase de modélisation : l’entreprise y définit ses concepts,
ses processus, les contours de son automatisation, et la façon dont elle
articule l’automate et l’organisation du travail humain.
Une fois l’automate en place il faut que l’entreprise
s’approprie son SI : les choix faits lors de la phase de modélisation en ce qui
concerne les concepts, les processus, l’articulation entre l’être humain
organisé et l’automate, doivent être compris par les acteurs de l’entreprise –
ou mieux, ils doivent être « réalisés », les acteurs devant comprendre
intuitivement à la fois leur réalisme et leur réalité - le
réalisme du modèle, s'il parvient à atteindre l'efficacité au moindre coût ;
et, par delà son apparence théorique, la réalité de ce qu'il schématise
et qui est l'entreprise même.
Il en résulte, outre la diffusion des « bonnes pratiques »,
une élucidation de l’entreprise : chacun voit clairement ce qu’il a à
faire, l’articulation entre sa propre tâche et celle des autres, enfin la
finalité du processus auquel il contribue et la place de celui-ci dans la
stratégie de l’entreprise.
Dans l’accomplissement de ces missions de modélisation et
d’animation, le maître d’œuvre (ou, autrement dit, la direction informatique de
l’entreprise) est le partenaire naturel de la maîtrise d’ouvrage. Le maître
d’œuvre est responsable de la plate-forme technique, physique du SI ; la
définition et la gestion de cette plate-forme, très complexe, est parallèle à
celle du SI auquel elle impose ses contraintes. Le maître d’ouvrage doit être,
pour le maître d’œuvre, un « client compétent », qui sache exprimer clairement
ses besoins, puis comprendre les contraintes propres à la plate-forme technique
et en tenir compte.
Urbanisme et plate-forme
Pour comprendre la relation entre maîtrise d’ouvrage et
maîtrise d’œuvre, il faut se représenter la relation entre l’urbanisme du SI et
sa plate-forme. Cette dernière repose sur des moyens physiques (processeurs,
mémoires, réseaux) sur lesquels elle met en œuvre des logiciels (systèmes
d’exploitation, programmes applicatifs, protocoles de communication). Son
fonctionnement suppose, après l’investissement initial et son déploiement, un
travail continu d’exploitation (opération, supervision, maintenance, aide aux
utilisateurs).
Les utilisateurs accèdent à la plate-forme à travers
l’interface que fournit le poste de travail en réseau. Sur cette plate-forme,
ils mettent en œuvre des automates qui assistent le processus de production,
ainsi que des outils de communication interpersonnelle (messagerie, Intranet).
Les services ainsi fournis s’appuient sur le socle sémantique de l’entreprise,
le référentiel, qui définit les identifiants, les nomenclatures et le
plan d’urbanisme lui-même.
Un même SI sera perçu par chacun des deux partenaires à
travers des vues différentes, l’un se concentrant sur les conditions
physiques de son fonctionnement, l’autre considérant les services qu’il utilise.
L’interface homme-machine étant la charnière entre ces deux vues, la qualité
du poste de travail est l’un des enjeux principaux du SI.
Voir
Modéliser l'entreprise. |