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Marketing des NTIC : prospective

27 octobre 2002

Nous avons examiné la conjoncture des NTIC. Ici nous allons regarder leur prospective. Quelque chose d'important se prépare en effet pour les années 2010.

La loi de Moore continue à jouer : en 2010, les microprocesseurs et les mémoires seront quarante fois plus puissants qu'aujourd'hui (ils seront 1000 fois plus puissants qu'aujourd'hui en 2017). La miniaturisation des équipements aura progressé.

Les réseaux télécoms offriront des services à haut débit (plusieurs mégabits par seconde), qu'il s'agisse des réseaux filaires ou de la communication avec les mobiles. Cela leur permettra de transmettre les programmes audiovisuels et d'assurer largement la communication entre établissements distants des entreprises. Ils utiliseront un protocole "en mode paquet" : les équipements pourront être connectés en permanence, les messages reçus pratiquement en temps réel, la communication étant facturée non plus à la durée mais au volume ou au forfait. 

L'écran de l'utilisateur, séparé du téléphone, sera devenu confortable ; il sera installé soit dans les lunettes, soit sur une feuille en plastique dépliable, soit sur une tablette sur laquelle on pourra écrire avec un stylet. Une petite caméra accompagnée d'un micro directionnel pourra être fixée sur les lunettes. Le son pourra être émis par un composant placé dans ou sur l'oreille. Le clavier pourra être contenu dans un cahier dépliable. Les diverses parties de l'équipement disposeront chacune de sa propre batterie rechargeable et communiqueront sans fil. 

Ainsi le téléphone mobile, qui équipe aujourd'hui presque tout le monde, aura les fonctionnalités d'un ordinateur connecté en permanence au réseau. Il utilisera le haut débit pour transmettre des images fixes ou animées. Il permettra à l'utilisateur d'accéder à une ressource informatique personnelle, située sur des serveurs dont la localisation importera peu. Il fusionnera les fonctions assurées aujourd'hui par le téléphone mobile, le "palmtop", le "laptop" ainsi que les "desktops" du bureau et du domicile, et aussi par la télévision. 

Est-ce de la science fiction ? non. Les équipements et outils que je viens de mentionner existent ou sont en préparation. Des expériences sont en cours dans plusieurs universités (pour s'en convaincre, lancer une recherche sur www.google.fr en prenant pour mot clé l'expression "wearable computer"). 

Le réseau GPRS fournit déjà la communication permanente, l'UMTS l'étendra vers le haut débit. Le clavier dépliable est vendu comme accessoire des palmtops. L'écran dans les lunettes existe : il n'est pas très beau à voir, mais les entreprises s'activent pour mettre au point un produit présentable, léger, discret. L'écran pliable est en cours de mise au point. Des fournisseurs viennent de lancer le "Tablet PC". NTT a lancé l'i-mode, commercialisé depuis peu en France par Bouygues Telecom. Les caméras et microphones miniaturisés existent. Les batteries pour micro-ordinateur portable deviennent de plus en plus légères et leur durée de vie s'allonge. La communication sans fil entre les équipements que l'on porte sur soi est en cours de mise au point. 

Nous allons ainsi, grâce à l'accroissement des performances et à la miniaturisation, vers le "wearable computer", l'ordinateur "portable" au sens où l'on "porte" ses vêtements. Mieux vaut l'appeler "téléphone intelligent" (cf. ci-dessous "questions de marketing") : nous pourrons choisir la dénomination de cet appareil, puisqu'il fusionne les fonctions de l'ordinateur et du téléphone mobile. 

Les hommes qui portent le téléphone mobile à la ceinture, les femmes qui le portent dans leur sac à main, seront les clients d'un "téléphone intelligent" qui aura discrètement absorbé les fonctions de l'ordinateur. La différenciation des équipements périphériques (écran dans les lunettes, tablette ou écran dépliable, composant sonore dans ou sur l'oreille, diverses formes de clavier etc.) permettra de satisfaire des goûts et exigences pratiques variées. 

Aujourd'hui, nous devons nous trouver devant la machine pour l'utiliser, les laptops restent encombrants et leurs batteries durent peu, nous sommes parfois contraints de consulter diverses messageries écrites ou vocales et de recopier les données entre nos divers ordinateurs. L'ubiquité de l'ordinateur reste relative. D'ici à 2010 la miniaturisation aura rendu l'ordinateur aussi mobile que l'est aujourd'hui le téléphone : son ubiquité sera désormais absolue, ainsi que son unicité dont elle est un corollaire. 

Le téléphone intelligent a toutes les chances de connaître une pénétration rapide dans les années 2010. Il offrira enfin un marché au réseau UMTS, réseau de télécommunications mobile à haut débit pour qui l'on trouve difficilement aujourd'hui des applications crédibles. Il modifiera le rôle du système d'information dans l'entreprise, dans la vie personnelle. Il exigera, comme l'a déjà fait le téléphone mobile, un nouveau savoir-vivre. 

Évolution du rôle du système d'information dans l'entreprise

L'ordinateur ne réside plus sur le bureau : on le porte sur soi et il donne accès à une ressource informatique située sur le réseau. Quand on est connecté, on peut prendre des notes sur son ordinateur, rédiger des messages, les lire ou les recevoir, consulter la documentation n'importe quand et n'importe où. La ressource informatique personnelle étant unique, on n'a plus à répliquer son agenda sur son PC, à ressaisir les notes que l'on a mises sur son cahier, à envoyer des messages pour transmettre des fichiers entre l'ordinateur du bureau et celui de la maison. 

Durant les réunions, on dispose d'un accès à l'Intranet, au Web. Si des termes techniques, des acronymes, des noms d'entreprise, des noms propres que l'on ne connaît pas apparaissent dans la conversation, on peut lancer un moteur de recherche et trouver l'information (c'est déjà le cas lorsque l'on se trouve devant son PC pendant une conversation téléphonique). On reçoit les messages, on peut leur répondre ; on peut enregistrer ce qui se dit durant la réunion (grâce à la caméra et au micro), ou le faire transcrire par un logiciel de reconnaissance vocale pour le stocker sous forme de texte. On peut ainsi garder la trace de toutes les conversations auxquelles on a participé ; cela fournit à la mémoire une prothèse datée, documentée, indexée, dans laquelle on peut procéder à des recherches et classements thématiques. En mode caractère, l'ensemble des conversations auxquelles un être humain peut participer durant sa vie tient sur 1 Go...

Évidemment, tout cela pose des problèmes de sécurité, de confidentialité. Une partie des données peut être stockée dans la mémoire du téléphone intelligent, une autre sur le serveur de mémoire. Identification, authentification, habilitation, chiffrement sont indispensables pour se prémunir contre les indiscrétions, sabotages, intrusions des "Big Brothers" (déjà, le système Echelon de la NSA espionne les communications téléphoniques européennes). 

Le téléphone intelligent pourra être utilisé aussi comme un badge rayonnant assurant le contrôle d'accès aux espaces physique (et pas seulement dans l'espace "virtuel" des données).  

On pourra utiliser les méthodes de "réunion assistée par ordinateur" sans avoir à équiper la salle de machines et d'un réseau. Ces méthodes sont efficaces (à condition que l'on sache animer les réunions) pour le suivi de projet (suivi des décisions, procédures de vote, assistance au "brainstorming" etc.) ; par contre, elles ne servent à rien pour les réunions de négociation. Comme tout équipement, le téléphone intelligent doit être utilisé intelligemment. 

L'expérience montre que la conversation avec une personne équipée d'un téléphone intelligent est parfois déroutante : on ne sait pas si elle vous écoute ou si elle est en train de lire un écran ; on ne sait jamais, quand elle parle d'un sujet technique, si elle dit de mémoire des choses qu'elle sait ou si elle est en train de lire une documentation. Il faut savoir se déconnecter pour écouter l'interlocuteur : dans les phases de négociation intense ou de réflexion approfondie, le téléphone intelligent n'est pas à sa place. 

Il ne serait pas mauvais que nos entreprises entrevoient ces perspectives, et commencent à penser à leurs conséquences en termes de processus de travail des personnes ou d'organisation. 2010, ce n'est pas demain bien sûr ; pourtant 1994 c'était hier...

Évolution du rôle du système d'information dans la vie personnelle

Le Web offre déjà des ressources culturelles, touristiques, commerciales ; le commerce électronique peut s'appuyer sur le téléphone intelligent selon des protocoles qui ouvrent à l'imagination des pistes presque trop vastes. Pensez à ce que peuvent devenir la carte à mémoire, la carte orange de la RATP, le billet de train ou d'avion si on les remplace par le rayonnement du téléphone intelligent. 

On peut programmer le téléphone intelligent de sorte qu'il soit repérable par un autre téléphone intelligent : cela peut permettre à des personnes de se retrouver dans une foule, une flèche indiquant à chacun l'endroit où se trouve l'autre. On peut l'utiliser pour suivre les enfants, les personnes âgées (c'est déjà possible avec la téléphonie cellulaire). On peut s'en servir pour se faire guider le long d'un itinéraire : le système Carminat qui équipe les automobiles pourra équiper aussi le téléphone intelligent, qui sera d'ailleurs un client naturel du GPS

Un nouveau savoir vivre

Le téléphone intelligent n'est pas à sa place dans les relations affectives face à face, dans la vie du couple, dans les conversations familiales - sauf s'il s'agit d'aider un enfant à se retrouver dans une recherche encyclopédique. Il faudra savoir se déconnecter, comme c'est d'ailleurs déjà le cas avec le téléphone mobile, la télévision et la lecture. 

Le téléphone intelligent va poser des questions de savoir vivre ; c'est un point délicat mais il ne faut pas exagérer sa nouveauté. Savons nous nous extraire d'une lecture pour répondre à celui qui nous parle ? ne donnons-nous pas souvent la priorité à l'interlocuteur au téléphone par rapport à la personne qui est devant nous en chair et en os ? n'avons-nous pas laissé la télévision dégrader la qualité de nos conversations ? 

Nous devons envisager les questions de savoir vivre dans leur ensemble, et non pas seulement celles que posera le téléphone intelligent.

Questions de marketing

Il serait maladroit de nommer "ordinateur" le téléphone intelligent, même si en fait il en est un. L'enrichissement fonctionnel du téléphone mobile sera facile à accepter pour les utilisateurs, surtout si cela ne coûte pas cher et si l'ergonomie est convenable - ce qui sera le cas à l'échéance 2010. L'idée de porter un ordinateur sur soi ne peut par contre a priori séduire que des amoureux de la technologie, population restreinte. 

L'informatique nous a bombardés d'innovations depuis cinquante ans. Une fatigue se fait sentir : nous avons besoin de souffler, d'assimiler ces possibilités nouvelles, et il en est de même de nos entreprises. Il ne faut pas emboucher la trompette de l'informatique : malgré les progrès de l'ordinateur personnel elle conserve une connotation technique et professionnelle ; il faut adopter la démarche plus douce, plus personnelle, plus facile à comprendre de la téléphonie. 

C'est ainsi que nous pourrons continuer à tirer parti des progrès continus des performances des processeurs, mémoires et réseaux.