RECHERCHE :
Bienvenue sur le site de Michel VOLLE
Powered by picosearch  


Vous êtes libre de copier, distribuer et/ou modifier les documents de ce site, à la seule condition de citer la source.
 GNU Free Documentation License.

A propos de la maîtrise d’ouvrage du système d’information

2 décembre 2001

Version imprimable

Pour poster un commentaire

Qu’est-ce que la « maîtrise d’ouvrage » ?

Le « maître d’ouvrage », c’est l’entité (entreprise, direction, service) cliente de l’informatique qui, elle, est « maître d’œuvre ». Par abus de langage, on appelle « maîtres d’ouvrage » les personnes physiques qui, dans cette entité cliente, ont compétence pour définir le SI que l’informatique construira, maintiendra et exploitera.

Rôles et terminologie

On distingue le « maître d’ouvrage délégué » qui remplit une fonction d’expertise par délégation du directeur de l'entité, et qu'il assiste dans la préparation des décisions relatives au SI. On désigne ce directeur par le terme « maître d’ouvrage stratégique ». Le maître d'ouvrage délégué a une mission de coordination entre des « maîtres d’ouvrage opérationnels » responsables chacun d'un des domaines du métier, ou, pour utiliser un langage vieilli, de l'une des diverses « applications ». Chacun de ces maîtres d’ouvrage opérationnels a en face de lui, du côté de l’informatique, un « chef de projet » responsable de la maîtrise d’œuvre, et qui appartient à la direction des études. Ainsi la maîtrise d'ouvrage s’insère dans un réseau de relations entre diverses parties de l’organisation. 

Un comité stratégique des systèmes d'information réunit périodiquement les maîtres d'ouvrages stratégiques et leurs maîtres d'ouvrage délégué pour prendre les décisions essentielles, et en particulier pour définir le budget du système d'information. Une coordination des maîtrises d'ouvrage assure l'animation des maîtrises d'ouvrage déléguées en termes de méthode, de veille, et elle s'assure de la qualité des relations avec l'informatique. Des services d'assistance à maîtrise d'ouvrage sont commercialisés par certaines SSII, qui fournissent ainsi aux entreprises des compétences nécessaires mais qu'elles ne possèdent pas. 

Du côté de l'informatique, le directeur informatique et télécoms (DIT) coiffe, outre la direction des études, une direction de la production et une direction télécoms ; à l'intérieur de la direction des études, des responsables de domaine encadrent les chefs de projet MOE, qui eux-mêmes encadrent ou éventuellement coordonnent les interventions des fournisseurs extérieurs. 

Si le partage des rôles que nous venons de décrire se retrouve dans à peu près toutes les entreprises, la terminologie est loin d'être fixée. Les mêmes mots reçoivent des acceptions diverses selon l'entreprise considérée : ainsi, certaines entreprises appellent "maître d'ouvrage stratégique" ce que nous avons appelé "coordination des maîtrises d'ouvrage" ; "assistance à maîtrise d'ouvrage" ce que nous avons appelé "maîtrise d'ouvrage déléguée". Lorsque l'on cherche à comprendre une organisation il faut faire les traductions nécessaires vers la terminologie à laquelle on est soi-même accoutumé. . 

Certains disent que la distinction entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre est « franco-française ». Elle existe pourtant dans les pays anglo-saxons même si le vocabulaire y est différent. Aux États-Unis les maîtres d’ouvrage délégués sont nommés « business technologists » : c’est une spécialité à laquelle forment les universités.

Dans les années 90 l’informatique, en raison même de ses progrès, a changé de rôle ; s’appuyant sur les PC en réseau, les interfaces graphiques et l’amélioration des performances, le SI équipe désormais l’utilisateur dans toutes les étapes de son processus de travail. On savait déjà que le SI est « stratégique ». Bien plus, il est devenu quotidien, banal, puisqu’il est présent sur le poste de travail de chacun et que le « travail assisté par ordinateur » s’est généralisé.

Avant 1990 l’informatique avait déjà pour clients les « métiers » de l’entreprise, mais les spécifications fonctionnelles étaient souvent définies par les informaticiens eux-mêmes à partir d’expressions de besoin sommaires. Avec l’évolution et l’enrichissement du rôle de l’informatique, les spécifications fonctionnelles sont devenues l’expression formelle complète du métier lui-même ; elles ne peuvent donc être établies que par des personnes qui travaillent dans le métier tout en étant capables de définir un SI et d’aider les dirigeants à tirer parti des potentialités de l’informatique.

Ainsi s’est construite dans l’entreprise une compétence nouvelle, la maîtrise d’ouvrage du SI. Elle est souvent un débouché pour les informaticiens qui aiment à travailler au plus près des métiers. Le club des maîtres d’ouvrage, que j’ai l’honneur de présider, rassemble des entreprises qui souhaitent  faire progresser l’organisation, les méthodes et la compétence de leur maîtrise d’ouvrage. Il compte parmi ses membres des entreprises industrielles, des banques, des assurances, des établissements publics et des ministères.

Tendances actuelles

L’organisation de l’entreprise a dû évoluer pour faire une place à la maîtrise d’ouvrage, le rôle de l’informatique a dû changer. Cela ne pouvait pas être facile. Il y a eu bien naturellement au début des incompréhensions et des polémiques. Puis les choses ont évolué. Dans la plupart des grandes entreprises, il n’est plus nécessaire aujourd’hui de se battre pour faire admettre la nécessité de la maîtrise d’ouvrage et l’époque des polémiques avec l’informatique est révolue. Il est désormais admis que le SI dépend de deux professions qui doivent coopérer : le maître d’ouvrage définit ses fonctionnalités du SI et surveille sa bonne utilisation ; l’informaticien est maître d’œuvre des solutions techniques, architectures et plates formes.

Certes, il est délicat d’organiser une telle bipolarité mais il en existe d’autres dans l’entreprise (que l’on pense aux relations entre « commerciaux » et « producteurs »). Le secret du succès réside dans le respect mutuel entre les deux spécialités, respect qui n’interdira pas la vigueur dans la négociation. 

La plupart des grands sinistres informatiques ont pour cause le caractère inflationniste et versatile de la demande fonctionnelle. La première priorité est donc de renforcer la qualité des maîtrises d’ouvrage : le risque d’échec - ou de surcoût - est élevé si celle-ci ne sait pas définir ses priorités pour rechercher la sobriété, ou encore si elle tente de régler des problèmes politiques à travers le SI.

« Sobriété », c’est le maître mot ; sachant que la coût et la fragilité d’un SI sont une fonction puissance de sa taille (qu’on mesure celle-ci en points de fonction ou en lignes de code source, peu importe), il est très inefficace de réaliser comme on le fait souvent des produits dont 80 % des fonctionnalités restent inutilisées. La demande des utilisateurs doit être classée selon un ordre de priorité et il faut la soumettre à une sélection sévère. Un SI sobre est intelligent et évolutif : l’utilisateur sera dans la durée bien plus satisfait que si l’on s’était acharné à répondre à sa « demande » spontanée (cf. "La maîtrise d'ouvrage du SI et ses utilisateurs"). 

Par ailleurs l‘informatique passe par une phase de diversification en spécialités « pointues » analogue à celle qu’a connue la médecine voici quelques décennies. Aucune entreprise ne peut rentabiliser en interne toutes les compétences nécessaires à son SI, qu’il s’agisse du développement, de l’architecture, de l’Internet ou de la sécurité. Chaque direction informatique doit donc définir les spécialités que l’entreprise maîtrisera en interne et celles qu’elle devra demander à des prestataires extérieurs. En outre il faudra qu’elle soit devant ces prestataires un client compétent et non un simple gestionnaire de contrats.

L’économie du système d’information

Comme le SI équipe tous les métiers de l’entreprise, il est normal que celle-ci lui consacre un certain effort. Mais des progrès restent à faire pour maîtriser les dépenses. Ce n’est pas facile : le coût des unités d’œuvre baisse, les architectures évoluent, la pérennité des solutions et fournisseurs est problématique, les directions générales sont bousculées par des phénomènes de mode au détriment des maturations nécessaires (après avoir longtemps freiné l’utilisation de l’Internet, elles se sont au début 2000 ruées vers l’e-business.)

Il faut en tout cas combler certaines lacunes de la connaissance. Le coût du SI comporte non seulement les dépenses informatiques, mais aussi celles de la maîtrise d’ouvrage qui sont moins bien connues : temps interne et assistance consacrés aux recueils d’expertise, spécifications, validations, recettes ; au déploiement, à l’organisation, la formation des utilisateurs, l’animation, l’administration des processus etc. Si l’attention se focalise sur les projets, épisodes héroïques, on examine de moins près les coûts de maintenance et d’exploitation qu’ils induiront, et moins encore le coût de revient total des PC en réseau qui, s’il était connu, surprendrait beaucoup de dirigeants.

L’entreprise doit connaître la fonction de coût de son SI pour décider en connaissance de cause. A partir de cette connaissance lucide, elle pourra appliquer des règles simples : réaliser par palier, sous une stricte contrainte de budget et de délai, cela aide à obtenir un SI sobre. Il faut aussi savoir tirer parti des nouvelles technologies : on aurait tort de dépenser des millions d’Euros pour faire sur « grande informatique » des choses qui coûtent quelques dizaines de milliers d’Euros avec l’Intranet.  

Enfin, s’il est difficile d’évaluer la rentabilité du SI, c’est parce qu’il est devenu impossible d’imaginer une entreprise sans SI : elle disparaîtrait ! La rentabilité du SI est donc infinie et seul des esprits mal formés peuvent en déduire qu’il n’est pas rentable. Toutefois cette rentabilité ne peut se manifester que si l’entreprise sait éviter les gaspillages. Elle doit connaître ses coûts afin d'obtenir le maximum d’efficacité pour l’effort consenti. Puis elle doit choisir le niveau raisonnable de son degré d’informatisation, qui se mesure en évaluant le coût annuel complet du SI par salarié.