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La commutation de paquets

3 août 2004


Liens utiles

- Origines de l'Internet

- Le premier réseau d'ordinateurs

Le réseau télécoms était adapté à la conversation téléphonique mais non à la communication entre ordinateurs. Il offrait aux interlocuteurs un circuit bidirectionnel à 4 kHz établi en début de communication et maintenu pendant la durée de celle-ci. Les ordinateurs, qui échangent non des conversations mais des bouffées de données, n’avaient pas besoin d’un circuit permanent ; par contre ils avaient besoin que la transmission fût protégée contre les perturbations provenant de l’environnement hertzien et contre les micro-coupures, peu sensibles en téléphonie mais destructrices quand il s’agit de transmettre un flux de données.

La commutation de paquets a été inventée séparément par Paul Baran, un américain, (1926-) et Donald Davies (1924-2000), un britannique. Le réseau transmet non plus des sons, mais des bits, ce qui permet d’utiliser des répéteurs informatiques qui éliminent les défauts de transmission. Le message est découpé en paquets de taille uniforme contenant l’information nécessaire à leur routage. Enfin, en raison du caractère discontinu du flux de données, un même ressource de transmission peut être utilisée pour plusieurs communications simultanées.

Baran avait étudié la vulnérabilité du réseau à une attaque nucléaire, question cruciale pour les militaires dans la période de guerre froide des années 60. Il avait découvert que l’on pouvait obtenir une robustesse élevée avec un réseau maillé comportant une redondance relativement faible (il faut relier chaque nœud au réseau par trois ou quatre liens au lieu d’un seul, et équiper chaque nœud d’une table de routage adaptative). Les travaux de Baran sont à l’origine de la légende selon laquelle l’Internet aurait été conçu pour répondre à des besoins militaires : parmi tous les chercheurs qui ont contribué à la mise au point de l’Internet, il semble cependant être le seul à avoir eu cette préoccupation.

AT&T était hostile aux idées de Baran. Il faut se rappeler qu'à cette époque (début des années 60) les commutateurs du réseau téléphonique étaient électromécaniques, la commutation électronique ne devant intervenir que dans les années 70 ; le circuit établi entre deux interlocuteurs avait donc une continuité et une réalité physiques en quelque sorte palpables. Les ordinateurs relevaient d'un autre univers technique que celui des télécoms. « Ils se comportaient comme s’ils savaient tout, et que ceux qui n’appartenaient pas au Bell System ne savaient rien », dira Baran[1]. « Quelqu’un d’extérieur ne pouvait pas comprendre la complexité de leur système. Et voilà qu’un idiot s’amène : il ne comprend visiblement pas comment le système fonctionne et il prétend que les choses sont simples ! »

Cette phrase illustre les obstacles que rencontrera la mise en réseau des ordinateurs. Les grands du secteur, qu’il s’agisse d’AT&T ou d’IBM,  s’opposeront à une innovation qu’ils ne croient pas réalisable ou dans laquelle ils voient une menace. La commutation de paquets rencontrera la même hostilité que le temps partagé.

Voir Le premier réseau d'ordinateurs.


[1] « Their attitude was that they knew everything and nobody outside the Bell System knew anything. And somebody from the outside couldn’t possibly understand or appreciate the complexity of the system. So here some idiot comes along and talks about something being very simple, who obviously does not understand how the system works », p. 62.