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Le premier réseau d’ordinateurs


3 août 2004


Pour lire un peu plus :

- Origines de l'Internet
- Problèmes de mise en place
Mais comment faire communiquer des ordinateurs (hosts) différents, alors que chacun a ses propres caractéristiques physiques, son propre système d’exploitation etc. ? Une expérience avait été réalisée en 1965 par le psychologue Tom Marrill qui, sous l’influence de Licklider, avait proposé à l’ARPA de faire communiquer via une liaison full-duplex à quatre fils deux ordinateurs de type différent situés l’un à Lincoln, l’autre à Santa Monica. A cette occasion Marrill mit au point une procédure qui permet de grouper les caractères dans un message, de les envoyer sur la ligne, de vérifier si le message est arrivé, enfin de le retransmettre s’il n’y a pas eu d’accusé de réception. Pour désigner cette procédure, il retint le mot « protocole ».

Mais comment faire communiquer non pas deux ordinateurs, mais un réseau de plusieurs ordinateurs ? S’il fallait définir un protocole pour chaque couple d’ordinateurs, on serait confronté à une complexité quadratique. Wes Clark proposa de concevoir un petit ordinateur spécialisé, l’IMP (« Interface Message Processor »), qui seul serait mis en réseau et serait interfacé avec chaque ordinateur : le problème était ainsi ramené à la complexité linéaire. Le réseau des IMP fut baptisé « sous-réseau » (subnetwork) pour le distinguer du réseau des ordinateurs eux-mêmes.

Restaient à régler les problèmes propres au sous-réseau : éviter qu’un même paquet ne soit renvoyé sans fin d’un IMP à l’autre, éviter que des paquets ne soient perdus en raison du débordement d’une mémoire (buffer) etc.

Réseau et sous-réseau (extrait de V. G. Cerf and R. E. Kahn, "A protocol for Packet Network Intercommunication" IEEE Trans. Comm. Tech., mai 1974)

Larry Roberts, ayant découvert les travaux de Davies et Baran à une réunion de l’ACM à la fin de 1967, introduisit la commutation de paquets dans l’appel d’offres qu’il lança pour l’IMP en juillet 1968. Le sous-réseau devait transférer les bits de façon fiable d’un IMP à l’autre ; le temps de transit moyen à travers le sous-réseau ne devait pas dépasser la seconde et il devait pouvoir fonctionner de façon autonome, indépendamment des ordinateurs qu’il reliait.

Roberts consulta 140 entreprises. IBM et Control Data répondirent qu’il était impossible de construire un tel réseau car il coûterait trop cher. Finalement BBN (Bolt Beranek and Newman), petite entreprise de Cambridge, sera retenue le 8 septembre 1968. BBN reçut la commande au début de 1969. Sa solution s’appuyait sur le mini-ordinateur DDP-516 d’Honeywell (450 kg, la taille d'un réfrigérateur).

Chaque site équipé d’un IMP devra produire lui-même, selon les spécifications fournies par BBN, l’interface entre l’IMP et son ou ses ordinateurs  (on pouvait raccorder jusqu’à quatre ordinateurs à un même IMP). La mission des IMP étant seulement d’assurer le transport fiable des bits, les ordinateurs devront régler deux à deux leurs problèmes de log-in, transfert de fichiers et traitement de texte.

Pour configurer l’IMP, BBN préféra le logiciel : une solution matérielle, concrétisée par le câblage, aurait rendu plus rapide l’exécution des tâches simples mais elle aurait été plus difficile à modifier par la suite.

Le premier IMP est installé à l’UCLA le 30 août 1969 pour raccorder un Sigma 7 ; le deuxième IMP est installé au SRI le 1er octobre pour raccorder un SDS 940. L’IMP n° 3 est installé à l’UCSB le 1er novembre, le n° 4 à l’université d’Utah en décembre. Un « Network Measurement Center » est mis en place à l’UCLA, sous la direction de Leonard Kleinrock, spécialiste de la modélisation et de la simulation des réseaux qui avait ainsi l'occasion de tester ses théories en vraie grandeur.

A la fin de 1969, le premier réseau d'ordinateurs a l’allure suivante :

On remarque que l'université de l’Utah n’est accessible qu’en passant par le SRI, dont l’IMP joue donc le rôle d’un routeur.

Les budgets de l'ARPA en 1970 furent comprimés en raison de la guerre du Vietnam, mais les crédits accordés à la recherche en informatique ne furent pas rationnés.

En mars 1970, le premier circuit trans-continental est installé vers BBN qui sera le 5ème nœud du réseau. Cela permettra à BBN d’assurer depuis Cambridge la supervision du réseau (télémaintenance, télédistribution des mises à jour par réplication et dissémination). Des indicateurs de qualité étant produits automatiquement par les IMP, BBN pourra détecter les pannes du réseau d’AT&T avant les agents d’AT&T eux-mêmes, ce que ceux-ci auront un peu de mal à accepter.

A l’été 70, le réseau s'étend au MIT, à RAND, SDC et Harvard. Par la suite le réseau s’enrichit d’un nœud par mois. BBN utilisera à partir de 1971 pour les IMP un Honeywell 316, machine plus légère que le 516 et à partir de laquelle est mis au point un TIP (« Terminal IMP ») qui permet de connecter des terminaux au réseau (un TIP peut servir jusqu’à 63 terminaux).

En 1971, le réseau relie 19 ordinateurs et 3 TIP. Pour le désigner, l’expression Arpanet, ou Net tout court, apparaît en août 1972.

Voir Problèmes de mise en place.