|  
 Les travaux d’Erik Brynjolfsson, du MIT, 
contribuent utilement à la compréhension de l’économie contemporaine. Dans « Information, 
Technology and Information Worker Productivity : Task Level Evidence », il 
décrit le gain de productivité qu’apportent les TIC.
 
Les travaux consacrés à ce sujet sont rares. 
Cela surprend si l’on se rappelle l’attention portée naguère à la productivité 
des ouvriers dans l’industrie, les chronométrages et la précision de la 
définition des tâches, mais cela se comprend : pour concevoir de nouvelles 
formes d’organisation il faut une expérience sur plusieurs décennies. 
 
Dans l’attente de cette expérience, on 
entend des sottises comme le trop fameux paradoxe de Solow, « on voit des 
ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité ». 
Ce n’est pas dans la statistique en effet, dans les totaux et les moyennes, 
qu’il faut rechercher la trace de l’efficacité d’une technique nouvelle, mais 
dans la monographie qui seule permet de regarder les choses en détail.
 
Brynjolfsson a focalisé son étude sur une 
entreprise de « chasseurs de têtes ». Pour réaliser les recrutements demandés 
par les clients de l’entreprise, ses salariés utilisent des moyens de 
communication asynchrone (messagerie) et des bases de données.  
L’étude a porté sur les flux d’information 
et la productivité : messagerie, consultations de la base de données, production 
(contrats réussis) en nombre et délai. Estimer l’influence des TIC sur la 
productivité permet d’esquisser la fonction de production de l’économie de 
l’information.   
*     * 
On s’attend à trouver que l’utilisation des 
TIC accélère le travail : il n’en est rien. Par contre le même salarié pourra 
participer simultanément à plusieurs projets (multitasking). Alors que le
multitasking ralentit le traitement des contrats, l’utilisation des TIC 
l’accélère, de sorte que les deux phénomènes se compensent à peu près. Même si 
la durée de chaque projet n’est pas réduite, un plus grand nombre de projets 
seront achevés dans le même intervalle de temps.   
Il existe un optimum pour le nombre de 
projets traités simultanément par un même employé : s’il s’occupe d’un trop 
grand nombre de projets, il perd en efficacité.  
Les plus efficaces préfèrent la messagerie 
au téléphone : la communication asynchrone leur convient mieux, car l’attention 
se disperse moins. On trouve une forte corrélation entre la capacité du salarié 
à s’occuper de plusieurs contrats et le niveau et la structure de son trafic sur 
la messagerie, ainsi qu’avec son habileté dans la manipulation des bases de 
données et l’intensité de leur utilisation.  
Les plus efficaces occupent une position 
centrale dans les flux d’information. Les personnes peu communicantes, dont le 
réseau personnel est étroit, sont moins efficaces : il est opportun d’organiser 
une rotation des tâches pour faire en sorte que les réseaux personnels 
s’élargissent.  
La performance dépend moins de la 
disponibilité des technologies que de l’habileté dans leur utilisation. La 
formation des employés est donc un facteur d’efficacité.   
*     * 
En conclusion, on peut dire que la 
productivité dépend :  
- de l’habileté dans l’utilisation des TIC et des bases de données, qui se 
conforte par une formation adéquate ;  
- de l’ampleur du réseau personnel du salarié : on la favorise en organisant la 
rotation des tâches, qui encourage la diversification des relations 
personnelles ; 
- de l’utilisation préférentielle de la communication asynchrone : il convient 
donc que l’entreprise soit attentive à la qualité de son service de
messagerie.  
On peut préciser en outre que la 
productivité s’exprime plus selon le nombre d’affaires traitées simultanément 
par un salarié (multitasking) que par le délai de traitement d’une 
affaire.  
On ne doit pas exagérer la portée de ces 
conclusions puisqu’elles résultent de l’examen d’un cas particulier, mais elles 
sont suggestives. Chaque entreprise peut trouver avantage à faire une étude 
semblable à celle-ci pour préciser, mutatis mutandis, les facteurs qui 
favorisent l’apport des TIC à sa productivité.  
                             |