Éclairage
historique
19 décembre
2003
Introduction
- « Do
not be encumbered by history. Go off and do something wonderful »
-
- « Une
« révolution technologique » offre-t-elle l’occasion de
remettre en cause les situations établies (…) ? Certains dirigeants français
l’espéraient dès 1950, lorsque les premiers ordinateurs apparurent en
Angleterre et aux Etats-Unis. Pourtant, les efforts accomplis (…) n’ont
abouti qu’à faire de Bull, jadis quatrième constructeur mondial, une
firme reléguée au treizième rang et dépendant des technologies américaines
et japonaises [alors même que] la France réussissait à s’imposer dans
(…) les télécommunications et le logiciel.
Expliquer ce paradoxe conduit à analyser à la fois :
- des caractères de longue durée : le purisme de l’école mathématique
française, la rareté des compétences, la faiblesse de la recherche
industrielle, la priorité des projets militaires sur les logiques de marché
limitaient l’aptitude de la France à profiter de la « révolution
informatique » (…) ;
- et les aspects contingents de cette histoire : échecs locaux et fautes
stratégiques ont dépassé les étroites marges d’erreur permises (…) »
- (Pierre
Mounier-Kuhn, L'Informatique en France
de la Deuxième Guerre
mondiale au Plan Calcul : science, industrie, politiques publiques,
thèse de doctorat, CNAM 1999).
L’histoire de l’informatique intéresse un nombre croissant de
chercheurs. Le champ ainsi ouvert à la réflexion est immense. L’histoire de
l’informatique ne peut en effet se comprendre que si l’on étudie et
relie entre eux ses aspects logique, technique, philosophique, économique, sémantique,
sociologique, industriel etc. ; il faut décrire à la fois ce qu’elle
est, ce que ses promoteurs auraient voulu qu’elle fût, ce que ses
utilisateurs en ont fait. Il faudra, pour venir à bout de ce programme, lui
appliquer la même attention minutieuse que celle que Donald Knuth a consacrée
aux algorithmes.
Parmi les chercheurs, on doit
citer en France Pierre Mounier-Kuhn. Après avoir soutenu une thèse intitulée L’informatique
en France de la Deuxième guerre mondiale au Plan Calcul, il anime un séminaire
sur l’histoire de l’informatique à l’École pratique des hautes études.
Un colloque international sur l’informatique et les réseaux s'est tenu à
Grenoble en novembre 2002 .
En
utilisant un moteur de recherche, on trouvera par ailleurs sur la Toile de
nombreux sites dédiés à l’histoire de l’informatique.
Il
est devenu nécessaire de voir l'informatique avec le recul que permet
l'approche historique. Cependant les historiens ne se sont pas encore
attelés à la tâche : sans doute parce qu'il faut, pour l'aborder, maîtriser
à la fois les méthodes de l'histoire et celles de l'informatique, double
compétence peu répandue ; aussi parce que le domaine effraie par sa
complexité.
Il existe des ouvrages
partiels comme celui de Paul Carroll sur IBM, mais aucun ne donne une
vue d'ensemble. C'est cette vue d'ensemble que Paul Ceruzzi a tenté de
construire.
Il
n'y arrive qu'en partie. D'une part, comme souvent en histoire, il s'arrête
au seuil de l'époque actuelle : s'il décrit l'histoire de l'Internet, il
ne décrit pas celle des langages orientés objet, ni des langages de modélisation, ni les « brokers » comme Corba, ni les
changements apportés par l'Intranet dans les entreprises, ni même
l'intelligence artificielle qui est pourtant une aventure déjà ancienne.
On
souhaiterait par ailleurs qu'il abordât son sujet non seulement sur les
plans technique et historique, mais aussi sur le plan philosophique.
Comment exprimer autrement que dans le langage de la philosophie des
projets visant à construire, relier et utiliser des concepts ? ce qui
distingue tel langage de tel autre, ce qui fait la force ou la faiblesse
d'outils bureautiques comme le tableur, la messagerie, la documentation électronique
etc. ?
La
lecture de ce livre est cependant utile. Il apporte des informations
jusqu'ici inédites ou difficiles à trouver sur les origines des choix
techniques, du vocabulaire, ainsi que sur les mécanismes de la réussite
sur ce marché très concurrentiel.
Il
nous faudrait aussi un livre sur l'histoire du logiciel ; il devrait
certes faire référence au matériel, puisque les progrès du matériel
sont indispensables à l'éclosion des langages, mais aussi montrer ce
que chaque langage a de spécifique, ses apports et ses limites.
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La plupart des travaux érudits
sont consacrés aux origines de l’informatique : certains partent des
calculs gravés sur les tablettes mésopotamiennes, puis décrivent l’histoire
des systèmes de numération,
les abaques des calculateurs de l’antiquité, la machine à calculer de Pascal
(1623-1662),
la machine programmable de Charles Babbage (1791-1871), enfin la machine mécanographique
de Herman Hollerith
(1860-1929).
Nous n’avons pas la prétention
de rivaliser avec ces travaux spécialisés mais nous nous efforcerons de situer
dans l’histoire les questions techniques, sociologiques ou économiques que
pose l’informatique. Cette démarche aide à délimiter ses concepts
essentiels et à identifier les ressorts de sa dynamique. Il ne s’agit pas de
collectionner des faits dont le souvenir inspirerait la nostalgie, ni de se repaître
de l’image de machines désuètes, mais de prendre un peu de hauteur pour
s’affranchir du poids du présent.
L’analyse historique, prolongée jusqu’au passé récent, permet d’élucider
le présent et d’éclairer le futur tout en laissant sa part à
l’incertitude.
Le présent cours rassemble
l’information sur trois thèmes historiques cruciaux : le micro-ordinateur ;
les logiciels ; l’économie de l’informatique. Nous daterons les événements
: la chronologie donne un point d’appui au raisonnement en situant les événements
dans leur contexte ; elle aide aussi à identifier les innovations
essentielles, celles qui en élargissant le domaine du possible ont suscité
d’autres innovations. Certaines dates servent ainsi de pivot à
l’intelligence des faits.
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