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Commentaire sur :

Guy Achard, La communication à Rome, Payot 1994

18 décembre 2006

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Pour lire un peu plus :

-
Histoire romaine
-
La vie sexuelle dans la Chine ancienne

L’érudition et l’élégance font rarement bon ménage mais ici, c’est le cas. Ce livre, composé à partir d’une abondante documentation, est écrit dans une langue simple, précise, nuancée – et il faut des nuances lorsque l’on décrit un phénomène aussi complexe que la communication, lorsque les habitudes, les modes, se succèdent et se superposent.

En abordant une société sous un angle particulier, ici celui de la communication, on ouvre une sur elle une fenêtre à travers laquelle le lecteur verra plus de choses, peut-être, que si l’on avait prétendu tout embrasser (il en est de même avec La vie sexuelle dans la Chine ancienne, de van Gulik). Par ailleurs, on l'invite implicitement à considérer sous cet angle-là sa propre société, et à mieux la comprendre : en lisant un texte consacré à la communication à Rome, on pense inévitablement au rôle qu'a aujourd'hui la communication en France.

D’utiles définitions sont fournies : la communication, c’est « la volonté de dialoguer avec autrui, de l’informer, voire de le persuader » (p. 10). L’opinion (opinio) concerne des faits, alors que la réputation (fama) concerne des personnes (p. 233). L’étymologie de nos mots est indiquée sans pédantisme : livre vient de liber, écorce, parce qu’on a écrit d’abord sur de l’écorce (et aussi sur des plaquettes de bois, codex, ou sur une planche couverte de chaux, album). Scribere, dont proviennent écrire, schreiben, scrivere, escribir, escrever et peut-être aussi to write, signifie originellement gratter, entailler, parce que l’on a d’abord écrit en gravant ou entaillant une surface (p. 18).

Les Romains ont d'abord, du temps des Rois et au début de la République, peu utilisé l'écriture. La communication passait par la parole qui, brève et dense, ne servait qu'à transmettre une information ou à énoncer un ordre. En l'absence de l'écrit, et donc des livres, la mémoire était soumise à un vigoureux entraînement. Comme la parole engageait la responsabilité et la crédibilité de celui qui l'énonçait, elle était grave et sérieuse ; la tromperie était rare.

Le contact avec la Grèce apporte la rhétorique : les Romains découvrent que la parole peut servir non seulement à informer, mais à convaincre et, à l'occasion, à duper. D'abord la rhétorique leur répugne, et ils refusent qu'elle soit enseignée en latin. Puis progressivement elle séduit la classe dirigeante, dont l'éloquence conforte l'autorité, et enfin elle contamine toute la population : hommes, femmes, enfants, tous les Romains sous l'empire s'exercent à parler habilement, tant dans la vie privée que dans la vie publique.

Parallèlement, l'écriture s'industrialise : des ateliers de copistes multiplient les livres, les bibliothèques sont nombreuses et bien fournies, les archives sont copieuses et classées avec soin. Si les Romains ne disposaient ni des techniques de l'imprimerie, ni de celles de l'électronique, la qualité de leurs écrits et leur maîtrise de la parole étaient supérieures aux nôtres.

Cet enrichissement culturel va de pair avec l'extension de la domination romaine : pour pouvoir parler avec des peuples différents et assurer la gestion d'un empire démesuré, il fallait des administrateurs à l'esprit délié. Il s'accompagne aussi d'un affadissement du caractère romain : au Romain sobre, austère et droit de la République, succède le Romain subtil, disert et retors de l'Empire.

Rousseau, dans son Discours sur les sciences et les arts (1750), avait soutenu que les sciences et les arts sont responsables de l'amollissement des hommes, de l'hypocrisie mondaine et de la décadence des mœurs. Cette thèse a révolté Voltaire et Diderot, elle nous choque, mais l'histoire de la communication à Rome ne la démentit pas.