Commentaire sur Alain Guédé, « Les comptes à dormir debout de l’INSEE », Le Canard Enchaîné, 3 janvier 2007
14 janvier 2007
Un lecteur de volle.com a demandé mon avis sur cet article du Canard.
Le Canard, ayant constaté que les projections démographiques avaient été révisées, s’est gaussé des « Madame Irma de l’économie ». Il est là dans son rôle : la satire est la fonction d’un journal satirique.
La prendre au sérieux serait cependant commettre un contresens. Le Canard ignore en effet, ou feint d’ignorer, une évidence que l’on est gêné de devoir rappeler : le futur est incertain par nature.
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Les statisticiens et économistes ne produisent pas des « prévisions » (on a tort de dire qu’ils sont des « prévisionnistes »), mais des projections fondées sur l'observation des comportements passés et tenant compte des retournements de tendance qu’ils estiment vraisemblables (il ne s’agit donc pas de simples extrapolations). En démographie, les comportements sur lesquels il faut poser des hypothèses sont pour l'essentiel ceux qui déterminent la fécondité et les flux migratoires.
Il est impossible de faire plus, ni mieux : les statisticiens observent ce qui se passe ; les économistes, s'appuyant sur ces observations, produisent ensuite des schémas explicatifs plausibles. Ces schémas sont étalonnés sur le passé puisque le futur, lui, n'est pas observable (deuxième évidence).
Lorsqu’on examine des projections il faut donc se dire « voici ce que pensent des professionnels qui ont regardé attentivement les données passées puis se sont appliqués à les prolonger dans le futur », et les entourer mentalement du halo d’incertitude qu’elles comportent inévitablement. Il ne faudra pas s’étonner si, le temps apportant une moisson de faits nouveaux, les projections sont par la suite révisées.
Le Canard n’est pas le seul qui, confondant projection et prévision, exige une exactitude impossible. Ceux qui présentent les résultats d’un modèle économique au comité de direction d’une entreprise rencontrent, chez les dirigeants, la même incapacité à comprendre les raisonnements que l’on doit faire pour se projeter dans le futur, la même exigence d’exactitude inaccessible, la même irritation lorsqu’on révise des projections auxquelles ils avaient voulu croire.
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J'aurais pour ma part un autre reproche à faire à l'INSEE : il ne se soucie pas assez, me semble-t-il, de comprendre l'économie contemporaine alors qu’il a mission de l’observer. Mais c’est là une tout autre affaire.
Pour lire un peu plus :
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- Le métier de statisticien
- Une histoire
de la comptabilité nationale
www.volle.com/lectures/canard.htm
© Michel VOLLE, 2007
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