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Commentaire sur :
Fahrenheit 9/11, de Michael Moore

10 juillet 2004


Liens utiles

- Élections américaines
- Racines du désaccord entre Bush et Chirac
- Tort d'avoir raison

Je n’irai pas voir le film de Michael Moore.

D’une part je n’ai pas besoin d’un tel film pour me faire une opinion sur George W. Bush. D’autre part Michael Moore est de ceux qui se procurent un succès facile en dénigrant leur pays, et cela me répugne[1]. « Les Américains sont peut-être le peuple le plus stupide de la planète », a-t-il déclaré au Mirror britannique. « Nous souffrons d’ignorance aiguë. Nous ne connaissons rien à ce qui se passe en dehors de notre pays ».

A Munich : « C’est pour cela que nous sourions tout le temps. Ce grand sourire reste plaqué sur notre visage parce que notre cerveau est vide ». A Cambridge (Angleterre) : « Vous êtes collés à mon pays qui apporte la misère et le malheur dans le monde ». A Liverpool : « Tout se tient : les compagnies pétrolières, Israël, Halliburton ». Dans une interview à un journal japonais : « Les Irakiens qui se sont soulevés contre l’occupation ne sont ni des rebelles, ni des terroristes, ni l’ennemi. Ils sont la RÉVOLUTION, ils seront de plus en plus nombreux et ils vont gagner ».

Ces quelques phrases révèlent un manipulateur. Il y en a eu tant chez nous, aux alentours de mai 68, qu’il ne nous est pas difficile de les reconnaître[2] ! La politique de George W. Bush mérite une critique plus sérieuse que celle-là, une critique qui serait du même coup plus sévère.

Michael Moore flatte chez les Européens un antiaméricanisme trivial. Il nous invite à descendre au niveau de ceux qui se sont gaussé de la « vieille Europe », qui ont accusé les Français d’être des lâcheurs et des traîtres, qui ont refusé d’écouter des avis dictés par le bon sens et par une expérience chèrement acquise.

Mais l’opinion américaine a évolué : dans sa majorité, elle désapprouve aujourd’hui George W. Bush et la guerre contre l’Irak (voir Les élections américaines). Toutefois aucun journaliste américain n'a, à ma connaissance, écrit que Chirac avait peut-être eu raison. La France a eu tort d'avoir raison et la rancune est tenace. C’est une faiblesse de leur part. Ne nous laissons pas aller à une faiblesse analogue : refusons à Michael Moore les rires gras qu’il cherche à provoquer sur le dos de son pays.


[1] Voir David Brooks, « All Hail Moore », New York Times, 26 juin 2004.

[2] Pour éviter un contresens : ce n’est pas la gauche que je vise ici mais les manipulateurs que l’on rencontre, tout comme les honnêtes gens d’ailleurs, aussi souvent à droite qu’à gauche. J'ai été candidat du PSU à Paris lors des élections législatives de juin 1968..