RECHERCHE :
Bienvenue sur le site de Michel VOLLE
Powered by picosearch  


Vous êtes libre de copier, distribuer et/ou modifier les documents de ce site, à la seule condition de citer la source.
 GNU Free Documentation License.


Commentaire sur :
H. H. Arnold et alii, One World or None, McGraw Hill 1946

26 mars 2004


Liens utiles

- Affaires atomiques

-
Une guerre

Steven Aftergood m’a fait découvrir ce petit livre que l'on peut télécharger à partir de http://www.fas.org/oneworld/index.html.

Il a été écrit en 1946 par des scientifiques qui avaient participé à l’élaboration de la bombe atomique. Ils voulaient attirer l’attention des politiques sur les conséquences de cette invention. Parmi les signataires on trouve Bohr, Compton, Einstein, Langmuir, Oppenheimer, Szilard, Wigner etc.

Les textes fondamentaux d’une discipline sont souvent plus clairs, plus nets que les textes « pédagogiques » qui résultent de leur digestion : après avoir subi un cours d’économie, lire Adam Smith est rafraîchissant. De même, il est instructif de découvrir dans leur vigueur initiale les intuitions, doutes, démarches et inquiétudes des scientifiques qui ont mis au point la bombe atomique.

Einstein avait vu dès 1905 l’équivalence de la masse et de l’énergie,  hypothèse confirmée expérimentalement en 1933. Il restait à trouver le moyen de dégager une quantité significative d'énergie à partir de ce phénomène. Il fallait aussi découvrir, du côté des corps les plus lourds, les isotopes rares qui, extraits patiemment du minerai, pouvaient constituer la « masse critique » d’une réaction explosive.

Les scientifiques américains craignaient que les Allemands n’y arrivent avant les Etats-Unis, d’où leur acharnement au travail. Ils furent tout étonnés par leur propre réussite. Oppenheimer s'étonnait d'avoir suscité un phénomène sans précédent dans la nature : au coeur de la bombe atomique, la température et la pression sont plus élevées qu'au coeur des étoiles. C'est impressionnant, mais moins exceptionnel qu'Oppenheimer ne le croyait : les espèces végétales et animales dont l'homme se nourrit, ainsi que ses animaux domestiques, ne résultent-ils pas de la patiente sélection opérée durant les dernières 12 000 années ? existait-il, dans la nature, des matières plastiques avant que l'homme n'en fabriquât ?

Lorsque ces scientifiques ont évalué les conséquences de leurs travaux, ils ont été effrayés. Sera-t-il possible, se demandent-ils :
- de conserver le secret sur ses techniques de fabrication ? (la réponse est non : d’autres pays la possèderont, c’est inévitable) ;
- de se défendre contre une attaque atomique ? (la réponse est non).
- de se défendre contre des terroristes qui voudraient utiliser la bombe ? (la réponse est non, de nouveau).
En conclusion, est-il préférable de renoncer à l’utilisation civile du nucléaire, qui produirait des matériaux utilisables à des fins militaires ? (la réponse, mitigée, est plutôt oui).

Certains de ces scientifiques estiment que la seule solution serait de construire un Etat mondial, comme cela il n’y aura plus de guerre ! Ou bien de réunir en une seule armée mondiale les armées de tous les pays, comme cela il n’y aura plus de nationalisme guerrier ! Ou bien de faire adopter par tous les États une loi qui rende illégale la détention, et plus encore l’utilisation, des armes nucléaires de sorte que l’on puisse traiter les individus qui violeraient cette loi comme des pirates, et les mettre au ban de l’humanité !

On est tenté de sourire de la naïveté de ces « savants », incompétents en politique et dont toutes les recommandations semblent commencer par « il n’y a qu’à ». Mais n’avaient-ils pas raison ? Quand la Realpolitik mène au désastre, ne vaut-il pas mieux prendre le risque d’être « naïf » ?

Depuis 1945 la dissémination de la bombe atomique a eu lieu (voir Affaires atomiques) : une quarantaine de pays la possèdent et on ne peut pas exclure qu’elle tombe entre les mains de terroristes - il est même, du point de vue des probabilités, certain que cela se produira un jour. Ce livre, où s’expriment sans précaution oratoire les craintes des personnes qui étaient les mieux placées pour évaluer leur invention, reste d'actualité.