J’avais lu ce livre il y a
longtemps. Je l’ai donné à un ami, je l’ai racheté, je l’ai donné de nouveau,
ceci à plusieurs reprises : c’est un de ces livres que l’on donne à ceux que
l’on aime bien. L’ayant enfin retrouvé dans une librairie je viens de le relire
avec le même plaisir.
Durant un parcours à travers
les Etats-Unis, le héros médite sur les relations entre la pensée et le monde,
sur la place de la technique dans nos vies, en s’appuyant notamment sur ses expériences lors
de l’entretien de sa motocyclette. Le parcours du raisonnement pendant un
dépannage est, dit-il, comme une miniature de la réflexion scientifique : on découvre,
derrière la « laideur » du cambouis, les beautés de la rationalité. Mais où
celle-ci nous conduit-elle ?
Celui qui dépanne une machine
consulte des notices techniques, mais elles sont souvent mal écrites. Écrire une
bonne notice suppose beaucoup de soin. Mais qu’est-ce que c’est qu’un texte
« bien écrit » ? Quel est le secret de l’écriture ? Comment
définir la Qualité ?
Ces questions sont familières à ceux qui réfléchissent sur l'informatique, les systèmes
d'information et l'automatisation de l'entreprise. Il est plaisant de les voir
formulées avec une simplicité aussi éloquente.
C'est en partant de
l’expérience quotidienne, et de la façon la plus naturelle, que l'auteur invite
à la réflexion, à l'exploration du monde de la pensée. Mais celle-ci mène à la folie celui qui, n’étant pas assez prudent
pour se taire, s’expose aux railleries d’abord, puis à la répression dans une
société dont les valeurs sont dictées par l'utilitarisme le plus immédiat.
Pirsig maîtrise l’art de
sélectionner les détails qui suggèrent une ambiance ou une situation. Je ne
crois pas que son vocabulaire soit le plus exact du point de vue technique de la
philosophie, et l'expert le trouvera naïf. Mais la naïveté est parfois
rafraîchissante, et la façon dont Pirsig incarne la pensée dans la tension dramatique
fait culminer l’enjeu des concepts et des théories, comme celui de l’écriture. |