RECHERCHE :
Bienvenue sur le site de Michel VOLLE
Powered by picosearch  


Vous êtes libre de copier, distribuer et/ou modifier les documents de ce site, à la seule condition de citer la source.
 GNU Free Documentation License.

Commentaire sur : Giacomo Todeschini, Richesse franciscaine, Verdier 2008

20 novembre 2008

Pour poster un commentaire


Pour lire un peu plus :

- Pour une politique économique à l'ère du numérique

- L'ultra-modernité

Au XIIe siècle l'économie se développe rapidement et, dans les villes, naît une bourgeoisie marchande.

François d'Assise (1182-1226), fils d'un marchand et marchand lui-même dans sa jeunesse, crée un ordre religieux dont la règle primordiale est la pauvreté : les Franciscains ne doivent en aucun cas toucher à l'argent.

Mais l'ordre a besoin de vivre ! Il se lie donc à des personnes qui lui sont extérieures et qui, pour son compte, gèrent les questions économiques et financières dont les religieux ne peuvent pas s'occuper eux-mêmes.

Comment doivent agir, comment doivent vivre ces personnes qui sont des marchands, des bourgeois ? Quel rôle assigner à la richesse, au bien-être, alors que l'on a classé la pauvreté au premier rang des valeurs ?

Dès lors, de façon paradoxale en apparence mais très logique d'un point de vue dialectique, les Franciscains réfléchissent beaucoup au rôle social de la richesse.

*     *

Ils disent que l'argent ne doit pas être thésaurisé, accumulé : il doit circuler. Le marchand remplit une fonction sociale utile car, étant expert dans l'évaluation des marchandises, il facilite leur circulation, leur échange, et contribue ainsi au bien-être de la cité qu'il insère dans un large circuit commercial.

Il est essentiel que le marchand soit crédible : le coût des transactions sera d'autant plus bas que l'on sait pouvoir lui faire confiance. Il faut donc qu'il soit honnête lorsqu'il fixe un prix, qu'il ne trompe jamais le client sur la qualité de la marchandise, qu'il tienne fidèlement ses engagements.

Sa consommation doit être sobre mais il doit tenir son rang. Loin de préconiser une pauvreté ostentatoire qui nuirait à sa crédibilité, les Franciscains lui recommandent de faire apparaître un bien-être raisonnable. Il faut aussi qu'il soit un membre actif de la cité : il doit participer aux offices religieux où tout le monde se retrouve, s'occuper des affaires politiques, s'intéresser au bien commun.

Celui qui s'écarte de ces règles - qui trompe un client, qui ne respecte pas ses engagements, qui ne sait pas tenir son rang etc. - déchoit de sa fonction et ne sera plus considéré comme un marchand.

Beaucoup de prescriptions détaillées concernent le luxe des vêtements : chacun, chacune doit se vêtir selon son rang. Il est par exemple normal et même souhaitable que le seigneur, dont le prestige rejaillit sur la cité entière, porte des vêtements beaux et coûteux.

Ainsi se développe, sous la plume et dans la prédication des penseurs franciscains (notamment Pierre de Jean Olivi dont Todeschini m'a fait découvrir les écrits), une réflexion sur l'évaluation des marchandises, l'utilité de la consommation, le bien-être et le bien commun. Cette réflexion, tournant le dos au féodalisme, anticipe et prépare dans le cadre de la cité (particulièrement en Italie et dans le Languedoc) l'émergence de l'économie moderne.

*     *

Il est nécessaire, aujourd'hui, de revenir aux sources de la réflexion économique, de relire les textes des fondateurs pour retrouver leur énergie créatrice : la situation des économies actuelles nous confronte à un défi qui exige ce retour.

Le livre de Todeschini, nous présentant une pensée fondatrice et radicale au sens de "racine", remet en mouvement des raisonnements, des hypothèses que l'enseignement de la théorie économique avait peut-être figés à l'excès. Ce retour au XIIe siècle invite à une réflexion sur la société et l'économie ultramodernes, aujourd'hui en gestation, dont il importe de concevoir les potentialités et les risques.