J’aime l’anglais parlé ou écrit
par des anglophones qui connaissent leur langue. Mais celui que l’on entend dans
ma région est étrange : top model est devenu « taupe modèle » et nous
prononçons mobil home comme le latin « mobilum ».
Passant par Nîmes, mon œil a
été accroché par la publicité pour une « Full Time Fitness ». Comme je ne tenais
pas le volant, j’ai pu faire une moisson d'anglicismes sur la route des Cévennes (la
rocade d’Alès en est féconde). Ils ont le prestige du mystère : ceux qui
entendent l’anglais ne sont pas chez nous la majorité, quoique l’on dise, et cela
permet d’audacieux barbarismes : dans Weldom se concatènent l’anglais well
et le latin domus.
On sait que nos artistes
préfèrent les noms anglais puisque derrière Eddy Mitchell se cache Claude Moine
et que Jean-Philippe Smet se fait appeler Johnny Hallyday. Les grandes chaînes
ont fait de même : Leader Price, Go Sport, Buffalo Grill, Inter Hotel etc.
L’apostrophe est chic : Antic’Meubles, restaurant Croq’Soleil, pressing Cev’Net. Bessèges, baignée par la
Cèze, héberge le centre culturel Cez’Art.
On n’écrit plus sur son
enseigne « Guillaume, Coiffeur » mais, conformément à la syntaxe anglaise,
« Guillaume Coiffure ». Cela donne Denis Fleurs, Thomas Pneu, Cévennes
Carrelage. L’anglais étant avare en voyelles, on a par ailleurs inventé
Futurplast, Promoptic, Sanit 2000, Parafarm, Securitest.
On peut mêler le simili-anglais et
le français (Décor Discount, Meridionnal Auto, Flash Danse, Pneus Siligom,
Universal Salon), agglutiner à l’anglaise les mots français (Vêtimarché, Truc
Puces, Pro-Stores, Sellerie Equistock) ou utiliser l’anglais seul (Home
Stock, Denim Republic, Bazar Land, Madison Pub, Paint Ball).
Notons enfin les
calembours : « Big Mat, matériaux de construction », « Le Prixdator », « Talafrit’,
Snack-frites artisanales ».
Cependant la créativité
s’exprime aussi en français. Ainsi à Chamborigaud la marquise d’un sympathique
café annonce fièrement le « BAR DES QUATRES SAISONS ». |