29 octobre 1999
Bonnet et Papon
J'avais déjà donné mon opinion sur l'affaire
Bonnet, ainsi que sur l'obligation de réserve.
Il se peut que cette affaire prenne des proportions
gigantesques. Car enfin, si le préfet Bonnet dit vrai - et il est convaincant - ce n'est
pas lui qui a donné l'ordre d'incendier la "paillotte". Il aurait été stupide
de faire cela, puisqu'il avait le droit d'envoyer des bull-dozers pour la raser. Si
ce n'est pas lui, c'est quelqu'un d'autre qui avait assez de pouvoir pour envoyer des
gendarmes en mission illégale. La précipitation avec laquelle on a arrêté le préfet,
le mal que l'on s'est donné pour le faire craquer, la légèreté avec laquelle on s'est
fondé sur un témoignage appuyé sur un enregistrement au magnétophone que l'on n'a pas
écouté, tout cela fait soupçonner un complot. On tue un préfet, on tente de
déshonorer le suivant. Vous avez dit bizarre ? comme c'est bizarre...
D'un préfet l'autre, passons à Papon. J'avais déjà parlé
du 17 octobre 1961.
Qu'il ait voulu éviter la prison ne me choque pas : cette
sanction barbare ne devrait être appliquée qu'à ceux qui mettent les autres en danger
(et une fois enfermés il faudrait les traiter avec le respect dû à tout être humain).
Mais je suis choqué par les propos racistes de ceux qui le soutiennent, la bonne
conscience des notables qui le reconnaissent comme un des leurs. Je les connais, ces
"Gens Bien" qui méprisent tout hormis leur milieu : si vous ne savez pas
parler, marcher, vous vêtir, vous loger, vous tenir à table comme eux, fréquenter le
même lieu de villégiature (Gstaad, très chic !), le même club, habiter la même maison
cossue, épouser dans la même famille, mettre vos enfants dans la même école,
pratiquer la même politesse insultante, on ne vous entend pas, on ne vous parle pas, vous
n'existez pas. Après avoir coupé le cou de quelques aristocrates, la France a engendré
une aristocratie bourgeoise qui singe les privilèges de l'ancienne sans le courage et la
dignité en qui réside la seule noblesse, celle qui est possible pour tous sans
privilège.
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