Mon pronostic est que John Kerry gagnera les
élections présidentielles américaines du 2 novembre 2004. Ce pronostic ne
résulte pas de mes préférences, mais des statistiques : il s’appuie sur l’examen des
sondages publiés par le Washington Post (journal en général plutôt favorable au parti
républicain).
Déjà, 51 % des Américains
disent qu’ils voteraient pour Kerry si l’élection avait lieu aujourd’hui, contre
43 % pour George W. Bush. Mais observons en détail les évolutions de l’opinion.
Pour faciliter la lecture comparée des graphiques, nous avons calé leur début sur le
25 février 2001.
Opinion générale
Le 11 février 2004, 47 % des
Américains désapprouvent la façon dont Bush fait son travail.
Au début de son mandat beaucoup
d’entre eux n’avaient pas d’opinion et Bush disposait d’une courte majorité. Sa
popularité a culminé après le 11 septembre 2001 en raison d’un réflexe
patriotique bien naturel. Puis elle s’est dégradée continûment. Le 9 avril 2003,
le déclenchement de la guerre contre l’Irak a suscité un deuxième sommet de
popularité, moins élevé que le précédent. Un troisième sommet, moins élevé
encore, s’est produit le 21 décembre 2003 après la capture de Saddam Hussein.
Ainsi l’opinion sur Bush, relancée par des
événements exceptionnels, s’est dégradée dans les intervalles entre
ces événements et elle est aujourd'hui à son plus bas niveau.
L'utilité de la guerre en
Irak
« L'un dans l'autre, si
l'on compare les coûts et les bénéfices pour les Etats-Unis, pensez-vous que la
guerre avec l'Irak valait la peine ou non ? » : la rapidité de l'évolution
de la réponse à cette question est saisissante. En avril 2003, l’opinion était
majoritairement favorable à la guerre. Aujourd'hui, après un soubresaut provoqué
par la capture de Saddam Hussein, 50 % des Américains
estiment qu’il aurait mieux valu ne pas la faire.
Que pensent
maintenant ceux des Européens qui, à l'époque, ont soutenu la guerre en Irak ?.
L’économie
54 % des Américains désapprouvent la
politique économique de Bush. Bien que le 11 septembre 2001 n’ait aucun rapport avec cette politique, Bush a bénéficié
dans ce domaine aussi du gain de popularité après l’attentat. On note une embellie au
début de 2004, suivie d’une rechute : les informations sur la croissance et sur son contenu en
emploi ont déçu après avoir suscité de l’optimisme.
49 % des Américains estiment que Kerry
gèrerait mieux l’économie que Bush (contre 41 % pour Bush). 51 % estiment que
Kerry favoriserait davantage la création d’emploi (contre 37 % pour Bush).
La situation en Irak
L’opinion a connu des sursauts
lors de la déclaration de guerre et après la capture de Saddam Hussein.
Aujourd'hui 52 % des Américains désapprouvent la façon
dont Bush traite la situation en Irak.
48 % des Américains estiment
cependant que
Bush gèrerait mieux la situation en Irak que Kerry (contre 41 % pour Kerry) :
dans ce domaine, Bush conserve donc l’avantage.
La campagne contre le terrorisme
64 % des Américains approuvent la façon dont
Bush conduit la lutte contre le terrorisme : c’est là que sa politique
recueille le plus d’approbation. Cependant la tendance est à la
dégradation.
53 % des Américains estiment que Bush
gérerait mieux la lutte contre le terrorisme que Kerry (contre 37 % pour
Kerry) : cela reste le point le plus fort pour Bush.
L’éducation
Le nombre des « sans opinion » est élevé sur
cette question, sur laquelle on note une lente montée de la réprobation.
49 % des Américains estiment que Kerry
ferait mieux que Bush dans le domaine de l’éducation (contre 40 % pour Bush).
L’assurance maladie
Sur l'assurance maladie, l’opinion a
toujours été nettement défavorable à Bush et elle tend à se dégrader. 52 % des Américains estiment que
Kerry ferait mieux que Bush dans ce domaine (contre 34 %
pour Bush).
Opinion sur le caractère de Bush
« Il est honnête et digne de
confiance »
45 % des Américains estiment que Bush n’est
pas honnête ; on note la montée des opinions défavorables depuis décembre 2002.
« Il comprend les problèmes des gens
comme vous »
57 % des Américains estiment que Bush ne
comprend pas leurs problèmes, et leur nombre va croissant depuis janvier 2002..
« Il a du leadership »
Le « leadership » est une des qualités que
l’on reconnaît le plus généralement à Bush, et 61 % des Américains la lui
attribuent. Cependant l’opinion sur ce point se dégrade depuis décembre 2002.
Conclusion
A neuf mois des élections, la
situation de Bush est difficile. Certes il conserve quelques points forts et les Républicains n’ont pas encore entamé la campagne
de dénigrement qu’ils préparent contre Kerry, ils n’ont pas encore non plus mobilisé les
médias : mais ils auront fort à faire pour redresser la tendance.
Bien sûr, tout peut se produire ! le plus
probable est cependant que Kerry va gagner. Même si un événement important se
produit (catastrophe nationale, découverte d'armes de destruction massive en
Irak, capture de Ben Laden), son effet sur la popularité de Bush restera limité
comme l'a été celui de la capture de Saddam Hussein.
Bush est handicapé par son médiocre service militaire, par les affaires
d’argent de son entourage, par la brutalité avec laquelle il a traité les
questions sociales et fiscales, enfin et aussi par la montée du doute sur la
qualité de sa stratégie contre le terrorisme (voir Jeffrey Record, « Bounding
the Global War on Terrorism », Strategic Studies Institute,
décembre 2003).
Parmi les problèmes que Kerry devra résoudre
lors de son mandat, l'Irak est le plus difficile. S’il parvient à
se montrer convaincant sur ce point ainsi que sur la lutte contre le terrorisme, il a partie gagnée devant l’électorat. Il lui restera, ensuite, à gagner sur le terrain. |