Le Washington Post met à
jour tous les vendredis une liste nominative des militaires américains tués en
Irak.
On peut s'en servir pour établir des statistiques que je tiens à jour dans
la présente fiche.
Le nombre des tués
Du 20 mars 2003 au 27 janvier
2008,
les Etats-Unis ont perdu 3 892 militaires en Irak dont 3 123 par fait de guerre.
Ces nombres résultent d'une exploitation des données détaillées publiées par le
Washington Post (le 29 juin, ce
journal indiquait un total de 3 927 tués, ce qui inclut
des militaires dont le nom n'a pas encore été révélé ainsi que des employés
civils du Pentagone).
Les causes de décès se
répartissent ainsi :
80 % des pertes sont dus à des
combats ou à des attentats. La manipulation des armes et les « tirs amis » sont
à l’origine de 2 % des pertes, les accidents de la route de 7 %, les accidents
d’avion ou d’hélicoptère de 4 %.
La part des pertes par fait de
guerre est allée croissant depuis le début du conflit (le creux vers le milieu
du graphique est du à l'accident d'hélicoptère du 26 janvier 2005), ce qui
montre que les soldats sont de plus en plus expérimentés - mais aussi que les
combats sont plus intenses. Elle a longtemps été de l'ordre de de 90 %, elle a
récemment décru en raison de la baisse des pertes dues au combat (voir
ci-dessous). Les pertes les plus nombreuses sont provoquées par des makeshift bombs, bombes artisanales qui
explosent près des convois et des patrouilles.
Chronologie
Après la guerre proprement dite
les pertes ont oscillé autour d'un mort par jour sans que l’on puisse
déceler de tendance significative, avec des pointes les 2 et 15
novembre 2003 dues à deux attentats contre des hélicoptères (15 et 18
morts respectivement). On n'a pas observé de hausse après l'arrestation de
Saddam Hussein le 13 décembre 2003.
Les incidents qui ont commencé
le 4 avril 2004 ont causé un
brusque accroissement, faisant apparaître une pointe
d'intensité plus forte que pendant la guerre elle-même. Pendant un mois, les
pertes ont oscillé autour d'une moyenne supérieure à quatre morts par jours.
Entre le 6 mai et le 8 novembre 2004 , la moyenne a été de deux morts par jour, donc significativement plus forte que
pendant les mois qui ont suivi la guerre.
Après le 9
novembre 2004, date de l'assaut contre Fallouja, les pertes ont été encore une fois
plus intenses que pendant la guerre proprement dite. Puis elles ont
fortement diminué malgré l'attentat du 21 décembre (14 morts). A la fin de
l'année 2004, elles étaient d'un peu plus de deux morts par jour. L'accident
d'hélicoptère du 26 janvier 2005 (31 morts) a fait remonter la moyenne.
Si l'on fait abstraction des
pointes exceptionnelles, il apparaît que la moyenne des pertes, qui était d'un
peu plus de un par jour en 2003 après la guerre proprement dite, est passée à deux par jour à
partir de la mi-2004, bien que les soldats américains soient de plus en plus
expérimentés (comme le montre la diminution du nombre des pertes dues à des
accidents) et qu'ils prennent de plus en plus de précautions. Les
rebelles irakiens utiliseraient, pour percer les blindages des véhicules, des
bombes de plus en plus efficaces (cf. David S. Cloud,
"Iraqi
Rebels Refine Bomb Skills, Pushing Toll of G.I.'s Higher", The New York Times,
22 juin 2005) ; ils utiliseraient aussi des tireurs d'élite de plus en plus
performants (cf. C. J. Chivers, "Sniper Attacks Adding to Peril of U.S. Troops",
The New York Times, 4 novembre 2006).
Les pertes ont connu une
pointe de 4 par jour autour de mai 2007, pour connaître ensuite une décroissance
régulière. En 2006,
elles ont été de 2,23 morts par jour en moyenne ; en 2007,
de 2,45 morts par jour en moyenne.
Depuis le début de 2008 elles sont de 1,15
morts par jour en moyenne.
Commentaire
Les nombres ci-dessus ne
donnent pas la mesure exacte des dégâts humains que cause le conflit.
1)
Le nombre de morts ne fournit qu’une
indication partielle : il faudrait considérer aussi le nombre des blessés,
notamment des blessés graves qui souffriront d’un handicap durable. Les ordres
de grandeur sont de 10 blessés pour un mort, dont 3 blessés
graves qui souffriront d'un handicap durable. Un
rapport pour le Congrès
des Etats-Unis daté du 8 juin 2006 indique qu'à la date du 15 mai 2006 on
dénombrait 2 325 morts parmi les militaires américains engagés en Irak, dont 1
822 au combat, et 17 469 blessés. Il est intéressant de recouper ces données
avec le rapport du congrès qui donne l'historique des pertes militaires
américaines depuis la création des Etats-Unis :
http://www.fas.org/sgp/crs/natsec/RL32492.pdf .
2) Parmi les
militaires morts,
beaucoup avaient moins de 25 ans ; souvent, ils avaient 19 ou 20 ans. L'armée
américaine en Irak est une armée de jeunes gens et ces morts précoces sont
cruelles. Leurs visages juvéniles, que montrent les photographies publiées par
le Washington Post, suscitent la compassion.
3)
On ne considère ici que le nombre des
morts militaires américains : les morts des autres armées de la coalition
ne sont pas dénombrés, ni les morts irakiens, qu’ils soient ennemis ou alliés
des États-Unis, ni les morts civils américains (notamment ceux qui appartiennent
aux entreprises de "sécurité", très présentes en Irak où elles posent d'ailleurs
des problèmes...). Si l’on additionne les victimes
militaires et les victimes civiles du conflit, ainsi que les victimes des
conséquences du conflit, on doit trouver plusieurs dizaines de milliers de morts
(NB : pendant la guerre du Vietnam, on a dénombré 60 Vietnamiens tués pour un
Américain tué et les États-Unis y ont perdu plus de 58 000 militaires.
D'après un rapport de l'ONU, on dénombre cent Irakiens tués par jour en moyenne,
que ce soit dans le combat contre l'armée américaine ou dans la guerre civile).
4) Parmi les morts
civils américains figurent des contractuels qui n'appartiennent pas à l'armée
mais accomplissent des missions de type militaire : on dénombre 130 000 civils
américains en Irak employés pour fournir des services à 160 000 militaires (John
M. Broder, "Filling
Gaps in Iraq, Then Finding a Void at Home", The New York Times, 17
juillet 2007). Lorsque l'un de ces
civils meurt, son
décès n'est pas décompté dans les pertes militaires : les pertes américaines
sont donc sous-estimées d'autant.
5) Entre le début de la
guerre le 20 mars 2003 et l’annonce de la "fin de la guerre" par
George W. Bush le 1er mai 2003, 138 militaires américains sont
morts en Irak, dont 86 par fait de guerre. Après cette annonce 3 755 militaires
américains sont morts en Irak, dont 3 037 par fait de guerre.
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