I – Typologie des postes de dépense
Contenu du SI
Le SI comporte le réseau des
postes de travail (PC, RLE, serveurs, routeurs, WAN, logiciels, support
utilisateurs, maintenance) : cet ensemble, dont on parle rarement lors des
discussions budgétaires, représente plus de la moitié du coût du SI.
Le reste du coût se partage
entre les dépenses consacrées aux mainframes et serveurs centraux, et celles
consacrées aux progiciels et logiciels.
Dynamique des coûts
La maîtrise économique du SI
suppose que l’on élucide la dynamique de ses coûts : les coûts
d’investissement d’aujourd’hui suscitent des coûts de maintenance et
d’exploitation durant les années suivantes.
Notons S le volume du stock
(matériel et logiciel), et a son coût de maintenance,
δ
son taux d’obsolescence ; notons N le volume du flux des investissements,
et b son coût unitaire. Supposons que les coûts décroissent au rythme annuel
k. Le coût annuel est alors :
Ct = atSt + btNt
= (aSt +
bNt)e-kt
L’évolution du stock est donnée par la relation suivante :
St
+ 1 = St + ΔSt = St(1
- δ) + Nt
Le stock est ainsi constitué
par accumulation des investissements, et diminué par l’obsolescence.
Une économie mal connue
Souvent, la discussion budgétaire
se focalise sur le coût de l’investissement informatique (les « projets »).
Elle ignore le
coût de la maintenance ainsi que le coût de la MOA (qui représente pourtant de
l'ordre de 20 % du coût informatique d’un projet)
La dynamique des coûts est mal
anticipée : or le coût d’exploitation et maintenance peut « étouffer »
le budget du SI si l’on n’anticipe pas sa croissance.
La codification comptable des dépenses
est souvent malencontreuse, et gêne la compréhension de l’économie du SI :
on classe le coût des développements en dépense d’exploitation ; on mêle
dans la TMA la maintenance vraie (MCO) à de nouveaux projets (« maintenance
évolutive »).
Discussion :
Identifier le processus de cycle
de vie d’un projet est un bon moyen pour n’oublier aucun poste de dépense :
cela implique en effet notamment à évaluer les coûts de maintenance, ainsi
que la durée de vie du produit.
Le classement comptable s’écarte
souvent du classement économique (distinction entre immobilisation et dépense
d’exploitation notamment) ; souvent, le contrôle de gestion et le
directeur financier raisonneront en appliquant des règles comptables, ce qui
masque l’économie du SI. Il faut savoir utiliser deux langages : celui
de la comptabilité, indispensable pour répondre à la réglementation fiscale,
et celui de l’économie.
L’obsolescence dépend pour
partie :
-
de l’usure du logiciel, qui est elle-même fonction du nombre de
modifications qu’on lui apporte : un logiciel se dégrade chaque fois
qu’il est modifié ;
-
de l’évolution du métier, dont les processus peuvent dériver par
rapport à ce qui avait été modélisé (réglementation, adaptation à de
nouveaux marchés etc.).
Souvent, l’évolution du métier
oblige à retoucher le logiciel, ce qui accélère son usure.
Les entreprises évaluent le coût
des ressources humaines externes au prix du marché, et le coût des ressources
internes selon un prix conventionnel, souvent très inférieur au prix du marché.
Il se peut que le prix des ressources internes soit sous-évalué : on néglige
de tenir compte par exemple du coût de la désorganisation induite par la
mobilisation des experts de terrain par la MOA.
La connaissance des coûts peut
avoir des finalités diverses : s’assurer que l’on respecte une
enveloppe financière ; comparer diverses solutions entre elles ;
vérifier que l’on n’est pas en train de « déraper ». Des évaluations
en homme*jour peuvent suffire pour ce dernier point, mais il faut impérativement
mesurer des coûts en euros lorsque l’on veut obéir à l’une des deux
autres finalités.
Souvent la DSI ne fournit pas
l’information sur les coûts, parce qu’elle ne l’a pas élaborée elle-même :
elle dispose certes d’une information détaillée, mais elle ne la traite pas
nécessairement de façon convenable ; la DSI est souvent sous-informatisée,
ou bien elle élabore une présentation purement comptable et non économique.
Parfois le DSI préfère que
l’entreprise ne connaisse pas le coût de son SI, parce qu’il risque de lui
paraître très élevé. L’entreprise est trop souvent tentée de focaliser
son attention sur le coût, sans évaluer la rentabilité du SI, et d’en tirer
des conclusions biaisées.
Les DSI sont actuellement dans
une situation difficile : ils doivent gérer à la fois une ressource
humaine délicate, composée de spécialistes ; des problèmes techniques
très complexes ; et une dimension financière importante pour
l’entreprise. Aujourd’hui, où le turn-over des DSI s’accélère (durée
de fonction moyenne : deux ans), il se conçoit que les DSI se mettent sur
la défensive.
II - Méthode d’élaboration du budget
Les données initiales
La préparation du budget du SI
part des informations suivantes :
-
Un cadre (plan d’urbanisme, schéma directeur etc.) donnant une
visibilité pluriannuelle sur l’évolution du SI (NB : ce cadre
n’est pas toujours disponible).
-
La liste des projets en cours, qu’il est nécessaire de poursuivre
-
Les nouvelles demandes des MOA (NB : la qualité de cette liste est
variable : les demandes sont-elles priorisées ou non ? Le coût de chacune
a-t-il été évalué ainsi que leur rentabilité ? Les demandes sont-elles
classées en « TMA », avec l’ambiguïté que cela comporte, ou
« en projet » ?
-
Les demandes de la DSI : Maintenance, dimensionnement et/ou rénovation
de la plate-forme technique (réseaux, machines, logiciels)
-
L’état de la trésorerie : reports de budget disponibles,
contraintes
financières de l’entreprise
La discussion budgétaire
La qualité de l’arbitrage
budgétaire dépend de la méthode suivie : a-t-il été convenablement préparé
(clarté de la gestion de portefeuille, de la trésorerie), les parties
prenantes sont-elles convenablement associées à la décision (MOAO, MOAD,
MOAS, DSI, DG).
La portée de la décision budgétaire
dépend de son appropriation par l’entreprise : s’agit-il véritablement
d’une décision, ou fera-t-elle l’objet d’une remise en question récurrente ?
la vision pluriannuelle du SI sera-t-elle mise à jour à partir de cette décision ?
Discussion :
Au printemps, on va définir le
budget de 2004 sous forme d’une lettre plafond, accompagnée d’un
argumentaire expliquant les raisons du cadrage. Cette lettre plafond permet à
chacun de savoir où va l’entreprise. Il est important qu’elle soit signée
du DG pour éviter toute contestation.
Puis les MOA font des demandes
argumentées, par application ou ensemble d’applications. Il s’ensuit des
arbitrages à divers niveaux jusqu’à ce que la dépense globale ait pu entrer
dans le cadre fixé par la lettre plafond. Le point le plus important est de
bien gérer la masse financière sur laquelle on va pouvoir jouer une fois payés
le fonctionnement du stock et la poursuite des projets engagés (masse que
l’on appelle « enveloppe réservée », « non récurrent »,
« budget libre » etc., et qui détermine le budget à consacrer aux
nouveaux projets).
Souvent le processus de
lancement des nouveaux projets focalise la discussion, les évolutions étant
examinées de moins près. Un projet pluriannuel qui n’est pas terminé peut
être soit reconduit, soit remis en cause en tout ou en partie : la
discussion budgétaire donne l’occasion de réviser les décisions antérieures.
La qualité de la procédure
suivie pour faire émerger les meilleurs projets est un enjeu important ;
ceux qui possèdent l’art de bien présenter un dossier disposent d’un grand
avantage tactique, d’autant plus que lorsque l’on élabore le budget (au début
de l’été de l’année a – 1) on ne peut évaluer précisément ni le coût
du projet, ni ce qu’il va rapporter.
Pour que la préparation du
budget aboutisse à des conclusions raisonnables, il faut qu’elle soit
accompagnée par un mécanisme permettant de pointer sur les sujets les plus
sensibles.
III – Méthode de suivi du budget
Attribution du budget
Le budget a-t-il été attribué
à la DSI (sous la forme d’une « enveloppe informatique ») ou à
chaque MOA, responsable du coût de son SI ?
Si le budget a été attribué
à la DSI, quels sont les moyens dont dispose la MOA pour faire prévaloir ses
objectifs ? Lui est-il possible de
mettre la DSI en concurrence avec des fournisseurs externes ? d’exercer des
sanctions si la fourniture n’est pas conforme en termes de délais ou de
qualité ?
Organisation du suivi de projet
Qui dirige le projet : un
directeur de projet ? un MOAO ? un CP MOE ?
Chaque projet est suivi par
divers comités : Comité
d’avancement, comité de pilotage, comité directeur. Comment fonctionnent ces
comités : leurs décisions sont-elles suivies d’effet ? ou bien les
réunions se réduisent-elles à une pure liturgie ?
Qualité des reportings
Les comités sont informés par
les reportings qui leur sont communiqués. Donnent-ils des indications sur la quantité de travail consommée ? le taux de réalisation des livrables ?
le pourcentage du budget dépensé ?
Donnent-ils
une visibilité sur les retards ? sur les dépassements ? comportent-ils des
alarmes ?
Sont-ils
remplis avec sérieux ? (un reporting dont le format est convenable, mais
qui serait mal rempli, ne sert à rien).
Visibilité et interprétation du coût du SI
L’entreprise a-t-elle une vue
complète sur le coût de son SI ? est-elle en mesure de distinguer les coûts
MOE et MOA, externes et internes, les dépenses d’investissement, de
maintenance et d’exploitation ?
Est-elle en mesure d’établir
un rapport entre le coût et l’efficacité du SI ? d’évaluer sa
rentabilité ?
Discussion :
Il importe de donner aux MOA
les moyens de maîtriser le SI pour le bien de l’entreprise. Nous sommes tous
d’accord pour penser que le monde serait meilleur si les MOA détenaient le
budget du SI
Mais dans l’ensemble, ce sont
plutôt les directions informatiques qui maîtrisent le budget. Il existe
cependant au club au moins une entreprise où la MOA est en mesure d’ouvrir ou
de fermer le robinet financier, même si la DSI tient le grand livre. Dans cette
entreprise, un comité bimestriel peut lancer de nouveaux projets, différer ou
arrêter un projet, sur instruction de la MOA.
La qualité des reportings tend
à se dégrader en cours de projet : on démarre avec un bon format de
reporting, puis on le remplit de plus en plus mal et il devient inefficace. Le sérieux
du remplissage du reporting est un enjeu pour le suivi du projet.
On a trop tendance à se
focaliser sur le coût des projets nouveaux, alors que la plus grande partie du
coût du SI réside dans les dépenses récurrentes : l’infrastructure,
les réseaux, les serveurs. Ces dépenses récurrentes croissent, mais on ne
sait pas comment les mettre en question. Le budget informatique souffre du
« syndrome du service voté » : la discussion ne porte que sur
une petite partie du budget total.
On observe une différence
entre les organismes publics et les entreprises privées. Ces dernières
accordent une grande importance au résultat d’exploitation, alors que dans le
public l’argent semble « tomber du ciel »…
Lorsqu’une entreprise n’a
plus de développeurs en interne, le forfait serait la meilleure formule pour maîtriser
les fournisseurs : mais si l’entreprise a perdu la maîtrise de ses
techniques (« illettrisme technique »), elle sera tentée
d’acheter les compétences nécessaires en régie, ce qui accroîtra encore sa
dépendance.
Beaucoup de progrès sont à
faire pour évaluer la rentabilité du SI, disposer d’un tableau de bord qui
permette de connaître l’efficacité d’un euro investi en informatique.
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