Ce
calcul date de 1996. Il est publié ici parce que le raisonnement garde sa
pertinence. Les données relatives à la demande, ainsi qu'aux prix et performance
des unités d'oeuvre, nécessitent par contre une mise à jour.
L'Internet est devenu populaire.
Il prend une place croissante dans l’économie des entreprises. Le nombre
d’entreprises qui investissent pour « se mettre sur l’Internet » va croissant,
qu’il s’agisse d’utiliser ce réseau de réseaux pour leur propre organisation
interne (Intranet) ou pour développer des projets relatifs au commerce
électronique.
Mais au delà de l'effet de mode dont il bénéficie, l'équilibre économique de ce
réseau est condition de sa pérennité ainsi que de celle des offres commerciales
qu'il supporte.
Bien que les mécanismes actuels
du financement de l'Internet changent, et bien que la croissance de la demande
soit forte, l'observation montre que l'Internet sait actuellement faire face à
ces évolutions. La question de sa vulnérabilité ou de son éventuel effondrement
se pose donc à moyen terme, et non dans le futur immédiat.
Le « backbone » américain qui
constituait jusqu'au début de 1995 le coeur de l'Internet a été d’abord
subventionné par l'administration américaine. Celle-ci a décidé de mettre un
terme à ce financement. Certes les nouveaux opérateurs de ce réseau fédérateur
n'ont pas à supporter le coût de l'amortissement d'équipements subventionnés.
Cependant la croissance prévisible de la demande (nombre de personnes
raccordées, diversification des services) obligera à redimensionner le réseau.
Les opérateurs devront amortir les équipements qu'ils devront installer à cette
fin.
Qui paiera ces nouveaux
investissements ? Les seules recettes reçues par l'Internet proviennent
aujourd'hui de la vente d'accès aux utilisateurs par les « Internet Access
Providers ». Les recettes tirées des activités commerciales sur l'Internet sont
encore faibles
mais recèlent sans doute de bonnes perspectives de croissance. Ce n'est pas
d'ailleurs parce que l'Internet, en tant que réseau, permettrait de créer de la
valeur que son financement serait assuré : encore faudrait-il que les mécanismes
assurant sa rétribution fussent mis en place, ce qui n'est pas acquis d’avance.
Cette viabilité économique
comporte plusieurs dimensions mutuellement dépendantes : le réseau,
l’accès au réseau, les services, doivent pouvoir équilibrer leurs coûts et
dégager une marge convenable tout en demandant aux utilisateurs des prix
acceptables. Il n’est pas de notre propos d’examiner l’ensemble des conditions
nécessaires à la solidité économique de l’Internet, mais de porter notre
attention sur ce qui constitue le socle de l’Internet : le réseau. Il
s’agit en effet de considérer une question simple, mais sine qua non : si
les utilisateurs de l’Internet - utilisateurs finals et fournisseurs de
services - n’arrivent pas à rémunérer le réseau convenablement, le socle de
l’Internet s’effondrera. L’équilibre économique du réseau est condition
nécessaire pour que l’Internet perdure.
Pour aborder cette question sans
a priori, il faut un calcul fondé sur un recensement des informations
relatives aux coûts et à la demande. L’économie d’un réseau obéit en effet à une
loi sévère, à laquelle l’Internet ne saurait échapper, et qui relie toutes
choses égales d’ailleurs (à qualité constante notamment) la demande au prix, le
prix au coût, le coût au dimensionnement, et enfin le dimensionnement à la
demande.
Le modèle que nous présentons
ici se propose d’être un outil d’aide à l’estimation de cet équilibre. Limité
au réseau de l’Internet, il en simule la croissance afin d’estimer son coût à
moyen terme.
La démarche peut se résumer
ainsi : partant des indications disponibles sur l’architecture de l’Internet,
les coûts des unités d’oeuvre qui lui sont nécessaires pour fonctionner, les
prévisions de demande, la relation entre demande et dimensionnement, établir la
fonction de coût du réseau ; puis, ramenant ce coût à l’utilisateur de
l’Internet, évaluer le prix que l’utilisateur final devra payer pour équilibrer
le coût du réseau pour arriver enfin à la question cruciale : ce prix est-il
acceptable, ou prohibitif ?
Cette démarche suppose
d’accumuler des informations d’origine et de fiabilité diverses et que l’on
arbitre pour retenir les hypothèses les plus plausibles. Il a fallu notamment,
pour estimer l’effet du dimensionnement du réseau sur son coût, modéliser son
architecture technique en s’appuyant sur une schématisation de sa géographie.
Un calcul fondé sur des
hypothèses et sur un modèle n’est pas une prévision mais un outil de travail
permettant, à travers l’évaluation quantitative, de conduire le raisonnement à
son terme. Nous présenterons les hypothèses de façon explicite, et quiconque
entend les modifier est libre de le faire (il faut cependant rester dans les
limites du raisonnable !) et d’en tirer les conséquences.
Dans la première partie, nous
présentons le modèle. Il relève d’une représentation simplifiée de la topologie
du réseau. Pour estimer le coût d’un réseau pris dans son ensemble, il faut en
effet s'écarter des méthodes comptables habituellement utilisées (et qui
reposent sur le constat des coûts que celui-ci supporte actuellement), et
produire une simulation.
Le dimensionnement des liaisons
et des équipements sera déterminé à partir d'informations relatives au trafic
que devra supporter le réseau et en utilisant des règles d'ingénierie simples,
ce qui permet de dénombrer les unités d'œuvre d’investissement et d’exploitation
dont le coût unitaire sera enfin introduit.
La deuxième partie présente les
résultats quantitatifs de la simulation du réseau à moyen terme. Nous avons
valorisé un certain nombre de données exogènes au modèle en nous fondant, en
premier lieu, sur des hypothèses centrales, puis sur des variantes par rapport
au scénario central. Cela nous a permis d’observer, au delà du résultat central,
la sensibilité de la fonction de coût à ses paramètres (dont les principaux sont
le nombre des utilisateurs de l’Internet et le volume du trafic total) et
d’apprécier l’effet des incertitudes qui entourent les hypothèses.
Suite :
Le modèle
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