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La fonction de coût de l'Internet

II - Introduction

7 novembre 2004


Liens utiles

- La fonction de coût de l'Internet
- Le modèle
Ce calcul date de 1996. Il est publié ici parce que le raisonnement garde sa pertinence. Les données relatives à la demande, ainsi qu'aux prix et performance des unités d'oeuvre, nécessitent par contre une mise à jour.

L'Internet est devenu populaire. Il prend une place croissante dans l’économie des entreprises. Le nombre d’entreprises qui investissent pour « se mettre sur l’Internet » va croissant, qu’il s’agisse d’utiliser ce réseau de réseaux pour leur propre organisation interne (Intranet) ou pour développer des projets relatifs au commerce électronique[1]. Mais au delà de l'effet de mode dont il bénéficie, l'équilibre économique de ce réseau est condition de sa pérennité ainsi que de celle des offres commerciales qu'il supporte.

Bien que les mécanismes actuels du financement de l'Internet changent, et bien que la croissance de la demande soit forte, l'observation montre que l'Internet sait actuellement faire face à ces évolutions. La question de sa vulnérabilité ou de son éventuel effondrement se pose donc à moyen terme, et non dans le futur immédiat.

Le « backbone » américain qui constituait jusqu'au début de 1995 le coeur de l'Internet a été d’abord subventionné par l'administration américaine. Celle-ci a décidé de mettre un terme à ce financement. Certes les nouveaux opérateurs de ce réseau fédérateur n'ont pas à supporter le coût de l'amortissement d'équipements subventionnés. Cependant la croissance prévisible de la demande (nombre de personnes raccordées, diversification des services) obligera à redimensionner le réseau. Les opérateurs devront amortir les équipements qu'ils devront installer à cette fin.

Qui paiera ces nouveaux investissements ? Les seules recettes reçues par l'Internet proviennent aujourd'hui de la vente d'accès aux utilisateurs par les « Internet Access Providers ». Les recettes tirées des activités commerciales sur l'Internet sont encore faibles[2] mais recèlent sans doute de bonnes perspectives de croissance. Ce n'est pas d'ailleurs parce que l'Internet, en tant que réseau, permettrait de créer de la valeur que son financement serait assuré : encore faudrait-il que les mécanismes assurant sa rétribution fussent mis en place, ce qui n'est pas acquis d’avance.

Cette viabilité économique comporte plusieurs dimensions mutuellement dépendantes : le réseau[3], l’accès au réseau, les services, doivent pouvoir équilibrer leurs coûts et dégager une marge convenable tout en demandant aux utilisateurs des prix acceptables. Il n’est pas de notre propos d’examiner l’ensemble des conditions nécessaires à la solidité économique de l’Internet, mais de porter notre attention sur ce qui constitue le socle de l’Internet : le réseau. Il s’agit en effet de considérer une question simple, mais sine qua non : si les utilisateurs de l’Internet - utilisateurs finals et fournisseurs de services - n’arrivent pas à rémunérer le réseau convenablement, le socle de l’Internet s’effondrera. L’équilibre économique du réseau est condition nécessaire pour que l’Internet perdure[4].

Pour aborder cette question sans a priori, il faut un calcul fondé sur un recensement des informations relatives aux coûts et à la demande. L’économie d’un réseau obéit en effet à une loi sévère, à  laquelle l’Internet ne saurait échapper, et qui relie toutes choses égales d’ailleurs (à qualité constante notamment) la demande au prix, le prix au coût, le coût au dimensionnement, et enfin le dimensionnement à la demande.

Le modèle que nous présentons ici se propose d’être un outil d’aide à l’estimation de cet équilibre. Limité au réseau de l’Internet, il en simule la croissance afin d’estimer son coût à moyen terme.

La démarche peut se résumer ainsi : partant des indications disponibles sur l’architecture de l’Internet, les coûts des unités d’oeuvre qui lui sont nécessaires pour fonctionner, les prévisions de demande, la relation entre demande et dimensionnement, établir la fonction de coût du réseau ; puis, ramenant ce coût à l’utilisateur de l’Internet, évaluer le prix que l’utilisateur final devra payer pour équilibrer le coût du réseau pour arriver enfin à la question cruciale : ce prix est-il acceptable, ou prohibitif ?

Cette démarche suppose d’accumuler des informations d’origine et de fiabilité diverses et que l’on arbitre pour retenir les hypothèses les plus plausibles. Il a fallu notamment, pour estimer l’effet du dimensionnement du réseau sur son coût, modéliser son architecture technique en s’appuyant sur une schématisation de sa géographie.

Un calcul fondé sur des hypothèses et sur un modèle n’est pas une prévision mais un outil de travail permettant, à travers l’évaluation quantitative, de conduire le raisonnement à son terme. Nous présenterons les hypothèses de façon explicite, et quiconque entend les modifier est libre de le faire (il faut cependant rester dans les limites du raisonnable !) et d’en tirer les conséquences.

Dans la première partie, nous présentons le modèle. Il relève d’une représentation simplifiée de la topologie du réseau. Pour estimer le coût d’un réseau pris dans son ensemble, il faut en effet s'écarter des méthodes comptables habituellement utilisées (et qui reposent sur le constat des coûts que celui-ci supporte actuellement), et produire une simulation.

Le dimensionnement des liaisons et des équipements sera déterminé à partir d'informations relatives au trafic que devra supporter le réseau et en utilisant des règles d'ingénierie simples, ce qui permet de dénombrer les unités d'œuvre d’investissement et d’exploitation dont le coût unitaire sera enfin introduit.

La deuxième partie présente les résultats quantitatifs de la simulation du réseau à moyen terme. Nous avons valorisé un certain nombre de données exogènes au modèle en nous fondant, en premier lieu, sur des hypothèses centrales, puis sur des variantes par rapport au scénario central. Cela nous a permis d’observer, au delà du résultat central, la sensibilité de la fonction de coût à ses paramètres (dont les principaux sont le nombre des utilisateurs de l’Internet et le volume du trafic total) et d’apprécier l’effet des incertitudes qui entourent les hypothèses.

Suite : Le modèle


[1] cf. De la télématique au commerce électronique, Eutelis octobre 1995.

[2] Le chiffre d'affaires réalisé par les enseignes de commerce électronique (comme Internet Shopping Network, qui est l'un des sites les plus visités) est estimé en 1995 à environ 120 millions de dollars alors que le CA du commerce américain représente 2 300 milliards de dollars.

[3] Nous disons « le réseau » pour simplifier, en désignant ainsi « les réseaux » que l’Internet fédère.

[4] Mais non condition suffisante : il faut en outre que l’équilibre des services soit réalisé, et cet équilibre là n’est pas considéré par cette étude.