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La fonction de coût de l'Internet

III - Le modèle

7 novembre 2004


Liens utiles

- La fonction de coût de l'Internet
-
Le scénario
Ce calcul date de 1996. Il est publié ici parce que le raisonnement garde sa pertinence. Les données relatives à la demande, ainsi qu'aux prix et performance des unités d'oeuvre, nécessitent par contre une mise à jour.

L'ISOC (Internet Society) propose trois définitions de l'Internet :
- définition générale : un méta-réseau d'information (i.e. un réseau de réseaux) global et ouvert.
- définition étroite : un groupe d'inter-réseaux (i.e. d'interconnexion de réseaux) capables d'acheminer entre eux des paquets selon l'Internet Protocol.
- définition large : l'interconnexion de réseaux au protocole IP, à laquelle on ajoute les réseaux connectés capables d'acheminer du trafic (ce qui inclut les réseaux utilisant le protocole IP, ceux utilisant un autre protocole, et les systèmes de niveau applicatif).

L’Internet désigne littéralement une structure d'inter-réseaux, un réseau de réseaux. C'est le sens de la définition générale de l'ISOC. Mais cette définition introduit un flou dans la délimitation du périmètre de l'Internet.

La définition large de l'ISOC pourrait concerner l'ensemble des réseaux de télécommunication ou de téléinformatique. Elle résume l'ambition de l'Internet qui est à terme de mettre en relation tous les ordinateurs existant au monde. Ce n'est bien sûr pas l'objet de notre étude.

L'Internet que nous considérerons ici est l'ensemble des réseaux de réseaux interopérant via l'Internet Protocol (IP). Nous retenons donc la définition étroite de l'ISOC.

Nous considérons, pour en dégager les principales masses économiques, l'architecture qui permet la connexion d'utilisateurs par un maillage de couverture mondiale. Le niveau applicatif, ou ce que l'on appelle la toile (« the Web ») qui complète l'infrastructure par l'ensemble des outils concourant à la satisfaction des besoins des utilisateurs, en est donc exclu.

Nous ne prendrons donc en compte pour la détermination du coût de l'Internet que les ressources utiles à la fonction d'interconnexion de réseaux (et donc accessibles à tout moment). Le coût du PC d'un utilisateur connectable en mode dial-up n’est pas pris en compte (il n'est pas accessible à tout moment). De même, les serveurs relèvent du niveau applicatif (plus précisément, du niveau des applications ou services fournit sur le réseau d'interconnexion) et leur coût ne sera donc pas pris en compte.

Ce que l’on cherche, c’est une évaluation du coût direct (hors charges indirectes, commerciales, etc) du réseau de l’Internet. Nnous ne considérons donc pas l’économie des services, ni l’économie des réseaux d’accès (ou « boucles locales »).

Principes du modèle

Schématisation de l'architecture

Le déploiement de l'Internet a abouti à un tissu complexe maillant le monde entier. Ses constituants sont des réseaux de taille diverse : réseaux locaux, réseaux régionaux, réseaux nationaux, réseaux internationaux, interconnectés sans hiérarchie[1].

Néanmoins, on identifie plusieurs couches qui se composent d'unités d'oeuvre différentes :

- les réseaux locaux : LAN d'un organisme (université, entreprise, etc), boucle locale du réseau téléphonique public utilisée pour le raccordement des PC des utilisateurs individuels, LS rattachant certains utilisateurs. Le coût de ce niveau, étant à la charge de l'utilisateur, est hors du périmètre du modèle.

- les couches intermédiaires : ce sont l’équivalent des réseaux régionaux qui étaient initialement, aux USA, gérés par des organismes d'Etat ou par des consortiums universitaires. Ils sont maintenant de plus en plus exploités par des sociétés commerciales. Il en existe plusieurs hors des USA.

Les "Internet Access Provider" (IAP) jouent un rôle d'intermédiaire entre les utilisateurs individuels (individus ou entreprises utilisatrices) et les réseaux régionaux et/ou directement un backbone (remarque : ils jouent le même rôle fonctionnel qu'un réseau régional).

Ces couches intermédiaires ont pour fonction de rattacher les utilisateurs (niveau réseau local), mais aussi pour certain d'eux d'interconnecter des réseaux régionaux (fonction de transit).

- les backbones. Leur prototype est le backbone américain NSFNET. En avril 1995, il a été démantelé et la fonction de réseau fédérateur a été confiée à divers opérateurs privés. Hors des USA, des backbones existent, notamment Ebone pour l'Europe.

Cette modélisation n'impose pas une hiérarchie car des réseaux régionaux peuvent être directement interconnectés sans passer par un backbone.

Principe de la modélisation

Le principe est celui d'un découpage du territoire en mailles en fonction de la densité des utilisateurs[2].

Chaque maille abritera un noeud d’interconnexion (soit le routeur d'un backbone, soit le routeur d'un réseau régional). La surface des mailles sera inversement proportionnelle à la densité géographique des utilisateurs[3] (i. e. le nombre d'utilisateurs par noeud sera constant) ; on peut en effet approcher une topologie optimum en considérant qu'il existe une densité optimale par maille, ou zone de couverture d'un routeur.

Chaque maille sera schématisée géométriquement par un triangle équilatéral avec un noeud (i. e. un routeur) en son centre. Les noeuds de deux zones voisines sont reliés directement entre eux.

Le schéma ainsi obtenu reflète les caractéristiques principales du « réseau de réseaux » tout en simplifiant sa topologie :

- les routeurs d'un backbone, ou les réseaux régionaux, sont interconnectés de proche en proche,

- le maillage minimal (contrainte de sécurité) est assuré : pour chaque flux entrant dans un routeur, il existe au moins deux sorties différentes,

- le nombre de mailles croît avec le nombre des utilisateurs : plus la densité des utilisateurs augmente, plus les routeurs recherchent la proximité des utilisateurs.

Remarque 1 : On suppose dans cette première approche que chaque maille élémentaire constitue une zone de monopole local de fait. En fait, une aire géographique peut être partagée entre plusieurs acteurs (« exploitants de routeurs »). De même, dans le cas où les utilisateurs accèdent via le RTC, il n'existe pas de monopole local lorsqu’une zone composée de plusieurs mailles du modèle est incluse dans une même zone tarifaire.

Remarque 2 : le maillage total des superficies considérées n’est pas l’exact reflet de la réalité. Ce point est traité plus loin.

Remarque 3 : ce principe de modélisation suppose une équirépartition des utilisateurs sur les superficies considérées, or en fait la densité des utilisateurs n’est pas homogène. On retiendra néanmoins l’hypothèse d’une densité homogène sur chaque région étudiée, car cette simplification n’altère pas sensiblement le calcul du coût moyen par utilisateur.

Deux niveaux de découpage sont définis :

- un découpage au niveau des couches intermédiaires : mailles représentant la couverture des différents réseaux régionaux (interconnectés entre eux et connectés au backbone),

- un découpage au niveau backbone : mailles correspondant aux zones de desserte de chaque routeur d'un (ou de plusieurs) backbones.

Remarque : les effets de bord de ce modèle seront négligés.

Discrimination en grandes régions

La densité des utilisateurs varie selon la région du globe. On différenciera les grandes régions géographiques du globe :
- USA
- Canada
- Europe de l'ouest
- Japon
- Océanie (dont notamment l'Australie)
- Amérique (hors USA et Canada)
- Europe de l'est
- Asie (hors Japon)
- Afrique

Les cinq premières régions (USA, Canada, Europe de l'ouest, Japon et Océanie) représentent aujourd'hui 97% des utilisateurs et continueront de représenter l'essentiel de la population des utilisateurs dans les dix ans à venir (voir plus loin l'évaluation de la demande).

Chacune d'elle est constituée d’une couche « backbone(s) » et de plusieurs couches « réseaux régionaux ».

Modélisation des couches intermédiaires

Le trafic émis par un routeur peut être soit un trafic de proximité (trafic entre deux mailles adjacentes) et dans ce cas le trafic ne transite pas par des noeuds intermédiaires, soit un trafic lointain (à destination d’une maille non adjacente) : le trafic devra alors transiter par un ou plusieurs noeuds intermédiaires, noeuds appartenant soit à une (des) couche(s) intermédiaire(s) de rang élevé, soit à la couche backbone

On définit ainsi plusieurs niveaux de couche intermédiaire :
- le niveau le plus bas : mailles élémentaires du modèle, elles contiennent les utilisateurs de l’Internet et leur noeud de rattachement ;
- les niveaux plus élevés : mailles, superposées au niveau inférieur, qui contiennent des noeuds de transit.

Il s’agit de niveaux logiquement distincts, mais dont les mailles sont géographiquement superposées et dont les noeuds de transit sont physiquement identiques aux noeuds des niveaux inférieurs.

Les mailles élémentaires (mailles de la couche la plus basse) ne possèdent pas toutes un noeud de transit. Par contre, le trafic se répandant de proche en proche, chaque maille élémentaire est voisine d'une maille possédant un noeud de transit. Il faut pour cela qu’une maille élémentaire sur quatre possède un noeud de transit.

On modélise ainsi les routages pouvant exister entre réseaux régionaux. Pour un niveau de transit donné, la règle est que chaque triangle est relié directement et uniquement avec ses triangles adjacents ; cette règle s'applique à chaque niveau de transit.

Un triangle sur quatre sera donc noeud de transit de premier niveau ; un triangle sur seize sera noeud de transit de second niveau, etc.

Maillage de la couche la plus basse

S’il est vrai que les routeurs sont souvent reliés entre eux de proche en proche, mailler totalement la couche la plus basse ne serait pas le reflet exact de la réalité. Nous supposerons donc dans le calcul des coûts que le maillage n’est pas total sur la couche la plus basse, mais qu’un noeud n’est relié qu’à deux noeuds adjacents (au lieu des trois noeuds adjacents figurés sur le schéma de principe ci-dessus).

Détermination de la surface des mailles - couche basse

Le territoire de chaque grande région est découpé en triangles équilatéraux représentant chacun la zone de couverture d'un noeud d’accès à l’Internet.

La surface des mailles est inversement proportionnelle à la densité géographique des utilisateurs (i. e. le nombre d'utilisateurs par noeud sera constant). La règle de proportionnalité (nombre d'utilisateurs par noeud) est calculée chaque année en divisant le nombre total d’utilisateurs par le nombre des réseaux accédant à l’Internet[4].

Étant donnée l’incertitude relative à cette observation, ce ratio sera considéré comme un paramètre du modèle. En fait, ce ratio n’est pas stable, mais il évolue d’une année sur l’autre (néanmoins, cette évolution reste faible sur la chronique considérée). Le paramètre retenu est la moyenne sur l’ensemble de la chronique considérée[5].

La zone de couverture d’un noeud de rattachement ne saurait être inférieure à celle d’une « zone tarifaire ». Par « zone tarifaire », nous entendons toute aire géographique où les utilisateurs peuvent accéder à un noeud de rattachement à un tarif identique quelle que soit leur position dans cette aire. Il peut s’agir par exemple d’une ZLE, d’une zone locale américaine dans laquelle le téléphone est gratuit, ou de la zone de couverture d’un CD de réseau câblé. Ainsi, la surface d’une maille est bornée inférieurement par la surface d’une « zone tarifaire », qui est un paramètre du modèle.

Lorsque la surface des mailles est bornée inférieurement, le nombre d’utilisateurs par maille augmente, ce qui entraîne une augmentation du nombre de routeurs dans la maille.

Il existe donc deux paramètres pour décrire les mailles de la couche basse :

- le nombre d’utilisateurs par nœud, qui détermine la surface des mailles lorsque le nombre d’utilisateurs est faible, donc lorsque la surface des mailles est grande.

- si la maille se réduit à une « zone de tarification », la surface des mailles reste fixe et égale à cette valeur qui est le deuxième paramètre de dimensionnement des mailles.

Détermination de la surface des mailles - autres couches

Il existe un noeud de transit de niveau N pour quatre mailles de niveaux N-1. La surface des mailles de niveau N est donc quatre fois supérieure à celles des mailles de niveau N-1. Ceci reste vrai quel que soit le paramétrage de la couche la plus basse.

Nombre de couches intermédiaires

Le nombre des niveaux de transit est tel que le plus haut niveau de transit soit composé de triangles égaux à (ou du même ordre de grandeur que) la zone de couverture d'un noeud du niveau « backbone » (voir ci-dessous la modélisation de ce niveau). Ainsi, le dernier niveau de transit identifié n'est pas considéré comme faisant partie des couches intermédiaires mais il est pris en compte dans la modélisation du « niveau backbone ».

Le nombre des niveaux de transit sera déterminé dynamiquement par le modèle.

Unités d'oeuvre

Chaque maille représente un « réseau » qui se compose de :

- un routeur (situé au centre du triangle) : nous prendrons comme référence un routeur CISCO (CISCO annonce détenir 80% du marché des routeurs de l'Internet). Il s'agit généralement de routeurs CISCO 2053 permettant la gestion d'accès jusqu'à 128 kbit/s, ou de CISCO 4000 pour des accès de débit supérieur.

Un routeur par réseau est théoriquement suffisant. En fait, certains fournisseurs d'accès préfèrent s'équiper de plusieurs routeurs pour des raison de sécurité. L'étude de MIDS, Internet Demographic Survey, indique que 1,2% des machines appartenant aux organismes connectés à l'Internet sont des routeurs. En appliquant ce taux au nombre de hosts (machines accédant à l'Internet), il apparaît que le ratio moyen entre le nombre de routeurs et le nombre des réseaux interconnectés est d'environ 1,5.

- une batterie de modems : pour les utilisateurs raccordés en mode dial-up, des modems doivent être mis en frontal du routeur. Un modem (généralement à 28 800 bit/s) pour vingt utilisateurs est un bon taux de concentration (c'est la moyenne adoptée par des IAP pour des accès de qualité[6]).

- les LS permettent de raccorder le routeur aux routeurs des mailles adjacentes d’un même niveau : les LS les plus couramment utilisées sont des LS à 56 ou 64 kbit/s (d'après MIDS, environ 40% des modes de connexion, tout types de connexion confondus. Si l'on retire la part des modems - les réseaux régionaux sont toujours interconnectés par LS - la part des LS à 56 ou 64 kbit/s est au moins de 50%).[7]

On retient deux LS par noeud de la couche la plus basse. On retient pour les autres couches intermédiaires (les différents niveaux de transit possible) trois LS par noeud pour le raccordement aux noeuds adjacents d’une même couche : un triangle sur quatre possède un noeud de transit de premier niveau ; un triangle sur seize possède un noeud de transit de second niveau etc. Les LS de raccordement à un niveau de transit ne concerneront donc qu'un réseau sur quatre pour le premier niveau de transit etc.

On observe le volume de trafic concentré au niveau de chaque niveau de transit pour déterminer la capacité nécessaire des LS. Le débit des LS sera calculé selon les règles de dimensionnement ci-dessous.

Remarque : nous considérons que les liaisons de raccordement des LAN (ou directement des stations utilisateurs) au routeur d'un noeud d’une maille de niveau le plus bas sont du niveau « réseau local » et donc à la charge de l’utilisateur.

Frais de personnels

Les frais de personnel concernent la maintenance et l'exploitation technique des équipements[8]. S'agissant de calculer le coût de l'architecture, l'exploitation commerciale n'est pas prise en compte à ce niveau.

En octobre 1994, 17000 organismes étaient recensés[9]. En moyenne ¼  de temps d'un technicien par organisme est employé à l'exploitation technique spécifique à l'Internet[10].

Modélisation de la couche backbone

Remarque : dans notre modèle, nous considérons un réseau backbone logique comme un ensemble de noeuds de routage et de liaisons spécialisées. Peu importe que la fonction « backbone » (i. e. fédération de réseaux régionaux) soit assurée par un ou plusieurs réseaux physiques.

Détermination des triangles équilatéraux.

Le nombre de routeurs des backbone a augmenté avec la croissance du nombre des réseaux locaux et régionaux en se dispersant sur le territoire. Ainsi, les points d'accès se sont rapprochés des réseaux régionaux au fur et à mesure que la densité de ceux-ci s’est accrue. Cette croissance peut être considérée comme valide jusqu’à ce que les mailles des backbones atteignent une surface minimum en deçà de laquelle la notion de backbone perd de son sens (la maillage du backbone devient trop fin, les mailles trop nombreuses, et un nouveau backbone doit se superposer pour fédérer l’ancien backbone).

Nous considérerons, dans notre modèle, la couche backbone comme composée de mailles qui ont une surface fixe dans le temps.

La taille de ces mailles (ou le nombre de noeud de la couche backbone) est un paramètre du modèle qui prend des valeurs différentes selon les grandes régions géographiques.

Unités d'oeuvre

- noeuds de rattachement et de routage : nous prendrons comme référence l'équipement utilisé sur le backbone NSFNET qui couvrait l'ensemble des USA. Il s'agit de calculateurs IBM RS 6000 (modifiés pour les besoins de l'Internet) commandant des interfaces avec des LS hauts débits et des interfaces FDDI ou Ethernet pour la connexion de serveurs locaux[11].

- LS assurant le maillage des noeuds : ce sont des LS à haut débit (nous prendrons 45 Mbit/s comme pas unitaire[12]) louées aux opérateurs télécom. Leur prix unitaire sera donc le tarif moyen sur chaque région de location de ces LS (il existe de fortes différences entre les tarifs des diverses régions).

Remarque : on prend en compte les distances réelles (et non les distances à vol d’oiseau).

Frais de personnel

Nous considérerons deux catégories de personnel :

- le personnel d'exploitation des backbones : son coût annuel équivaut typiquement à 10% du coût d'investissement des équipements (les LS étant louées, leurs frais de fonctionnement sont inclus dans le prix de location).

- les organismes de standardisation (ISOC, IETF, etc) : on évalue à 1000 personnes l'effectif total de ces organismes, réparti dans les diverses régions au prorata du nombre d'utilisateurs par région.

Évolution des prix unitaires

Chaque unité d'oeuvre est décomposée en deux parties dont les caractéristiques d'évolution de prix sont différentes : une partie dont le prix reste constant (typiquement, les composants mécaniques ou d'alimentation d'un équipement) et une partie dont le prix évolue exponentiellement à la baisse (typiquement les composants électroniques ou logiciels).

La loi d'évolution des coûts unitaires est donc de la forme :

P = P0 [α + (1 – α) e–β(t – t0)]

Les coefficients α et β diffèrent selon le type d'équipement. Nous supposons qu’ils sont les suivants :

Pour les routeurs, α = 25 % et β = 30 %

Pour les LS aux USA, α = 60 % et β = 20 %

Pour les LS en Europe, α = 50 % et β = 50 %

Dimensionnement

Principe général

Le dimensionnement du réseau doit considérer le nombre des unités d’oeuvre (routeurs et liaisons spécialisées) et leur taille.

Le nombre des unités d’oeuvre ne dépend que du dimensionnement de la couche la plus basse et de celui de la couche backbone. Leur nombre dans les couches intermédiaires est calculé automatiquement selon le modèle triangulaire. Le dimensionnement dépend essentiellement des trois paramètres suivants :
- nombre d’utilisateurs par noeuds de rattachement (tant que la surface des mailles élémentaires est supérieure à celle des « zones tarifaires ») ;
- surface d’une « zone tarifaire » ;
- nombre de noeuds des backbones.

La taille des LS est déterminée par les règles de dimensionnement définies ci-dessous.

Règles de dimensionnement

Caractéristiques du trafic IP

L'Internet Protocol découpe les flux de données en paquets de taille variable. Un en-tête est ensuite ajouté par TCP-IP, ce qui induit un overhead moyen de 17%. La taille moyenne des paquets émis sur le réseau est d'environ 200 octets (moyenne des mesures effectuées sur le trafic de NSFNET entre 1991 et 1995).

Remarque : en fait la taille des paquets, donc la part de l’overhead, varie selon la nature des trafics considérés (e-mail, transfert de fichiers, téléphonie, etc).

Le rythme d'émission d'un utilisateur est de nature très sporadique : de brefs pics de trafic (lors du téléchargement d'une page HTML ou d'un fichier) entrecoupés de silences. La hauteur des pics est limitée par la capacité en débit de l'équipement de l'utilisateur : la majorité des utilisateurs d'aujourd'hui utilisent des modems à 14,4 kbit/s (les modems à 28,8 kbit/s sont de plus en plus utilisés et seront certainement majoritaires d'ici environ un an).

Nous dimensionnerons l'infrastructure sur le trafic moyen à l'heure chargée, la définition de l'heure chargée pouvant varier suivant que l'on considère un réseau régional ou un backbone international (ou intercontinental).

Notion d'heure chargée

L'heure chargée est difficile à définir à un niveau global car :

- le réseau étant mondial, les plages horaires habituellement chargées diffèrent d'une région à une autre (en temps universel),

- on n'a pas identifié, comme pour le téléphone, des habitudes sociales concentrant les communications sur certaines heures de la journée (les applications de l'Internet n'étant généralement pas des applications interactives de personne à personne, il est indifférent de le consulter à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit),

- pour certaines applications (téléchargement, transfert ...), les utilisateurs peuvent programmer les communications dans des plages horaires localement non chargées (de façon à bénéficier notamment des tarifs réduits de la boucle locale),

- les flux de trafic de l’Internet sont chaotiques.

On fera les hypothèses suivantes (elles correspondent à des paramètres réglables dans le tableau de calcul) : l'heure chargée est une plage horaire de 8 heures (en temps universel) ; 50% du trafic total est écoulé dans cette plage horaire

Hypothèses de répartition du trafic

Nous supposons que le trafic sortant de chaque routeur connecté est isotrope tant en volume qu'en destination :

- chaque routeur génère le même flux. On raisonnera donc sur un trafic moyen par maille : si N est le nombre total de mailles de niveau 1, chaque maille émet vers l'extérieur un trafic égal à 1/N fois le trafic total.

- chaque maille de niveau 1 émet la même quantité de trafic à destination de chacune des autres mailles de même niveau. Chaque maille reçoit donc un trafic égal à 1/N fois le trafic total[13]. Chaque maille disposant de deux liaisons avec les mailles voisines, chaque liaison écoulera la moitié de son trafic sortant, soit 1/2N du trafic total.

Calcul du trafic de transit

Nous avons vu dans le chapitre décrivant la modélisation mailles intermédiaires qu'une maille sur quatre jouait une fonction de transit de premier niveau. Le trafic de transit obéit aux hypothèses ci-dessus, en considérant que chaque noeud de niveau i dispose de trois liaisons avec les noeuds voisin de même niveau. Le trafic de transit de premier niveau est égal à 4*(N-3)/N fois le trafic total[14]. Celui de deuxième niveau est égal à 4*((N/4)-3)/(N/4) fois le trafic de transit de premier niveau, etc. Par récurrence, on voit que le trafic de transit de niveau i est égal à 4 * ((N/4i-1)-3) / (N/4i-1) fois le trafic de transit de niveau i-1.

Transit par le backbone

Les flux de trafic sont (ou deviendront) majoritairement régionaux ou nationaux[15]. Ceci répond à un usage souvent régional des services proposés et à des orientations économiques (mise en place des serveurs miroirs pour économiser les liaisons à longue distance lorsque les services réclament de forts débits). Pour considérer ce phénomène, nous introduirons un paramètre limitant la part de trafic remontant à la couche backbone par rapport au trafic qui aurait transité par cette couche si la répartition du trafic avait été uniforme.

Remarque : ce paramètre devrait en fait dépendre du service considéré. Pour le téléphone, il est proche de 100%. Pour des services large bande, il est sans doute nettement inférieur.

Rendement des LS

Le rendement des LS (rapport entre débit utile et capacité des LS) est un des paramètres du modèle. Il est dans l’hypothèse de base égal à 30%.

Règle de dimensionnement

Le dimensionnement d'un réseau de paquets diffère de celui d'un réseau à commutation de circuit ; il repose sur la théorie des files d'attente. De ce fait, ce n'est pas uniquement la capacité (en bit/s) qui détermine la dimension du réseau mais également des paramètres de qualité dont le temps de traversée du réseau, fonction de la capacité des équipements et du chemin parcouru (nombre d'équipements traversés).

Il n'existe pas d'assurance de qualité sur l'Internet. L'Internet garantit la mise à disposition de ressources pour permettre une connexion entre deux points quelconques, mais ne garantit pas le résultat : il n'est pas en mesure de garantir qu'un paquet émis arrivera à destination. Ceci résulte notamment du fait qu'un paquet est susceptible de traverser des réseaux exploités par des acteurs différents ; un opérateur n'est pas en mesure de garantir la qualité des réseaux auxquels il est interconnecté[16].

Nous dimensionnerons le modèle en nous assurant uniquement qu'il n'y a pas de blocage, c'est à dire que le trafic moyen, équi-réparti géographiquement, peut s'écouler à l'heure de pointe sans blocage, étant données les hypothèses faites sur l'heure de pointe et sur la répartition du trafic. Le nombre de LS à 45 Mbit/s des backbones est notamment calculé de cette façon.

Remarque : cette règle n'implique aucune contrainte quant au principal critère de qualité du réseau qui est le temps moyen de traversée du réseau.

Lorsque le débit moyen à l'heure de pointe ne nécessite que des LS moyen débit (cas des couches intermédiaires pour lesquelles le débit moyen à l'heure de pointe par réseau est de l'ordre de quelques dizaines de kbit/s), la taille des liaisons sera dimensionnée de façon suffisante pour laisser passer le trafic à l’heure chargée en prenant en compte les divers paliers de la hiérarchie de débit de LS.

 Suite : Le scénario


[1]Une hiérarchie prévalait aux USA jusqu'au début de 1995, et on distinguait trois niveaux : réseaux locaux auxquels sont connectés les utilisateurs, réseaux régionaux destinés à interconnecter les réseaux locaux d'une même région et à leur offrir un accès vers le niveau supérieur, enfin backbone permettant le maillage des réseaux régionaux. Cette distribution des fonctions tend à disparaître, les opérateurs des réseaux de chaque niveau offrant de plus en plus les diverses fonctionnalités. La structure hiérarchique existe encore en Europe (des réseaux de campus sont reliés aux réseaux régionaux de la recherche ; les réseaux régionaux sont reliés à des backbones nationaux comme RENATER, eux-mêmes reliés à des backbones européens comme EBONE). On peut cependant penser que cette hiérarchie va disparaître : les opérateurs de backbone sont en mesure d'offrir des accès directs, les IAP peuvent se connecter à n'importe quel niveau, etc.

[2]Le modèle, n'étant pas une représentation spatiale, pose le problème de la quantité et de la localisation des noeuds. Dans un réseau physique, la position et le nombre de noeuds répond à des conditions d'optimisation : fonction d'un ratio économiquement optimum entre nombre de noeuds et quantité (en capacité*km) de liaison (optimum fondé sur le phénomène d'économie d'échelle) et sous une double contrainte de répartition géographique des points d'accès (en réponse à la répartition de la densité des utilisateurs sur les divers sites) et de sécurité (plusieurs acheminements doivent être possibles entre deux noeuds). Ce réseau étant maillé, il faudrait pour déterminer le nombre économiquement optimal de noeuds résoudre un multiflot. Il n'est pas envisageable d'introduire une telle règle d'optimisation dans notre modèle.

[3]L'utilisateur est l'unité de base du calcul économique de l'Internet : c'est la source unitaire de génération de trafic à la base du dimensionnement du réseau et c'est la source unitaire de recette (notre l'objectif étant d'étudier la viabilité économique de l'Internet et de ses différents acteurs dans un modèle marchand, nous ne considérons aucune source de subvention publique). Par utilisateur, on entend les individus qui consultent l'Internet et ceux qui fournissent des services. L'utilisateur est donc possesseur d'un terminal et des moyens permettant de le connecter à l'Internet. Par exemple un PC, un modem et un abonnement à un Internet Access Provider (IAP). Ou encore un serveur, une LS et une connexion à un point d'accès d'un backbone.

Remarquons qu'un individu se connectant à l'Internet depuis son bureau pour des besoins professionnels et possédant également un moyen de connexion depuis son domicile pour des applications familiales représente deux utilisateurs, car il correspond à deux sources de trafic distinctes.

[4]Il peut exister physiquement plusieurs noeuds d’interconnexion (i. e. routeurs) par réseau interconnectés, généralement pour des raisons de sécurité. Ceci n’intervient pas dans le principe du modèle (où l’on considère des noeuds logiques d’interconnexion). Par contre, ces routeurs « de sécurité » seront pris en compte dans l’évaluation du coût total.

[5]Le ratio retenu comme hypothèse centrale pour les résultats présentés plus loin est de 400 utilisateurs par noeud d’interconnexion. Cette hypothèse est le ratio entre le nombre d’utilisateurs tel qu’il est évalué plus loin et le nombre total de réseaux accédant à l’Internet (par exemple des réseaux locaux d’entreprises, ou des « réseaux » d’IAP) connu depuis l’origine du NSFNet jusqu’en 1995.

[6] Dans la pratique, ce taux peut varier de 1 pour 10 à 1 pour 100, dans le premier cas il s'agit d'offres d'accès onéreuses de haute qualité (le risque de blocage est quasi nul), dans le second cas, le risque de blocage est élevé.

[7]d'après MIDS, la répartition des modes connexion est la suivante : LS 56 ou 64 kbit/s : 39% ; modem  (9600 à 288000 bit/s) : 29% ; LS 1,5 Mbit/s : 12 % ; les autres modes représentent moins de 6% chacun.

[8]Actuellement, une grande partie des frais de fonctionnement technique n'apparaît pas car les travaux sont réalisés de façon bénévole (ou tout au moins, ils ne sont pas comptabilisés en tant que tels par le personnel des universités, centres de recherche ou autres organismes à l'origine du développement de l'Internet). Il convient cependant de les valoriser dans notre modèle, le bénévolat ne constituant pas une solution économiquement viable à long terme.

[9]source MIDS

[10]source : Eric Arnum, étude pour le compte de la commission européenne

[11]ces serveurs locaux sont en dehors du périmètre du modèle.

[12]au moins pour les quelques années à venir. Au-delà (dès que le trafic le réclamera) il faudra considérer des LS de plus grands débits (600 Mbit/s, 2 Gbit/s ?)...

[13]N-1 réseaux lui envoient chacun (1/N)*(1/(N-1)).

[14]Le trafic émis par une source est  (1/N)*t    ;   Le trafic t départ d'un réseau se décompose en trafic de proximité = (3/N) * (1/N) * t  et en trafic lointain = (N-3)/N * (1/N) * t

[15] Même si actuellement, le trafic est très international, l’historique du développement de l’Internet ayant pour origine la zone américaine.

[16] Des offres d'accès à l'Internet discriminées par la qualité offerte et par leurs prix apparaissent et pourraient se généraliser. On peut ainsi envisager des scénarios où certains providers proposeraient des offres garantissant un certain niveau de qualité (ce qui suppose de la part de providers une maîtrise du routage des paquets et des ressources techniques mises en oeuvre entre émetteurs et récepteurs). On verrait ainsi des sous-réseaux Internet (fonctionnant probablement sous forme de groupes fermés d'utilisateurs) se développer en parallèle d'un Internet public.