Ce
calcul date de 1996. Il est publié ici parce que le modèle a gardé sa
pertinence. Les données relatives à la demande, ainsi qu'aux prix et performances
des unités d'oeuvre, nécessiteraient par contre une mise à jour.
Cette série présente un modèle
économique du réseau Internet conçu en 1996 par Christophe Talière et moi-même, alors respectivement directeur et PDG à Eutelis. Le modèle visait, en
schématisant les dimensions techniques et économiques de l’Internet, à évaluer
son coût et à explorer divers scénarios de croissance.
La pérennité de l’Internet était
alors problématique. L’administration américaine avait, en 1995,
interrompu le financement du backbone de l’Internet, devenu dès lors une
affaire purement commerciale. Allait-elle pouvoir survivre sans le soutien des
pouvoirs publics ? L’Internet ne risquait-il pas de s’effondrer, comme une salle
de bal au plancher fragile, en précipitant dans le vide les affaires construites en s’appuyant sur lui ?
Pour répondre à cette question
il fallait modéliser la fonction de coût de l’Internet. Il
serait ensuite possible, en divisant le coût total par le nombre des
utilisateurs, de voir si ceux-ci pourraient payer le réseau ou si, au
contraire, l’ordre de grandeur était tel qu’un équilibre commercial
serait hors de portée.
Notre intuition penchait vers la
seconde hypothèse et nous étions sur la piste d’un « scoop » : quel vacarme
aurait suscité une annonce de l’effondrement prochain de
l’Internet !
* *
Nous construisîmes notre modèle
laborieusement, en schématisant l’architecture et son
dimensionnement (lui-même fonction de la demande exprimée
par le nombre des utilisateurs et le débit nécessaire), puis en déterminant
selon les bonnes règles d’ingénierie la nature et la taille des équipements.
Après quoi il suffisait, pour évaluer le coût total, de multiplier le nombre des
unités d’œuvre par leur coût unitaire et d'additionner le tout.
Il fallait aussi, bien sûr,
prendre en compte la baisse tendancielle du coût des unités d’œuvre qui
caractérise les NTIC et poser quelques hypothèses sur l’évolution de la demande.
Le résultat se condenserait en
une courbe montrant l’évolution du coût de l’Internet rapporté à chaque
utilisateur. Notre intuition était que cette courbe ferait apparaître une forte hausse :
alors l’Internet serait condamné en l’absence d’une subvention publique, parce
que ses utilisateurs ne pourraient pas équilibrer son coût.
Après les calculs, à notre
grande surprise, c’est l’inverse qui apparut : la courbe de coût moyen était
décroissante. Nous avons vérifié et refait les calculs, puis nous avons
cherché l’explication du phénomène. Elle résidait bien sûr dans le modèle, et
nous avons dû vérifier le réalisme des hypothèses qui le fondaient.
A l’issue de cette démarche,
nous sommes parvenus à une conclusion contraire à notre intuition initiale : oui,
l’Internet est économiquement robuste. Lorsqu’une conclusion dûment vérifiée
et contrôlée s’impose ainsi, l’intuition s’enrichit d’une
certitude nouvelle.
* *
Nous avions le sentiment d’avoir
fait une découverte. Notre entreprise avait fait cette étude à ses frais, estimant
que le sujet était d’importance. Nous avons dû trouver des clients pour la vendre, et rentabiliser notre effort.
Je renonce à décrire les
difficultés que nous avons alors rencontrées. Personne, à l’époque, ne
s'intéressait à l’économie de l’Internet. La mode au milieu des années 90 était
de se mirer dans le cours des actions. On fermait les services d'étude
économique. La stratégie se résumait à acheter des
entreprises : on sait où elle a conduit. Nous
avons dû brader l’étude pour pouvoir récupérer une partie de son coût. Les
clients qui l’ont achetée, je dois leur rendre cette justice, n’ont su que faire
de l’outil ainsi placé entre leurs mains. Le rapport d'étude a jauni sur leurs
étagères, à peine lu et moins encore compris.
J’en ai publié un résumé dans
e-conomie, mais il ne pouvait emporter la conviction aussi
bien que ne le fait un modèle complet. C’est pourquoi je le publie aujourd’hui.
Le raisonnement reste correct et instructif. Il faudrait mettre à jour le coût des
unités d’œuvre et les données relatives à la demande. Cela ne présente aucune difficulté pour un professionnel du
secteur des télécoms mais cela me serait difficile, maintenant que j’en suis sorti.
J’espère que ce modèle sera utile à ceux que l’économie de
l’Internet intéresse. Ils pourront le corriger et le compléter à leur guise.
* *
I -
Synthèse
II -
Introduction
III -
Le
modèle
IV -
Le scénario
V -
Les résultats |