Voici
les commentaires de cinq experts :
Laurent Bloch
(Auteur de Initiation à la programmation avec
Scheme et Le système d'exploitation des
ordinateurs ; voir "Entretien
avec Laurent Bloch"
Ton texte « restauration de
l'informatique » me plonge dans l'incertitude et m'oblige à un effort
d'introspection. Depuis que je fréquente le Club des Maîtres d'Ouvrage
j'observe ta présentation d'une continuité entre informatique au sens habituel
(technique) et organisation informatisée des entreprises, cette continuité
pouvant d'ailleurs ne pas être incompatible avec une 'inclusion. Ma vision de
ces choses est assez différente. Je ne nie pas que ce que tu présentes
corresponde à une réalité, mais ce n'est pas cet aspect des choses que je
place au centre de mes préoccupations.
Première objection :
situer ainsi l'informatique par rapport à l'organisation des entreprises évacue
toute l'activité en amont, à savoir la conception et la
réalisation de systèmes informatiques, l'informatique
comme science et comme industrie. Cela évacue aussi les autres usages de
l'informatique. Je veux bien admettre que le mot « informatique »
soit désormais réservé à l'usage de ses techniques dans la gestion et
l'organisation des entreprises, mais il faut alors trouver d’autres noms pour
toutes ces autres activités et usages.
Seconde objection :
lorsque nous avons monté à l'Institut Pasteur un cours d'Informatique en
Biologie, mes collègues et moi avions des approches diverses mais nous étions
tous passionnés d'informatique et soucieux de défendre cette discipline. Nous
devions délivrer à de jeunes chercheurs ou futurs chercheurs en biologie une
formation très contrainte par la limite de temps, que nous voulions réduite à
l'essentiel, attrayante et sans concession.
Nous avons écarté ce qui se proposait à nous avec complaisance, parler à ces
jeunes gens de choses qu'ils connaissaient déjà, ou auraient dû connaître,
et leur faire croire que c'était de l'informatique, comme l'usage des logiciels
d'analyse de séquences ou de modélisation moléculaire. Nous avons cherché à
identifier le noyau dur de la discipline, et nous avons trouvé, omniprésente,
la programmation. Un informaticien c'est quelqu'un qui sait écrire des
programmes d'ordinateur ; quelqu'un qui ne sait pas le faire est peut-être
un être humain respectable mais pas un informaticien. Nous leur avons donc
appris d'abord à programmer, puis à écrire des programmes d'analyse de séquences
et de modélisation moléculaire. Comme disait un peintre dont le nom m'échappe
: « Croyez-vous que je me donnerais la peine de peindre si les tableaux des
autres me plaisaient ? »
Cette informatique centrée sur
la programmation, qui englobe de la recherche et de l'industrie (du matériel
comme du logiciel), mais qui se pratique encore aussi dans les
entreprises utilisatrices malgré la chasse que lui donnent les SSII
(leur intérêt n'est-il pas de supprimer cette concurrence ?), qui ressemble,
je crois, au plan que j'en ai dessiné dans les premières pages de mon livre récent,
je veux bien qu'on lui retire son nom pour le donner à l’activité différente
qui s'exerce du côté des systèmes
d'information, mais alors il faudra bien lui trouver un nouveau nom. «
Datamatique » pourrait convenir (j'ignore si la revue Datamation existe
toujours).
Troisième objection :
élargir l'acception du signifiant « informatique » à l'ensemble du système
d'information a sans doute les justifications sémantiques que tu exposes, mais
pour la discipline qui me tient à cœur cela ne serait pas un enrichissement
mais une dilution. Quant à l'espoir (légitime) que tu exprimes de voir ainsi
se dissoudre les ferments toujours actifs de rejet de l'informatique (acception
actuelle) par les autres secteurs de l'entreprise, cet espoir me semble voué à
la déception pour deux ensembles de raisons :
-
celles qui procèdent de rapports de pouvoir : elles ont des motifs
bien réels qui ne disparaîtront pas,
-
celles qui découlent de la vision du monde à la française qui
hiérarchise les domaines de connaissance et les branches d'activité :
cette vision propre à nos élites, d'ailleurs décrite et analysée dans ton
dernier livre, ne disparaîtra pas par l'effet d'une réforme sémantique.
Les conflits déclenchés par
l'irruption des innovations informatiques ne sont pas la conséquence de
maladresses et d'incompréhensions : ce sont de vrais conflits avec de
vrais enjeux, de vrais vainqueurs et de vrais perdants.
Enfin, dissimulerai-je plus
longtemps un certain scepticisme à l'égard de la problématique du Système
d'Information, aggravé par mon expérience récente ? Et mon peu
d'appétence pour l'idée d'y être soudain immergé ? J'ai du mal, par
exemple, à voir dans les centres
d'appel « l'articulation de la parole et du système d'information », même si je sais que c'est vrai : ce sont
plutôt des gens envers qui je m'efforce non sans mal de rester à peu près
poli parce que je sais qu'il font un boulot de chien, payé au lance-pierre,
mais qui sont munis de cette branche nouvelle du système d'information pour
m'embêter plus efficacement et plus intensément. J'espère sans trop y croire
que ces trucs vont bientôt disparaître (Voir Norbert Alter, La gestion du désordre
en entreprise, l'Harmattan (ou http://innovalo.scola.ac-paris.fr/Seminaire_transferer/eclairageB.htm
).
Tout ceci ne m'empêche pas
d'apprécier ton travail des concepts. J'ai conscience de la différence de plan
entre ton texte et mes objections, qui lui sont pour ainsi dire orthogonales.
Isabelle Boydens
(Auteur de Informatique,
normes et temps)
Quelques réflexions éparses
à propos de votre article qui m'a fort intéressée.
En ce qui concerne la
conceptualisation, je pense qu'il faut accepter le fait qu'il y ait un « continuum »,
la pérennité des concepts n'étant pas un indice de la pérennité des
significations correspondantes (et vice versa). Encore faut-il s'entendre sur ce
qu'est un concept (la réalité désignée ou le terme qui la nomme, ainsi que
le préconisait Occam : il n'existe aucune réalité en dehors des termes que
nous forgeons pour désigner les choses... sauf « Dieu »... mais à
l'époque, il fallait bien qu'il émette cette réserve afin d'éviter le bûcher).
Bien entendu, des articles comme le vôtre peuvent contribuer à faire évoluer
les significations ou à forger de nouveaux concepts. Pour reparler d'Occam (et
du principe du « rasoir »), ce que j'apprécie dans votre papier (et
dans la plupart de vos articles), c'est que vous contribuez à clarifier les
choses, à les simplifier pour les rendre plus denses (« entia non sunt
multiplicanda praeter necessitatem »).
Le terme « informatique »
se limite, comme vous l'écrivez, aux interactions entre l'être humain et
l'automate. L'expression « système d'information » me semble plus
vaste : il inclut selon moi l'informatique, et aussi des échanges
d'information, de prises de décision - parfois stratégiques, dans les cénacles
politiques, par exemple - faites souvent en l'absence d'automate, dans le cadre
d'échanges « d'hommes à hommes », qu'on le déplore ou non.
La question des interactions
entre l'homme et l'ordinateur m'a interpellée car elle est rarement approfondie
concrètement et pratiquement dans les papiers des spécialistes ; après l'exposé des algorithmes censés par exemple assurer l'intégration de
systèmes hétérogènes, on trouve souvent des phrases comme « des
interactions avec les administrateurs de données sont nécessaires pour résoudre
ces ambiguïtés », « les hypothèses formulées doivent être
confirmées par l'administrateur », « l'enrichissement sémantique
est typiquement un processus de décision humain », « la réponse dépend
de la sémantique du monde réel » etc.
Ainsi ni les difficultés
d'interprétation, ni les solutions correspondantes ne sont envisagées et le
lecteur de ces papiers qui a le malheur de devoir travailler sur le terrain est
particulièrement démuni s'il lui faut agir pratiquement. Dans ma thèse, en un
sens, je me suis efforcée d'appréhender cette question à des fins opérationnelles,
concernant un des multiples aspects de « l'informatique ».
On trouve une ébauche de réflexion
intéressante sur l’interactions homme-machine dans le livre de Robert
Escarpit, Théorie de l’information. Lorsqu'il parle de « l'hypothèse
de service », Escarpit en formule les modalités à propos du dilemme des
théoriciens de l'information dont les modèles mathématiques et les schémas
de base furent, à la suite de Shannon, issus de la mécanique. Il va de soi que
la théorie de Shannon ne porte pas sur la signification de l'information dont
l'étude nécessite le recours à d'autres approches. Dès lors l'attitude adoptée
par les théoriciens de l'information d'obédience mécaniste est analogue à
celle « de l'employé des Postes qui achemine le télégramme et n'est pas
responsable de ce qui se passe dans l'avant et dans l'après canal... Le service
à rendre est de transmettre le plus rapidement, le plus économiquement et
surtout, le plus fidèlement possible au destinataire l'information contenue
dans le message de la source, c'est-à-dire d'annuler aux yeux du premier les
imprévisibilités de la seconde autant que le permettent les signes qu'elle
rend manifestes et confie au canal » (Robert Escarpit, Théorie de
l'information, p. 45).
Votre texte est intéressant
parce qu'il prend en considération ce qui se passe avant et après le canal de
transmission.
Marc Desreumaux
Merci d'avoir le courage de
rallumer un vieux débat, celui du vocabulaire. C'est un débat important : la
difficulté de travailler dans les « Systèmes d'Information » ne
tient-elle pas en partie à la mauvaise appréhension du domaine par les
managers ? La faiblesse est certainement dans les concepts, révélée
voire amplifiée par le vocabulaire.
Je suis volontiers Yves
Tabourier qui fait remarquer que le concept de SI est très évolutif. On peut
donc critiquer le SI issu du trio Décision / Information / Production, mais il
ne faut pas oublier que cette vision a eu un sens et qu'elle continue à en
avoir un, même si l'on sait maintenant que ce n'est qu'une couche parmi
beaucoup d'autres. Je ne crois pas que l'urbanisme soit en mesure de proposer actuellement
(je souligne actuellement) une articulation plus probante. En tout cas, je
ne trouve pas chez les différents urbanistes de consensus qui corresponde à ma
propre réflexion. Je reste toutefois confiant dans la possibilité et l'intérêt
de définir des structures standard de SI, un peu comme il y a possibilité de définir
des structures standard de programmation (programmations structurées, OO) ou
des architectures standard de systèmes informatiques (langages de description
d'architectures). Le fait qu'il existe des structures (en fait des
structurations) standard n'empêche pas que, de fait, on continue à créer
beaucoup de programmes, d'architectures, de SI non structurés. Mais ça permet
de créer des modèles mesurables (on peut créer des algèbres d'architectures
de systèmes comme on a pu en son temps créer des algèbres de programmes...).
En d'autres mots, l'urbanisme
(et l'architecture) peuvent aider à éclairer les concepts en produisant
des structures porteuses de sens, donc de simplifications, donc d'efficacité.
Tu proposes une articulation,
apparemment d'une autre nature, entre le proprement humain et le proprement
automatique. Cela ne me semble pas très éloigné d'une des articulations
principales qui fonde la structuration standard d'urbanisme telle que je la vois
depuis une dizaine d'années. Avec cependant quelques différences notables de
vision, me semble-t-il. Ainsi, je ne crois pas que l'automate soit seulement du
côté de la machine (il reste des travailleurs effectuant des tâches « automatiques »),
ni l'inverse (mais ça, ça dépend de ce que l'on décide d'appeler un
automate. Prenons l'exemple de l'Internet : c'est une « machine »,
mais je ne saurais pas décrire son fonctionnement sous forme d'un automate. Ce
n'est pas tant la complexité de sa fonction de transition qui est en cause que
la complexité des paramètres opérandes et son caractère évolutif). Par
ailleurs, il me semble nécessaire de distinguer l'homme (disons un homme
particulier) et l'humain (qui s'exprime aussi dans des groupes humains dont les
comportements ne sont pas réductibles à ceux des hommes qui les composent). De
même pour la distinction entre la machine et les systèmes automatisés. A tel
point que si une machine est bien un automate programmable, je conteste par
contre que le système informatique dans sa globalité auquel l'homme s'adresse
pour travailler (en d'autre terme le SI) soit réductible à un automate
programmable. Enfin, il est possible que d'autres interfaces soient in fine
aussi importantes, mais, pour le savoir, il faudrait entrer dans le gras des
problèmes réels qui se posent dans les SI. Cela ne retire rien, au contraire,
à l'importance de l'interface entre l'homme et le système (qu'il faut parfois
concevoir comme une interface humainS-machine !).
Faut-il pour autant la baptiser
d'un nom qui, de toute façon, vivra sa vie propre, en fonction du sens que les
hommes lui donnent tous les jours ? Ne serait-il pas plus judicieux (et plus
efficace) de nommer autrement ce concept si important ?
Jean Joskowicz
Comme promis, voici mon avis
sur la « réhabilitation » du mot « informatique ».
Du point de vue sémantique, on
ne peut que te donner raison. Mais, en pratique, comme tu le remarques toi-même,
ça risque de ne pas marcher d’autant qu’alors il faudrait trouver un mot
(nouveau) pour désigner commodément ce que recouvre actuellement le terme
d’informatique.
En ce qui concerne la critique
du SI, je ne pense pas qu’il faille insister sur la difficulté à distinguer
avec précision ce qui ressortit de l’un ou l’autre système.
Je me souviens de ce que disait
à ce sujet feu mon bon maître Jean-Dominique Warnier (dans les années 72-73).
Je simplifie : si un balayeur (c’était le terme en vigueur à l’époque)
passe le soir dans un labo et constate qu’il y a un début d’incendie, il
peut crier « Au feu ! » (bon, c’est déconseillé, de nos
jours !), se dire aussi que l’extincteur accroché au mur peut
circonscrire l’incendie, s’en saisir et maîtriser ce départ de feu. Ce
faisant, il aura de toute évidence participé aux trois systèmes « mélésiens ».
D’ailleurs la métaphore
« urbanistique » nous permet aussi de mêler ou séparer à loisir
des systèmes ou fonctions. A titre d’exemple : la distribution des
« fluides » (eau, gaz, électricité, téléphone etc.), l’évacuation
des « déchets » (égouts, poubelles, émissions de gaz etc.), les
fournitures « culturelles » (écoles, temples divers, cinémas, théâtres,
musées etc.), la répartition de « nourriture » (marchés, centres
commerciaux, restaurants etc.). Il va de soi que certains sont liés, mais rien
n’empêche d’en dresser une cartographie différenciée.
Pour ce qui est de la séparation
entre EHO et APU, le même J. D. Warnier disait que l’homme n’est nécessaire
que quand on doit faire appel à un jugement, une réflexion, le reste pouvant
être confié à la machine.
Pascal Rivière
Ton papier est bon mais il pourrait être encore plus
percutant : c'est une réflexion qui commence, ce n'est pas encore abouti.
Je me limite ici à quelques remarques que je tape en direct,
sous forme de brouillon.
Sur le fond, je comprends ton interrogation sur le terme
« informatique », ton argumentation se tient (les tableaux sont
parlants et utiles à ton argumentaire), mais tu ne mets pas assez en valeur
certains aspects de la question. Ce que tu dis sur le vocabulaire n'est pas ce
qui m'intéresse le plus dans ta réflexion.
J'aime bien l’expression
« près du corps » qui est très parlante (elle se trouvait déjà
dans Evolution
du rôle du SI : du concept au processus, mais ça ne
m'avait pas frappé quand j'avais lu ce papier). Ce que tu ne dis pas assez, à
mon avis, c'est que l'informatique a eu dans le premiers temps quelque chose d'externe
à l'humain, d'extérieur et aussi d'exogène.
Tu pourrais insister davantage sur cet aspect qui n’est mentionné qu’en
filigrane.
Tu n’utilises pas le terme de symbiose :
or c'est la symbiose homme-machine que l'on recherche (NB : je comprends ce
qu’ apportent les concepts d’« EHO » et d’« APU »,
je comprends à quel point les mots « machine » ou « « ordinateur »
sont limités, mais je ne trouve pas qu'EHO et APU apportent tant que ça en
lisibilité dans ton discours ; peut-être faudrait-il un mot à la place de
l'acronyme APU).
Tu pourrais aller plus loin dans l'analogie biologique. Dans
l'histoire, la « machine » a acquis petit à petit une sorte
d'identité, on a appris à la connaître. Au départ on a voulu lui faire faire
la même chose qu’à l'homme, mais ce n’était pas la meilleure façon de
l’employer. Puis on a pensé qu'elle ne pouvait faire que des calculs, qu'elle
n'était pas capable d'intelligence, qu'elle était rapide mais sans sémantique,
sans finesse, etc. Ensuite et surtout les humains ont coopéré avec ces
machines, « vécu » pratiquement avec elles, et dans cet échange
permanent ils ont pu beaucoup mieux « ressentir » ce qu’était cet
être bizarre avec lequel ils coopéraient. D'où ce que tu dis : « Dès
1957 von Neumann comprit qu'il était pertinent de postuler non pas l'identité
du cerveau et de l'automate, mais leur différence et leur articulation ».
Une sorte d'écosystème s'est mis en place, après qu’il y ait eu des morts
des deux côtés : des applications informatiques, outils et langages ont
disparu, et aussi réciproquement des métiers (ce ne sont pas des êtres
humains qui meurent, mais leur projection dans cet écosystème). Le caractère
quotidien de cette « vie » qui fait émerger (et renforce) les
identités, les échanges, les rapports de force, n'est pas assez présent dans
ton discours.
Autre aspect présent en filigrane dans ton texte, mais pas
assez souligné : dans l'histoire, on est passé d'une logique A où
l'ordinateur était l'esclave de l'homme (qui lui demandait seulement d’exécuter
des calculs complexes) à une logique B où les deux coopèrent. Ce
changement a une conséquence radicale : dans la logique A, on s'interroge sur
les limites de l'ordinateur (puissance des algorithmes, capacités
de stockage, et, plus tard, possibilité de représenter les connaissances) ;
dans la logique B, on ne considère pas seulement la relation homme ->
machine mais aussi la rétroaction machine -> homme, et ce bouclage oblige à
poser la question symétrique (quelque peu hérétique) des limites de
l'homme. Le problème que pose la difficulté que rencontre l'homme
lorsqu’il manipule une masse considérable de données (d'où les questions de
lisibilité de tableaux, de nécessité de synthèse, mais aussi d'ergonomie et
d'organisation du travail) est pour moi l'équivalent des réflexions sur
l'optimisation des algorithmes, l'objet de l'« optimisation » (« élucidation »,
plutôt, pour te paraphraser) étant cette fois l’« être humain organisé ».
On considère donc les limites de l'homme et les limites de
la machine, mais aussi les limites de la boucle homme -> machine
-> homme. Cette boucle peut fonctionner à plusieurs niveaux
correspondant chacun à une temporalité différente. Exemple : j'écris avec
Word, je vois une faute d'orthographe, je corrige : boucle élémentaire.
J'écris avec Word, je m'aperçois que le correcteur de fautes d'orthographe
raisonne sur du français or j'écris en anglais, donc je modifie les paramètres :
boucle élémentaire aussi, mais je suis passé à un autre niveau. J'écris
avec Word, pour diverses raisons ça ne me convient pas, je change d'outil :
la boucle passe à un niveau encore supérieur. J'écris avec Word mais en fait
ça ne devrait pas être à moi d'écrire des textes, ce n'est pas efficace, il
faudrait revoir l'organisation : c’est encore une autre boucle etc.
L'enjeu de l'« informatique »
au sens que tu donnes à ce terme (et, qui, comme tu le dis, est conforme à
l’esprit initial), c'est la mise en place de cet écosystème avec une bonne
compréhension des limites des diverses entités et des possibilités effectives
de bouclage.
Il faut donc une recherche qui
conjugue la prise en compte des limites de l'homme et des limites de
l'ordinateur, et qui articule des disciplines aujourd’hui éloignées
(algorithmique et hardware dans un cas, ergonomie et psychologie de
l'utilisateur dans l'autre) pour éclairer la symbiose homme-machine (cf. Joël
de Rosnay, L'homme symbiotique, 1995).
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