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Deux leçons tirées de l’histoire des outils de la bureautique

31 mars 2005


Pour lire un peu plus :
-
A propos des outils de la bureautique
- The Soul of a New Machine

Pour étudier l’histoire du tableur ou du traitement de texte il faut dépouiller beaucoup de documents. Deux faits sautent alors aux yeux : l’un concerne la documentation elle-même, l'autre concerne les inventeurs.

La documentation

La plupart des documents accordent une grande place à l’identité des innovateurs et à l’évolution du marché : qui a inventé le produit, et quand ; quand, et avec qui, il a créé son entreprise ; quand et comment s’est manifestée la concurrence ; comment ont évolué les parts de marché ; comment se sont réglés les conflits.

Les indications données sur la nature du produit partent presque toutes du point de vue de l’utilisateur : il s’agit d’expliquer le succès commercial. Si l’idée qui a guidé la conception du produit est indiquée, on ne trouve pas grand-chose sur les choix fonctionnels ou d’architecture ni sur les compromis auxquels le réalisateur a été contraint. Le passage de l’idée au produit s’est déroulé dans une boîte noire que la documentation n’entrouvre pas.

Il est vrai qu’il est difficile de décrire ce passage qui est complexe et laisse le plus souvent peu de traces documentaires. Cela ne donne que plus de valeur aux ouvrages qui, comme celui de Tracy Kidder [1], décrivent en détail le cheminement d’une réalisation technique.

Les inventeurs

Dans la plupart des cas, l’inventeur un homme jeune, frais sorti de l’université ou même encore étudiant. Il est au courant des techniques récentes et, comme il n’a aucune expérience, son esprit est libre de préjugés. Il imagine le nouveau produit en partant de ses propres besoins.

Sans doute beaucoup des produits ainsi conçus n’aboutissent à rien de durable, mais ceux-là sont oubliés : l’histoire ne garde en mémoire que les produits réussis.

Notre étudiant, si son produit rencontre le succès, devient un entrepreneur : il découvre les soucis du recrutement, de la commercialisation, des partenariats, de la gestion, du financement. Pour défendre son territoire, il s’englue dans des procédures judiciaires . Il perd ainsi sa fraîcheur, sa capacité à innover et d’ailleurs son savoir technique, naguère pointu, vieillit et devient obsolète. Il laisse passer des occasions parce qu’il ne les perçoit pas, et il se fait doubler par d'autres personnes tout juste sorties de l’université. Bientôt la survie de son entreprise est menacée...

Le système est fortement innovant parce que le flux des jeunes innovateurs ne tarit pas. Par contre, si l’on considère les individus, le système est stérilisant : tout se passe comme si le fait de mettre une idée sur le marché inhibait la possibilité d’en produire une autre. Quant aux entreprises, elles naissent, croissent et meurent ou se font acheter en quelques années ou (au plus) dizaines d'années.

Microsoft est l’exception qui confirme la règle, car si Bill Gates innove c’est en entrepreneur, en organisateur plus qu’en technicien : il reprend les produits inventés par d’autres et les articule en système avec un sens aigu des économies d’envergure et du fonctionnement du marché.


[1] Tracy Kidder, The Soul of a New Machine, Atlantic-Little Brown, 1981