L'auteur a suivi l’itinéraire
de Stevenson, mais après avoir remplacé l’ânesse Modestine par un vélo de bat.
Parti du Monastier-sur-Gazeille,
il est passé entre autres lieux par Le Bouchet, Landos, Pradelles, Langogne,
Luc, Notre-Dame des Neiges, La Bastide, Chasseradès, Le Bleymard, Le Pont de
Montvert, Florac, Saint-Germain de Calberte, Saint-Jean du Gard et enfin Alès,
où l’attendaient les extraordinaires statues de Pasteur et d’Alphonse Daudet.
Mais que croyez vous qu’il arriva ? Il y trouva le Cévenol en grève. Ah, ces
grèves du Cévenol (voir Nostalgie du
service public)… Il a dû rentrer à Paris en TGV, le pauvre.
Chemin faisant il avait
bien compris les cévenols : il a savouré leur délicatesse, leur réserve et leur
langage si délié. Il a aimé les paysages et pesté contre les chemins
pierreux où l’on se tord les chevilles. Il a croisé ces chiens de chasse
affectueux qui vous lèchent la main et vous caressent de leurs larges pattes
boueuses, ces chèvres coquines qui broutent votre pain si vous n’y prenez garde.
Que le propriétaire de
l'auberge Modest'Inn de Langogne lui ait cédé sa chambre par sympathie et pure
hospitalité, et se soit ainsi condamné à dormir par terre, c'est incroyable - mais
c'est vraisemblable quand on connaît les gens d'ici. Quand les aventures de l’auteur
s’entrelacent au rappel de celles de Stevenson, cela donne la « gaffe de la
Vernède » ou une odyssée sur les quelques mètres entre Fouzilhic et Fouzilhac.
J'ai aimé ses rencontres avec
les « ados » difficiles et pitoyables, avec leurs éducateurs au cuir tanné ;
avec le couple réactionnaire mais hospitalier ; avec le paysan heureux que l'on
photographie son tracteur. J'ai reconnu le large geste du bras par lequel se
désigne, dans la partie catholique des Cévennes, la zone « où sont les
protestants ». Il a entendu parler des « Belges, qui font monter le prix des
maisons » et des « gens de la ville qui viennent à la saison ramasser les
cèpes ». Il a vu les touristes, comiquement équipés parfois, mais « si utiles
tout de même pour la survie du pays »… L’histoire est présente : celle des
camisards et celle, plus récente, des Polonais venus chez nous pour la mine et
aussi pour la guerre. La description (p.202) de la société française en devenir
m'a paru d'une rare perspicacité.
L'auteur est quelqu'un de fin,
cultivé et sans prétention. Il sait voir, entendre et interpréter. Au passage il
donne son avis, discrètement et brièvement : on découvre ainsi sa personnalité
au fil du livre.
J'ai regardé ses photographies
sous deux points de vue différents : comme cévenol, je me dis « c'est bien ça,
il nous a vus tels que nous sommes ». Comme parisien, je pense « quel drôle de
coin ! Quel pays sauvage ! Mais comment donc vivent ces gens ? » Ceux qui font
la navette entre les Cévennes et Paris ont tous, je crois, le sentiment de
passer d'une planète à l'autre, également belles, également intéressantes, mais
tellement différentes ! On dit adieu à l'auteur dans le TGV, mais j'aurais aimé
qu'il nous dise comment Paris lui est apparu à son retour.
Stevenson a eu là un bien aimable successeur.
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