Celui qui énonce la moindre
réserve sur la politique de George W. Bush se fait taxer d’« antiaméricanisme ».
Faudrait-il donc, pour pouvoir être « politically correct », paraître plus
favorable à Bush que les Américains ne le sont eux-mêmes ?
Voici les résultats de sondages
d'opinion auprès de la population des Etats-Unis réalisés pour le
New York Times et CBS News (les sondages réalisés pour le
Washington Post ont une allure semblable)
.
Juste après son élection,
beaucoup d’Américains n’avaient pas d’opinion sur la façon dont Bush remplissait
ses fonctions. Ils étaient perplexes ; le nombre des mécontents s'est
progressivement accru pour approcher 40 %.
Sa popularité a
soudainement monté après l’attentat du 11 septembre 2001 : son « leadership »,
sa fermeté
et sa résolution ont été admirés. Puis elle a de nouveau baissé pour revenir
au niveau qu’elle avait avant l’attentat.
La guerre contre l’Irak a dans
un premier temps suscité un regain de popularité, moins ample toutefois que celui
qui s’était produit après l’attentat. Puis elle s’est de nouveau dégradée,
plus vite que la fois précédente. Lors du dernier sondage, réalisé entre le 28
septembre et le 1er octobre 2003, 42 % des Américains désapprouvent
la façon dont Bush fait son travail. Sont-ils antiaméricains pour autant ?
La dégradation de l’opinion est
sensible en ce qui concerne la situation en Irak : 48 % des Américains
désapprouvent Bush, 47 % l’approuvent, et la tendance est éloquente (l'échelle du temps n'est pas la même que sur le graphique précédent) :
En ce qui concerne la politique
étrangère, on constate une évolution analogue. Les Américains, qui ont du bon sens,
regrettent que leur pays se soit coupé de ses alliés :
C’est sur
la politique économique, domaine crucial pour tout Américain, que l’opinion est la plus
défavorable. Les mécontents forment
déjà une forte majorité (56 %) :
Il n'en reste pas moins que la majorité des Américains
conserve une opinion favorable sur Bush (voir le graphique ci-dessous). Cependant
elle est minée par les inquiétudes que provoquent d’abord
l’état de l’économie, puis l’évolution de la situation en Irak, enfin quelques « affaires »
plus ou moins gonflées d'ailleurs par l'opposition (la place prise par
des amis de Bush dans les marchés de reconstruction en Irak, l’indiscrétion commise sur l’appartenance de Mme
Wilson à la CIA etc.).
Bush sera-t-il réélu en
novembre 2004 ? C'est possible et c'est même probable : les démocrates ne
parviennent ni à définir un programme qui soit autre chose qu'une critique de
l'administration républicaine, ni à se rallier autour d'un candidat qui les
représenterait devant l'opinion.
Mais quelle sera la légitimité
d’un président impopulaire, réélu grâce à l’incapacité de ses adversaires ? (il
est vrai qu’il en a été de même chez nous pour Jacques Chirac en 2002).
* *
Est-ce être « antiaméricain »
que de partager une opinion, des inquiétudes qui sont celles d’un
nombre croissant d’Américains ? Chacun, certes, a le droit de refuser
qu'un autre lui fasse les reproches qu'il s'adresse à lui-même :
Je me les sers moi-même avec
assez de verve
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve
:
nous devons donc tempérer nos critiques envers les États-Unis, tout comme les
Américains doivent tempérer leurs critiques envers la France.
Toutefois les décisions du
président de la première puissance mondiale ont des conséquences non seulement
pour ses concitoyens mais pour le monde entier. C'est pourquoi nous
avons le droit d’exprimer un avis sur sa politique sans que
quiconque ne soit fondé à nous attribuer un « antiaméricanisme » que nous n’éprouvons
nullement.
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