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A propos des « ripostes ciblées »

13 juin 2003

Le terrorisme est une forme de guerre. Les politiques qui incitent au terrorisme, ses organisateurs, ses exécutants, s’exposent donc à recevoir la mort des mains de ceux qu’ils visent : ils le savent, ils se doivent de l'assumer. 

Il ne s’agit pas pour le pays visé de se soulager en rendant coup pour coup sous la pression de l’événement, mais de redresser le rapport de force que le terroriste cherche à déséquilibrer. Israël est donc dans son droit lorsqu’il exécute des terroristes. Lui contester ce droit, ce serait lui contester le droit à l'existence. L’humanisme, s’il implique de respecter l’humanité en tout être humain, ne doit pas se dégrader en mollesse, encore moins en complaisance : l’ennemi, lorsqu’il se manifeste, doit être combattu. Entre guerriers le combat est d'ailleurs une forme de respect. 

Le terrorisme est-il moralement admissible ? S'il vise les armées de l'ennemi, c'est de bonne guerre (si l'on peut dire) ; mais non lorsqu'il vise des civils (le bombardement des villes pendant la deuxième guerre mondiale reste un crime impuni). 

*  *
Cependant la riposte ciblée, comme toute action militaire, doit respecter des conditions techniques. La cible doit être atteinte de façon précise et exclusive, sans dégât collatéral ; le moment doit être bien choisi au plan symbolique comme au plan politique ; l’attaque doit être secrète et discrète.

La précision de l’attaque témoigne de la qualité des renseignements que l’on s’est procuré sur le terroriste, ses habitudes, sa vie personnelle, ainsi que d'une habileté supérieure dans l'utilisation des armes ; la maîtrise dans le choix du moment, la discrétion de l’exécution, le secret sur l’identité du commanditaire témoignent d’une supériorité tactique. Lorsque le terroriste se sait observé par des soldats d'élite, il se sent nu et cela le paralyse.

Pour répondre à l’exigence de discrétion, on doit préférer l’attaque nocturne, par un petit commando camouflé ou déguisé qui sera vite « exfiltré » après l’exécution. La discrétion désarme les protestations hypocrites, mais gênantes, des pays qui soutiennent les terroristes. Elle maximise l’effet psychologique : les terroristes, ne pouvant savoir d’où viennent les coups, s’affolent, se soupçonnent mutuellement et s’entredétruisent. 

Pour respecter les règles de l’attaque ciblée il faut accepter de rater des occasions. La cible se présente mais d’autres personnes lui servent de bouclier ; ou bien le moment n’est pas opportun, que ce soit pour des raisons politiques ou symboliques : alors il faut retenir son tir et attendre.

*  *
Les attaques ciblées récentes par hélicoptère à Gaza ne respectaient pas ces règles. Ostentatoires, elles manquaient de discrétion. Elles étaient maladroites : blesser ou tuer les personnes qui entourent le terroriste, des femmes et de petits enfants, c’est lamentable tant sur le plan technique que sur le plan moral. Enfin, elles risquaient d’interrompre le cours des négociations de paix.

Leur étonnante maladresse révèle – c’est le plus vraisemblable, car Tsahal n’a jamais manqué d’habileté – un complot dont le but est d’empêcher la poursuite des négociations engagées par Ariel Sharon.

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Toute avancée vers la paix au Proche-Orient est combattue, dans chacun des deux camps, par une minorité extrémiste qui n'exige rien moins que la victoire totale, c'est-à-dire l'humiliation absolue ou même la disparition de l'adversaire. Lorsque les extrémistes représentent 30 % de chaque camp, la paix durable devient techniquement impossible ; une armée qui tenterait de s'interposer, qu'elle soit américaine, onusienne ou européenne, ne serait qu'une cible de plus. La tentative de médiation de George W. Bush est courageuse mais pour réussir il ne suffit pas de détenir la force : il faut avoir l'intelligence de la situation (voir "Stratégie négationniste")

Cessons de nourrir des illusions et sachons anticiper les conséquences du blocage. La seule issue positive (elle existe, mais elle est étroite) réside en effet dans une anticipation qui confronterait les acteurs aux conséquences effroyables de leurs paroles et de leurs actes. 

Si les acteurs se laissent dominer par leur ressentiment et leurs émotions, aussi légitimes ou compréhensibles soient-ils, les conséquences de cette crise locale se déploieront et, selon un enchaînement implacable, le monde s'embrasera tout comme il s'est, en 1914, embrasé à partir de la crise des Balkans.