Un voisin menuisier m’a dit « le double
vitrage s’est démocratisé » : il ne voulait pas dire que le double vitrage ait
quelque chose à voir avec la démocratie, mais que le prix des fenêtres à double
vitrage est devenu abordable.
Mais lorsqu’on dit « le foie gras » ou « le
saumon fumé se démocratise », il s’agit non d’une baisse du prix mais d’une
baisse de qualité : de médiocres produits, usurpant une appellation
prestigieuse, donnent une illusion de luxe à ceux dont le goût n’a pas été assez
formé pour percevoir la différence.
C’est ainsi que l’enseignement secondaire
s’est « démocratisé ». On y a fait entrer des élèves qui, ne sachant ni lire, ni
écrire, ni compter, ne pourraient pas tirer parti de ce qu’on leur enseignait,
puis on les a propulsé d’une classe à l’autre. Le baccalauréat a été soumis à
une exigence de rendement, et non de qualité : quand on a décidé que 80 % d’une
classe d’âge devraient y accéder, on a poussé vers l’université des étudiants
qui ne savent ni raisonner, ni s’exprimer.
N’exagérons cependant pas la catastrophe :
avant la « démocratisation » l’enseignement n’était pas parfait et le niveau
scolaire moyen de la population a augmenté (c’est bien la moindre des choses).
Il n’en reste pas moins que « démocratiser »
de la sorte l’enseignement, c’est se moquer cruellement des professeurs et
surtout des élèves : être contraint d’assister, des heures durant, à des cours
auxquels on ne peut rien comprendre, cela constitue une forme de torture
mentale. Certains parmi les élèves turbulents ne font que réagir sainement à un
ennui abyssal.
* *
Une telle « démocratisation » usurpe le nom
de la démocratie alors qu’elle est l’exact contraire. Ceux qui la mettent en
œuvre sont des faussaires, tout comme ceux qui usurpent le nom prestigieux de
« foie gras » pour étiqueter un produit de mauvais aloi.
Si l’on avait été vraiment démocrate, on
n’aurait pas supprimé l’examen d’entrée en sixième, on ne ferait pas entrer dans
un cours l’élève ou l’étudiant qui n’est pas en mesure de le comprendre.
Derrière l’escroquerie de la
« démocratisation » perce le mépris. « Puisque les gens sont dupes des mots et
des appellations prestigieuses, se dit le faussaire, je vais y mettre un contenu
de moins bonne qualité, dont la production coûtera moins cher, et personne n’y
verra que du feu. La qualité étant affaire d’opinion, il suffira d’affirmer
qu’elle est bonne pour qu’on le croie ». |