Comme je
m’y attendais, la fameuse « affaire » Eurostat commence à se dégonfler. Photis
Nanopoulos, directeur démis de ses fonctions, a reçu de l’Office de Lutte
Anti-Fraude de la Commission (OLAF) une « notification
de clôture d’enquête sans suite ».
Nanopoulos a dû se battre pendant un an pour prouver son innocence : une
procédure illogique, mais trop courante, a fait porter par l’accusé la charge de
la preuve. L’OLAF ne lui présente
aucune excuse et ne lui propose aucun dédommagement. Le rapport sera,
conformément au règlement, « adressé au Secrétaire Général de la Commission »
mais l’intéressé n’en aura jamais eu connaissance.
A toute
personne réfléchie ces méthodes inspirent l’horreur. Certains y voient le
mauvais côté de la démocratie : c’est là une idée radicalement fausse.
L’arbitraire n’est en rien conforme à la démocratie dont l'esprit exige, au
contraire, que la justice fasse porter par l’accusation la charge de la preuve
et communique à l’inculpé
les rapports sur lesquels elle s’appuie. Il exige aussi que l’accusateur
dédommage la personne qui a souffert des conséquences d’une accusation infondée.
J’ajoute
que dans une société vraiment démocratique on ne tolèrerait pas les accusations
portées à la légère. On ne dirait jamais « qu’il n’y a pas de fumée sans feu ».
On ne laisserait pas la presse dévorer ceux qui, hasard ou imprudence,
se sont fait happer par la mécanique judiciaire. Les journaux accorderaient
autant de place aux non-lieux qu’aux accusations.
* *
Dans
cette affaire la Commission ne s’est pas illustrée. Lorsque la presse a fait
monter le soufflé il aurait suffi d’un peu de courage à Romano Prodi pour
remettre les choses dans leur exacte proportion et calmer le Parlement. Il a
préféré sacrifier des boucs émissaires.
Les
statisticiens ne se sont pas illustrés non plus. Ils savent ce qu’il en est
et respectent le travail qu’a réalisé Eurostat mais ils se sont tus par
crainte d’être accusés de corporatisme, parce que certains d’entre eux croient
« qu'il n’y a pas de fumée sans feu », et aussi parce qu'ils ont peur
de la Commission.
* *
Il reste des questions :
qui a intérêt à démolir la statistique européenne ? Qui a été
l'instigateur de la manoeuvre qui a si bien réussi ? On peut craindre que
cette affaire-là, qui est la véritable affaire Eurostat, ne soit jamais instruite.
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