Lorsque des voyous attaquent
les passagers d’un train, on dit qu’il s’agit de « jeunes ». Je suppose que ce langage est
politiquement correct : on veut éviter tout terme désobligeant, « voyou » en
l’occurrence, fût-il exact. On veut ne pas faire comme Nicolas Sarkozy dont le
« racaille » a tant choqué.
Mais on provoque ainsi un
dommage plus grave que la blessure d’amour-propre qu’un voyou risquerait de
ressentir quand on le qualifie de voyou : en échangeant « voyou » pour
« jeune », on incite les adultes à voir dans tout jeune un voyou en puissance,
sinon en acte. Or si depuis toujours la plupart des voyous sont des jeunes, il
est certain que les jeunes ne sont pas tous des voyous.
* *
Le racisme est une maladie
mentale, et elle provoque un dysfonctionnement du raisonnement.
Confronté à un individu, le raciste réduit celui-ci à une des catégories
auxquelles cet individu appartient et dans laquelle il voit la source de tous
les maux. La catégorie douteuse de « race » a fourni à ce mot son étymologie,
mais sa portée est plus étendue : certains sont racistes envers les
fonctionnaires, d’autres le sont envers les Américains, les énarques, les
immigrés ; notre histoire a été marquée, à diverses époques, par le racisme
envers les aristocrates, les juifs, les ouvriers etc. Ceux qui font aujourd’hui
circuler le jeton catégoriel des « jeunes » se rendent complices de l’un de ces
racismes.
Il est pourtant évident
que réduire un individu à une catégorie, c’est plaquer sur la complexité de l’être humain une grille des plus grossières
; c’est, en fait,
refuser de considérer cet individu-là en tant qu’individu, et donc commettre une
faute à la fois contre la logique et contre la nature.
L’adulte qui déteste les
« jeunes » ne pourra pas voir que certains adolescents portent l’étincelle du
génie ; le jeune qui déteste les « vieux » ignorera que certains adultes sont
loin devant sur le chemin de la sagesse, et du bonheur auquel chacun aspire...
* *
Lorsque j’étais jeune nous
étions mal vus : très peu d’adultes étaient prêts à converser avec nous d’égal à
égal, à s’efforcer de comprendre ce que nous essayions de dire. Nous n’étions pas
respectés.
Je ne voudrais pas, étant
maintenant un adulte et peut-être même un « vieux », manifester envers les
jeunes l’irrespect qui m’a tant fait souffrir quand j’avais leur âge.
Écoutons Georges Brassens :
Le temps ne fait rien à
l'affaire
Quand on est con, on est con
Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père
Quand on est con, on est con
Entre vous, plus de controverses
Cons caducs ou cons débutants
Petits cons d'la dernière averse
Vieux cons des neiges d'antan. |