11 septembre 2001 : la grande provocation
16 septembre
2001
Compassion envers les familles des victimes,
envers les victimes qui ont vu venir une mort douloureuse. Compassion humaine, profonde,
silencieuse. Par dignité, par respect pour notre humanité, faisons toutefois taire
l'émotion. Réfléchissons.
Cet attentat est-il une surprise ? La
population des grandes villes des pays riches croit avoir droit au confort et à
une tiède sécurité. C'est une illusion. L'opulence de ces villes en fait des
cibles pour ceux qui convoitent, jalousent ou méprisent leur richesse.
L'Occident n'est pas la Civilisation du Bien
: la frontière qui sépare le bien du mal traverse chaque personne, chaque pays,
chaque culture. La lutte contre le Mal n'est pas la lutte contre l'Autre, mais
contre le contentement de soi et les lâchetés, faiblesses et confusions qu'il
suscite. George W. Bush est tombé dans un piège en
évoquant la "lutte du Bien contre le Mal" : employer le langage du
terroriste, c'est lui accorder la victoire ; diaboliser
l'adversaire interdit d'ailleurs de le connaître, de le comprendre et donc de le combattre
intelligemment.
Ce n'est pas renier son pays, sa
culture, que de leur refuser le monopole du Bien. L'histoire a montré de quoi
l'Occident était capable. Nos politiques, nos militaires, nos religieux se sont
parfois conduits en fanatiques. Opposer l'Occident à l'Islam est un
crime contre l'humanité, un de ces crimes hypocrites qui ne tachent pas les
mains, un crime d'intention et d'incitation. L'Occident doit aux Arabes la
médecine, les mathématiques, la poésie et la meilleure part de son
architecture. Pour tout homme de culture, l'Islam est une source de sagesse
vivante et généreuse. Réciproquement rien, dans ce que nous avons de bon en Occident (mais que
parfois nous méprisons nous-mêmes), n'est contraire au Coran.
Celui qui prétend parler
au nom de Dieu blasphème, qu'il soit prêtre, rabbin, pasteur, mollah ou homme
politique. Nos ancêtres savaient qu'il n'est pas de pire ennemi de la foi que le
prêtre assoiffé de pouvoir. Dans leurs peintures de l'enfer, ils ont placé parmi
les damnés des papes, des évêques et des moines.
Tâchons maintenant de comprendre
ce qui s'est passé. Tout attentat est un message qu'il faut interpréter
(voir "Une guerre"). Les éléments
de ce message sont : (1) la cible ; (2) la date ; (3) le moyen
utilisé.
(1) Le "World Trade Center" est le
symbole évident du commerce mondialisé. C'est aussi un symbole pour les
Américains : en l'attaquant, on est sûr de les faire réagir.
(2) Il faut fouiller les agendas pour savoir
ce que signifie la date du 11 septembre. Voici quelques pistes : 11 septembre 1973,
coup d'état au Chili, assassinat de Salvador Allende. 11 septembre 1990 : George Bush
prononce devant le Congrès son discours sur la guerre du Golfe. 911 : numéro
téléphonique à appeler en cas d'urgence aux Etats-Unis. Ajoutons que l'attentat
de Madrid, le 11 mars 2004, a eu lieu exactement 911 jours après l'attaque du
World Trade Center.
(3) Les terroristes auraient pu, s'ils
voulaient tout détruire, utiliser une bombe atomique miniaturisée (voir "Affaires
atomiques"). Ils auraient pu, pour préserver leur anonymat, utiliser des
drones plutôt que des avions de ligne. S'il s'était agi de chantage, l'attentat
aurait été plus modeste : un maître chanteur laisse deviner sa force mais ne
l'utilise pas.
Il s'agit donc d'une provocation : le
commanditaire recherche la victoire non dans la réussite même de l'attentat, mais
dans la réaction qu'il provoque et dont il anticipe des effets bénéfiques à sa cause. Les pays cibles
des représailles seront déstabilisés ainsi que leurs alliés. Les gouvernements
tièdes seront renversés. Les enjeux monteront à l'extrême. Les ressources
pétrolières de l'Europe se trouvant dans des pays à l'équilibre politique
fragile et détenteurs de l'arme atomique, les "Twin Towers" ne seront pas
les seules structures à s'écrouler.
Nous avons besoin d'intelligence,
c'est-à-dire de réflexion et de ruse. Les armées modernes ont approfondi la
doctrine allemande sur l'industrialisation de l'armement, l'emploi combiné des armes, l'utilisation des technologies
récentes. Elles sont
prêtes pour la guerre de 1940, mais non pour faire face à un
joueur d'échec qui raisonne avec plusieurs coups d'avance et ambitionne de créer
un empire. Se soulager en cognant fort et un peu au
hasard, ce serait faire ce qu'il attend. Creuser un fossé entre l'Occident et
l'Islam, ce serait combler ses vœux.
(voir "La
grande provocation (suite)")
|