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Pourquoi tant de Tibet ?

19 avril 2008

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Pour lire un peu plus :

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La personne du prisonnier est sacrée
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Torture et liberté
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De l'efficacité des bombardements

Les Chinois violent les droits de l'homme au Tibet, disent les médias. D'où émotions, manifestations etc.

Personne n'éprouve de sympathie pour un grand quand il fait du mal à un petit. Mais si l'on recense les abus de pouvoir, les abus de force qui se commettent dans le monde, l'affaire du Tibet mérite-t-elle de tels débordements, qui vont d'ailleurs beaucoup plus loin que ce que le dalaï-lama recommande ?

*     *

La défense des droits de l'homme est étrangement sélective. J'estimerais davantage les personnes qui manifestent pour le Tibet si elles manifestaient également, et avec plus de vigueur encore, pour défendre les droits de l'homme chez nous, en France, et chez nos alliés et amis les autres pays occidentaux.

Qui a manifesté pour défendre le droit des détenus, dans nos prisons, au respect de la personne humaine dont ils sont porteurs comme vous et moi ? Et, corrélativement, de défendre les droits des gardiens, à qui l'on demande de remplir une mission impossible ?

Qui se soucie de la surpopulation carcérale, des violences qui se commettent en prison, des passages à tabac dont les traces sont attribuées à la classique "chute dans l'escalier", des viols ? Honte pour nous ! Tout le monde s'en fiche. On fait comme s'il était normal que la prison ajoute, à la privation de la liberté de mouvement, l'humiliation et la perte du respect humain.

Qui parmi nous a manifesté pour protester contre un président des Etats-Unis qui s'entête à autoriser, à ordonner la pratique de la torture alors même que ses généraux la disent inefficace, contre-productive, dangereuse, et qu'elle introduit dans la société américaine un poison insidieux, ce même poison qu'avait inoculé chez nous la torture pratiquée par notre armée en Algérie ? (voir « The Torture Sessions », éditorial du New York Times, 20 avril 2008).

Nous violons les droits de l'homme dans nos prisons, nous faisons ami-ami avec un tortionnaire. N'y a-t-il pas là de quoi manifester, et ne serait-ce pas plus important que de tenter de faire la leçon aux Chinois ?

*     *

Nous sommes gouvernés à coup d'émotions et de bons sentiments. « Hommage aux victimes » : cette expression résume le programme. Qu'un gendarme se tue accidentellement quelque part, qu'une personne soit prise en otage, et les ministres, le président, arrivent ventre à terre avec des mines de circonstance, suivis de près par les psychologues de service.

Il n'est pas question bien sûr de nier les souffrances de ces personnes ni celles de leur famille, de leur refuser la compassion ; mais est-ce ainsi qu'il convient de gouverner ? Ne devraient-ils pas, les gouvernants, s'occuper des affaires du pays plutôt que de cultiver à plaisir nos émotions et notre sentimentalisme ? Ne devraient-il pas avoir plus de pudeur, le respect ne va-t-il pas avec la discrétion ?

Leurs annonces fracassantes sont d'ailleurs souvent suivies d'un recul discret. Notre président devait, tel Zorro lui-même, tout réformer ! On allait voir ce qu'on allait voir. Ça a fait Pchit....

Donc l'épopée échoue avant qu'elle commence !
Annibal a pris un calmant.

Décidément, il faut relire Les châtiments : Victor Hugo est devenu un auteur d'actualité.

*     *

Comme il est facile, confortable, de s'indigner contre la Chine ! Elle est loin, elle est immense et mystérieuse, nous n'y comprenons rien : alors nous purgeons contre elle nos inquiétudes vagues, et nous lui faisons payer aussi un essor économique dans lequel nous voyons une menace et dont nous sommes jaloux. "La Chine m'inquiète", disait la duchesse de Guermantes : cette phrase vous fait passer pour quelqu'un de profond.

Ce vacarme, nous le faisons encore une fois contre les recommandations, contre les demandes instantes du dalaï-lama dont on peut pourtant penser qu'il connaît le Tibet mieux que nous.

Il connaît la Chine, aussi, et sait ce que nous devrions savoir : qu'il ne convient pas, lorsqu'on estime ne pas être d'accord avec elle, de tenter de l'humilier. C'est le sûr moyen de provoquer un réflexe nationaliste, de resserrer la population autour de ses dirigeants, et c'est donc le plus grand cadeau que l'on puisse faire à ces derniers. Rappelons-nous que la destruction des villes allemandes par des bombardiers a été le plus grand cadeau que les alliés pouvaient faire à Hitler.