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Compétences de la MOA en informatique

27 juillet 2002

(voir "Repères essentiels pour la maîtrise d’ouvrage ")

Le MOAD doit être pour la MOE un bon client, un client compétent. Il doit lui parler un langage qu’elle comprend et comprendre ce qu’elle lui dit. Il doit avoir des connaissances en informatique, sans pour autant avoir la prétention d'être un informaticien car il ne lui revient ni de définir des solutions, ni d'écrire des programmes.

Il faut donc que le MOAD en sache en informatique ni trop, ni trop peu. La frontière de ses connaissances n’est pas facile à situer. Utilisons une analogie pour éclairer la réflexion. Celui qui veut une automobile serait incapable de la concevoir ou de la construire, mais il utilise avec le vendeur les termes du métier (« puissance du moteur », « qualité », « freins ABS » etc.) pour dire ce qu’il souhaite et sélectionner les options (« climatisation », « teinte des vitres » etc. ). La qualité finale du choix résulte de la qualité de la coopération entre client et vendeur. De même, la réussite du système d’information résulte de la qualité de la coopération entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre. Cette coopération est d'ailleurs plus riche que celle que l'on a avec un vendeur de voitures car les choix possibles pour définir le système d'information sont plus divers. 

On doit distinguer deux phases dans cette coopération : 
- le dialogue : il doit être aussi riche et détendu que possible. Chacun est libre de donner son avis sur les questions qui relèvent de la responsabilité de l'autre ; 
- la décision : chacun tranche dans son domaine propre en s'interdisant d'empiéter sur les responsabilités de l'autre. 

Il serait bien dommage d'interdire à un CP MOE, qui connaît bien le métier pour lequel il travaille depuis des années, de faire des suggestions lors de la définition des fonctionnalités. Il serait de même inefficace d'interdire à un MOAD qui utilise l'informatique depuis des années de faire des suggestions sur la solution informatique. Mais la discussion sera d'autant plus libre, d'autant plus détendue, qu'il sera bien entendu que chacun, in fine, détient le pouvoir de décision légitime dans son domaine de responsabilité propre. Certains des problèmes que doit traiter le CP MOE, comme les spécifications techniques ou les contraintes relatives à la plate-forme technique elle-même, ne présentent d'ailleurs aucun intérêt pour le MOAD. Ajoutons toutefois que la MOA, cliente de l'informatique, a le devoir de refuser toute solution qui lui semblerait trop coûteuse, trop risquée, trop longue à réaliser ou incorrecte au plan fonctionnel. 

Pour que l’entreprise soit compétitive il faut qu’elle tire le meilleur parti les possibilités qu’apporte l’informatique. En modifiant le slogan de mai 68 [8], on peut dire aux MOAD « Soyez réalistes, demandez tout le possible et rien que le possible ».

Couches de la plate-forme

Nous allons parcourir du bas en haut les diverses couches que comporte la plate-forme technique d’un SI. Nous proposerons une liste (à discuter !) de ce que doit savoir un MOAD en matière d’informatique. Chemin faisant, nous fournissons des liens vers d'autres pages du site qui contiennent des informations plus détaillées, ou vers des protocoles ou produits du marché indiqués à titre d'exemple. 

1) Équipement physique et systèmes d'exploitation

Poste de travail

Le poste de travail est souvent considéré comme un sujet trop modeste pour retenir l’attention des responsables, mais c'est une erreur. Dans les entreprises, le PC en réseau est l'outil quotidien de chacun. Il permet d’accéder au SI, de le consulter, d’y saisir des informations et de lancer les traitements. Son achat, son installation, son entretien et le support à l’utilisateur représentent souvent plus de la moitié du budget informatique. Il mérite donc qu’on lui consacre beaucoup d’attention. Le MOAD doit bien connaître le PC en réseau et son système d’exploitation (Windows est le plus courant, mais il va falloir aussi considérer Linux). 

Réseau

Le MOAD doit connaître le protocole du réseau local (Ethernet, FDDI), les protocoles utilisés dans le WAN (« wide access network ») qui relie le réseau local au reste de l’entreprise (TCP/IP, X25, frame relay, ATM etc.), ainsi que la diversité des accès au réseau dont dispose un établissement (RTC, RNIS, liaisons louées, ADSL etc.) Les options en matière de réseau (débit disponible, gestion des priorités, sécurité) ont des incidences sur la qualité du service.

Serveurs

Le MOAD doit savoir comment se répartissent les tâches entre le poste de travail, le serveur local et les serveurs centraux (Mainframes, serveurs Unix et Wintel, « proxys »).

2) Infrastructure de base

Services du poste de travail

L’utilisateur dispose sur son poste de travail d’une panoplie d’outils bureautiques (traitement de texte, tableur, logiciel graphique) ou de bureautique communicante (messagerie, agenda partagé, documentation électronique, workflows, forums) qui s’ajoutent à ses accès aux applications centrales. Il faut s’assurer que l'utilisateur a les compétences nécessaires pour tirer parti de ces fonctionnalités : il ne sert à rien de mettre une telle panoplie à sa disposition s’il n’a pas reçu la formation qui lui permet de l’utiliser.

Services communs

L’infrastructure du SI fournit des services qui outillent toutes les applications : annuaire, SGBD, impression. Les annuaires contiennent les identifiants (de l’organisation, des personnes, des équipements) et une sélection d’attributs qui les décrit. L’annuaire des personnes est utilisé pour la messagerie, la téléphonie, et fournit les profils nécessaires à l’habilitation.  Les SGBD (Oracle, SQL Server de Microsoft, Informix d'IBM etc.) assurent le classement et la mise à disposition des données. Les services d’impression sont répartis entre l’impression locale (courrier ordinaire) et des services d’impression centrale (courrier de masse). La qualité des services d'impression est un point faible dans certaines entreprises.  

3) Infrastructure de communication

L'infrastructure de communication réalise les échanges de données entre les composants et assure l'interopérabilité des SI d'entreprises différentes (architectures d'entreprise étendue). Elle doit donc traiter des problèmes d'ordre physique et logique. 

1) Le message émis par un composant doit être routé vers le composant destinataire. On peut utiliser des brokers de message pour gérer les tables d'adressage, ce qui simplifie d'autant la définition des composants (Orbix de Iona, WebLogic de BEA) .

2) lorsque le codage des données n'est pas le même dans deux applications, il faut un transcodage pour les faire communiquer ; celui-ci peut impliquer une perte de qualité des données. Le transcodage automatique est alors approximatif et il faut un traitement manuel des cas douteux.

3) synchronisme : la chronologie des données dépend de la cadence de mise à jour : on ne peut pas faire communiquer sans précautions des applications non synchronisées. En allant plus rapide au moins rapide, et donc du plus coûteux au moins coûteux, on distingue la communication en mode transactionnel (Tuxedo de BEA ; communication immédiate), en mode message (MQSeries d'iBM ; rapide, mais soumise à l'aléa des files d'attente) et en batch (traitement différé au soir ou au week end).

4) volumétrie : la solution dépend du volume à échanger. Si le canal est trop étroit, les files d'attente débordent et des messages sont perdus.

5) traitement des rejets : les messages que l'interface entre deux applications refuse doivent être traités, le plus souvent de façon semi-automatique.

6) concurrence : lorsque plusieurs personnes ont accès en même temps au même dossier, il faut faire en sorte que leurs actions n'entrent pas en conflit. 

4) Infrastructure applicative

Services d'application Java

Les industriels du logiciel offrent des plates-formes de développement et d'exploitation (Orbix de Iona, WebLogic de BEA) qui facilitent la mise en place, l'administration et l'exploitation des composants, et qui assurent aussi certaines des fonctions de l'infrastructure de communication évoquées ci-dessus.  

Services spécialisés

Des outils de "groupware" (Lotus Notes, Microsoft Exchange) permettent de configurer la documentation électronique, de gérer les droits des utilisateurs, de configurer de petits workflows (masques de saisie et d'interrogation, traçabilité), d'outiller la messagerie en outils de classement, tri, filtres, etc, et permettent la rédaction coopérative ainsi que la dissémination sélective. Des outils spécialisés (W4) permettent de réaliser des workflows plus complexes. 

Systèmes d’aide à la décision

Le système informatique d'aide à la décision (SIAD) est la fine pointe du SI ; il utilise des outils de "datawarehouse" comme SAS (regroupement et classement de données synthétiques) et, plus rarement, de "datamining" (recherche des données détaillées explicatives des données synthétiques). 

5) Génie logiciel 

Le MOAD doit connaître et utiliser les outils de modélisation UML (AllFusion Component Modeler de Computer Associates [9], Power AMC 9.0 de Sybase etc.). La présentation des modèles à des fins de validation par les MOAS s'appuiera utilement sur des outils de visualisation et médiatisation (Sicom de Nomia). 

Il faut aussi, même s’il ne développe pas lui-même, qu’il connaisse les outils utilisés pour la réalisation des produits (comme PowerBuilder de Sybase ou Progress AppModeller), les générateurs de code, ainsi que les outils de test et d’intégration.

6) Applications métier

Nous avons traité ce point important en parlant de gestion du portefeuille applicatif, de conduite de projet, d’urbanisme etc. Précisons que le MOAD doit connaître l’offre de progiciels, qu’il s’agisse de progiciels généraux (ERP) ou de progiciels spécialisés dans son domaine (gestion de ressources humaines, gestion des achats et des stocks, comptabilité, gestion de la relation clientèle, etc.), afin de distinguer ce qui doit être fait de façon spécifique de ce que l’on peut confier à un progiciel.

7) Infrastructure d'administration

Pour administrer le SI, la direction informatique doit être équipée d’outils qui lui permettent d’assurer la qualité du service et qui facilitent les mises à jour : inventaire, supervision, télédistribution, support aux utilisateurs. Ces outils conditionnent la qualité du service rendu à l’utilisateur ; il faut que le MOAD les connaisse et soutienne à l’occasion les demandes budgétaires de l’informatique.

L'inventaire permet à l'informatique de bien connaître la plate-forme. L’inventaire des machines (serveurs, équipements du réseau, poste de travail) doit être tenu à jour, ainsi que celui des logiciels installés sur chaque machine. Ce n’est pas une mince affaire surtout si l’utilisateur peut charger des applications personnelles sur son poste de travail. La discipline dans la répartition des rôles entre le serveur (central ou local) et le poste de travail permet de contenir les tendances anarchiques.

Il est important que la qualité du service soit garantie du serveur central jusqu’au poste de travail de l’utilisateur[10]. La supervision est, comme une tour de contrôle, le lieu où arrivent les informations et alarmes sur le fonctionnement des réseaux et des machines ; les superviseurs sont équipés d’outils permettant de reconfigurer le réseau ou de déclencher des interventions rapides sur le terrain. 

La mise à jour des versions logicielles sur les serveurs locaux et les postes de travail, le chargement de nouveaux logiciels, peuvent se faire « à la main » localement mais cela prend du temps et pendant le délai de mise à jour l’entreprise doit faire fonctionner en parallèle des versions différentes. La télédistribution des logiciels permet d’effectuer les mises à jour via le réseau et de les synchroniser.

Le support aux utilisateurs recouvre l’installation des postes de travail et équipements périphériques (explications orales, règlement « à chaud » des questions de paramétrage et de connectique), le traitement des pannes (explication de l’origine de la panne, indication sur sa durée, intervention pour réparer), enfin l'aide patiente et bienveillante à l’utilisateur inexpert. Des personnes physiquement proches de l'utilisateur effectuent une assistance de premier niveau (on estime qu’il faut consacrer à cette assistance de 1 à 2 % des effectifs), puis vient l'aide en réseau fournie par des centres d’appel qualifiés, enfin pour les questions les plus pointues les centres d’appel mobilisent des experts nationaux ou des fournisseurs.

Sécurité des accès

Le SI met en réseau toute l’information de l’entreprise. Contrairement à une idée répandue, il ne convient pas qu’il soit « transparent ». La gestion de ressources humaines suppose que l’entreprise détienne, sur chacun des salariés, des informations qui ne regardent que le salarié lui-même et quelques personnes de la DRH (état-civil, diplômes, expérience professionnelle). La réflexion stratégique, qui se dépose dans des notes, rapports et comptes rendus, est confidentielle par nature. Le SI, outil puissant de classement et de recherche des données, permet la transparence : c’est pour cette raison qu’il faut l’équiper de moyens pour gérer la confidentialité, protéger les données qui n’ont pas à être connues de tous. La définition des fonctionnalités à retenir pour assurer la sécurité fait partie des tâches de la maîtrise d’ouvrage, qui doit donc connaître les concepts et outils essentiels.

Tout utilisateur qui accède au SI est identifié, l’identification est authentifiée, les habilitations sont calculées pour qu’il dispose des droits de lecture, écriture et traitement correspondant à ses fonctions. Ces tâches – identification, authentification, habilitation – sont réalisées à partir de la saisie d’un identifiant et d’un mot de passe, ou de la lecture d’une carte à mémoire jouant le rôle d’une clé, ou si nécessaire par des moyens plus rigoureux encore (examen du fond de l’œil, des empreintes digitales etc.) Il faut éviter que les exigences de la sécurité ne soient trop gênantes pour l’utilisateur. Dans certains SI mal conçus, l'utilisateur doit saisir identifiant et mot de passe chaque fois qu'il entre dans une application (parfois ils sont différents d’une application à l’autre) : le « single sign on » est un dispositif qui permet à l’utilisateur de disposer de l’ensemble de ses droits sans devoir s’identifier plusieurs fois.

La protection de la confidentialité de l’entreprise contre le monde extérieur passe par la construction de réseaux privés virtuels configurés sur le réseau public (RPV, en anglais VPN), dotés de « firewalls » et d’outils antivirus, et aussi par le chiffrement des documents et des messages avec un système à clé publique. Toute grande entreprise subit de la part des pirates des attaques dont le nombre et la virulence vont croissant : c’est là un risque important pour l’avenir des SI. Le MOAD doit donc être averti des questions de sécurité et des techniques disponibles. 

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[8] « Soyez réalistes, demandez l’impossible » serait un mauvais slogan pour le MOAD.

[9] Héritier du produit Paradigm Plus de Platinum.

[10] La responsabilité de l’informatique ne se limite pas au fonctionnement du serveur central. Il est arrivé qu’un arrêt de quatre minutes du serveur central provoque une panne de quatre heures pour l’utilisateur en raison des délais de remise en route des routeurs et serveurs locaux situés entre le poste de travail et le serveur central. Les techniciens qui s’enferment dans leur spécialité considèrent que seule la durée de l’arrêt du serveur central « a de l’importance ». Pourtant la durée de panne à retenir dans ce cas pour l’indicateur de qualité, c’est bien quatre heures et non quatre minutes.