Situation de la maîtrise d'ouvrage dans l'organisation
22 février 2003
(voir Servitude et
grandeur de la maîtrise d'ouvrage)
Chaque entreprise
a sa propre organisation et son propre vocabulaire. Nous décrivons ici
une organisation type en utilisant un vocabulaire qu'il faudra interpréter
selon le
langage de chaque entreprise.
Rappelons
que le « maître d’ouvrage » dont nous parlons ici s’appelle, en
toute rigueur, « maître d’ouvrage délégué » ou MOAD. Il
assiste le directeur, ou « maître d’ouvrage stratégique » (MOAS) du
SI du métier. Les spécialistes qui assurent la maîtrise d’ouvrage de chacun
des processus du métier sont les « maîtres d’ouvrage opérationnels »
(MOAO), qui sont en relation avec les utilisateurs.
Dans la direction informatique, l’interlocuteur du MOAD est le « responsable
de domaine » qui, à la direction des études, couvre l’ensemble des
« applications » du métier. Chaque application a pour responsable
un « chef de projet maîtrise d’œuvre » (CP MOE), interlocuteur
du MOAO. Enfin, la direction des études est placée sous la responsabilité du
« directeur informatique et télécoms » (DIT), interlocuteur des
MOAS au sein du Comité stratégique des SI (CSSI) que préside le DG.
(cette organisation est décrite dans Repères
essentiels pour la maîtrise d’ouvrage).
L’insertion du maître
d’ouvrage dans l’organisation dépend de la qualité des relations qu’il
entretient avec ses trois interlocuteurs immédiats : le MOAS ; les
MOAO ; le responsable de domaine à l’informatique (flèches rouges
dans le graphique).
Le maître d’ouvrage est
ainsi placé au nœud d’un réseau relationnel délicat.
Certains maîtres d’ouvrage se sont comportés à l’intérieur du métier
comme une « informatique bis » au mauvais sens du terme, imposant
aux MOAO des procédures tracassières, allongeant les délais de décision, créant
une situation de pouvoir et non une relation de service. Il en est résulté
des conflits qui ont conduit à supprimer ces maîtrises d’ouvrage, puis à
les créer de nouveau sous un autre nom (le terme « maître d’ouvrage »
étant désormais grillé) au prix de la confusion des missions et des idées.
Ces errements illustrent la nécessité d'une professionnalisation des maîtrises
d'ouvrage (voir Compétences de la maîtrise
d'ouvrage).
Nous évoquerons la relation
avec le MOAS dans Questions humaines. La relation avec
« l’informatique », représentée ici par le responsable de
domaine, doit être fondée sur le respect mutuel : chacun apporte une
contribution nécessaire à la qualité du SI. Chacun s'efforce de comprendre ce que l'autre veut lui dire,
accepte d'écouter ses avis ; mais
au moment où les décisions se prennent chacun doit décider dans son domaine de
responsabilité propre.
Cette coopération est parfois
compromise par une disposition bizarre, mais fréquente : l’affectation
du total du budget des projets à la direction informatique. Supposez que vous ayez emprunté
à la banque pour faire construire une maison mais que le financement des
travaux ne passe pas entre vos mains, la banque payant directement
l’entrepreneur. Si en cours de
chantier vous estimez devoir bloquer les paiements, vous devrez passer par la banque et apporter,
dans un débat contradictoire, la preuve de l’inadéquation des travaux au
cahier des charges, de leur mauvaise qualité etc. Dans le rapport entre le
client et l’entrepreneur, cette procédure favorise celui-ci car elle
contraint le client à expliquer à un tiers pourquoi il n’est pas satisfait ;
elle incite le client à se soumettre aux exigences, aux habitudes, voire aux
caprices de l’entrepreneur.
Personne, sans doute, n’accepterait de faire
construire une maison dans de telles conditions. Mais c’est souvent ainsi que
sont construits les SI des métiers : lorsque le CSSI a choisi la liste des projets à réaliser, une enveloppe budgétaire est attribuée à
l’informatique. Elle ne peut pas être remise en question par les éventuels conflits entre le métier et l’informatique
lors de la réalisation. Les métiers
sont alors privés de l’arme la plus naturelle du client : le refus de
payer une livraison non conforme.
Certaines entreprises parmi les
plus avancées en matière de SI ont confié aux maîtrises d'ouvrage la
responsabilité du budget
informatique (coût des projets, et aussi coût d’exploitation et de maintenance).
Elles autorisent par ailleurs les maîtrises d'ouvrage à mettre la direction de
l’informatique en concurrence avec des prestataires extérieurs.
L’informatisation du métier est ainsi mise en balance avec d’autres types
d’investissement, ce qui incite à la sobriété. Mais cela suppose que la maîtrise
d’ouvrage ait des compétences, une autorité que peu d'entreprises lui
attribuent.
- * *
- Les SI des divers métiers
sont autant de parties du SI de l’entreprise ; certains des éléments
de ce dernier doivent être définis au niveau de l’entreprise elle-même,
car ils conditionnent l’efficacité d’ensemble en organisant ou
facilitant les échanges entre les métiers (référentiels,
administration des données notamment).
- *
*
- Il arrive enfin –
c’est une banalité que de le rappeler – que les progrès du SI
impliquent une transformation de l’organisation en place, du partage des
missions et des responsabilités entre directions. Alors
l’organisation résiste. On dit souvent qu’il faut une
« conduite du changement » pour faire accepter par les
utilisateurs les nouveautés que le SI leur apporte : en effet ils
auront souvent besoin d’une formation. Mais dans bien des cas il faudrait plutôt
un
« changement de la conduite », un changement du mode de
direction et d’animation ainsi que de la répartition des pouvoirs entre dirigeants. L’expérience montre que ce changement-là est
le plus difficile à obtenir.
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