Un système
d’information mûr
6 novembre 2002
Le système d’information de
certaines entreprises est enfin arrivé à maturité. Pour cela, il a fallu se
battre, surmonter des obstacles, modifier l’organisation, faire accepter de
nouvelles valeurs et de nouvelles compétences .
La lutte a été longue, mais
elle a porté ses fruits : le référentiel
est en bon état, les processus de
travail sont bien outillés, les composants sont modulaires (ce qui
facilite leur évolution), le « bus » qui les relie au sein du système
informatique
est bien maîtrisé, l’interopérabilité avec les partenaires fonctionne bien
,
des workflows équipent les procédures
administratives dont ils mettent en évidence la qualité, les divers médias
sont convenablement articulés ,
le système d’aide à la décision est en place, l’Intranet et l’Internet
sont entrés dans les mœurs. Le SI a été urbanisé.
Les utilisateurs
sont satisfaits ; ils trouvent tout cela aussi simple, aussi
naturel que l’air qu’ils respirent.
A partir d’un certain stade,
cela ne vaut plus la peine de lancer de nouveaux grands projets : leur
apport serait inférieur au coût des perturbations qu’ils provoquent .
Il faut donner la priorité à la bonne utilisation du SI existant. Alors les
pionniers s’ennuient. Peut-être faut-il une relève : les hommes qui
savent faire fonctionner le système existant n’ont pas le même caractère
que ceux qui ont lutté pour « changer le monde ».
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- Que reste-t-il à faire quand le SI est mûr ?
Il faut d’abord le faire
vivre, l’utiliser ; cela suppose de former les nouvelles recrues,
d’animer les « bons usages », d’administrer les droits d’accès,
d’administrer aussi les processus pour conforter la qualité de
l’entreprise.
Puis il faut faire en sorte que
le SI se maintienne au niveau de l’état de l’art. Or celui-ci évolue, tant
du point de vue fonctionnel que du point de vue technique. La veille
technologique, réalisée par la direction informatique, doit permettre de
s’assurer que l’entreprise utilise bien les possibilités offertes par les
NTIC ;
la « veille SI », réalisée par les maîtrises d’ouvrage, permet
de voir la façon dont les entreprises comparables utilisent leur SI.
Il faut aussi surveiller deux
frontières, et éventuellement les réviser :
-
la frontière qui sépare la part du SI confiée à un ERP et celle qui
est programmée « en spécifique » : elle change en raison de
l’évolution des ERP ;
-
la frontière entre la part du système informatique exploitée en
interne et celle qui est externalisée : elle change en raison de l’évolution
de l’offre d’hébergement.
Ensuite il faut adapter le SI
aux évolutions de l’entreprise et du marché sur lequel elle intervient :
produits nouveaux, nouvelles clientèles, nouveaux procédés de production et
de commercialisation, nouveaux partenaires.
Ainsi, même si le flux des
projets nouveaux est faible il n’est pas entièrement tari.
On doit enfin se soucier de
minimiser le coût du SI, souci toujours présent mais qui avait pu passer au
second plan pendant la mise en place. Il est temps de l’industrialiser. Les
projets étant désormais moins nombreux, la dépense porte essentiellement sur
l’exploitation et la maintenance.
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- Pourquoi les SI de nos entreprises ne sont-ils
pas mûrs ? parce que généralement elles ne distinguent pas bien le
gros œuvre de la finition. Le gros oeuvre fonde la solidité du système
(par analogie avec un immeuble : fondations et murs porteurs solides,
connexions bien dimensionnées aux divers réseaux), la finition permet de
rendre des services utiles (les fenêtres ferment bien, les peintures sont
de bonne qualité, les tapisseries sont jolies). Sans gros œuvre, le SI
reste fragile et incohérent ; ce n’est pas un système mais
un machin, même s'il est chatoyant.
Certaines entreprises s’intéressent
davantage aux projets en cours, à leurs épisodes glorieux ou conflictuels, aux
« paillettes », qu’à la solidité du gros œuvre dont les
avantages ne peuvent apparaître qu’à moyen terme. Celui qui entend
s’occuper du gros œuvre s’attirant des ennuis, les vocations sont
rares.
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- Les entreprises parvenues les premières à la
maturité du SI bénéficient d’un avantage concurrentiel : plus
productives, plus souples, elles savent faire évoluer leur positionnement
et tirer parti des partenariats. Cela leur procure un profit supérieur à
la norme que la concurrence instaure dans leur secteur d’activité.
Lorsque les entreprises auront
toutes mûri leur SI, lorsqu’elles maîtriseront toutes la façon dont il
concrétise et outille leur langage et leurs processus de travail, le SI sera
devenu une composante du capital productif comme les autres. L’avantage concurrentiel disparaîtra ;
ce sont les consommateurs qui bénéficieront
du gain d’efficacité apporté par le SI sous la forme d’une hausse du
rapport qualité/prix.
La maturation du rôle du SI
sera la grande affaire économique du XXIème siècle. La modification des
valeurs, priorités et organisations qu’elle implique demandera quelques décennies,
de même qu’il a fallu des décennies pour que les entreprises sachent
utiliser l’énergie d’origine fossile et l’électricité .
Les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui, les obstacles étonnants
opposés à des mesures peu coûteuses et de simple bon sens (comme la mise en
place des workflows) donnent la mesure des
changements que le SI provoque ou nécessite.
C’est pourquoi il est intéressant
d’observer dès aujourd’hui les SI mûrs, qui ne le sont d’ailleurs
souvent qu’en partie : ils nous permettent de concevoir ce que seront les
entreprises et l’économie de demain.
- Alors que j’étais
responsable de la maîtrise d’ouvrage dans une grande entreprise,
j’ai eu un échange révélateur avec le directeur informatique et télécoms :
- DIT : « Quel est ton but ? »
- MV : « Faire en sorte que le
SI équipe convenablement les métiers, que l’entreprise soit efficace »
-
DIT : « Holà, tu veux donc changer le monde ! »
- MV : « En quelque sorte oui,
modestement ; quel autre but peut-on poursuivre ? »
- DIT : « Mon but à moi, c'est
de faire du
business ».
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