Pour le dialogue entre sémantique et architecture
18 février 2007
(Chronique pour le numéro d’avril-mai 2007 de 01-DSI)
Les tâches de l’informatique étaient relativement simples lorsqu’il s’agissait de produire des états périodiques (paie, comptabilité etc.). Elles sont devenues difficiles depuis qu’on a, pour outiller les processus, articulé le travail humain à l’automate : cela a fait de l’informatique un des acteurs de la production et de la relation multimédia avec les clients, fournisseurs et partenaires.
L’activité productive s’est alors associée à une opération documentaire qui la prépare, l’assiste et la contrôle ; l’entreprise s’est entourée d’une « doublure informationnelle ». A tout être de l’organisation, à toute opération, à tout produit, le SI associe une représentation soumise à des traitements automatiques et que l’être humain construit, consulte, enrichit, modifie, commente, partage.
A l’alliage « humain – automate » s’associe, dans le produit, l’alliage « bien – service » : le client qui achète un bien physique achète aussi le conseil d’un vendeur, des alertes, une garantie, un entretien périodique, une assurance etc. Il en résulte un type nouveau d’entreprise : nous le qualifierons de « quaternaire » (Michèle Debonneuil, L'espoir économique, Bourin 2007 ; voir L'émergence d'un alliage).
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L’évolution que cela implique pour l’organisation, les produits, les relations avec les clients, fournisseurs et partenaires pose des problèmes institutionnels et intellectuels auxquels seule peut répondre cette pratique de l’abstraction qui est familière aux informaticiens mais que l’entreprise comprend mal et juge rarement légitime.
Elle entraîne aussi une croissance du volume des bases de données, du dimensionnement des réseaux, des performances exigées. L’architecture a dû assimiler des solutions complexes alors même que la diffusion des micro-ordinateurs et du Web répandait dans la population (et les comités de direction) la conviction fallacieuse que l’informatique, au fond, c’est tout simple.
Le DSI d’une grosse PME m’a dit : « j’ai mis
en place un référentiel et tout est devenu simple » (voir
Construction
d'un référentiel). C’est que la plupart des
difficultés proviennent d’identifiants mal définis, de codages désordonnés, de
tenues à jour déficientes ; puis on demande à l’architecture informatique de
compenser le bruit sémantique, tâche onéreuse et en toute rigueur impossible.
La plupart des échecs des SI sont causés par les défauts de la sémantique
(voir
Mais à un DSI qui évoquait le besoin d’un alignement stratégique du SI, son DG répondit « ce qui importe, c’est que l’informatique fonctionne vite et ne coûte pas cher ». C’est ce que pensent ceux qui aiment à dire « il n’y a qu’à » (tout outsourcer, tout faire programmer en Inde, installer un ERP et/ou un EAI, recourir aux Web Services, passer au logiciel libre etc.).
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L’entreprise industrielle était propulsée par une dialectique entre le commercial et la production, dont le DG arbitrait les conflits. Dans l’entreprise quaternaire la dialectique principale est celle qui associe l’informaticien, maître de la plate-forme technique (conception des solutions d’architecture, développement des applications, dimensionnement des ressources, fonctionnement quotidien, services), au sémanticien qui structure le langage des processus et des métiers (alignement stratégique et urbanisation du SI, modélisation des processus, construction du référentiel, administration des données, ingénierie des exigences). Il s’agit de deux couches distinctes de l’organisation.
Dans les grandes entreprises il convient donc de donner un contenu nouveau aux expressions « maître d’œuvre » et « maître d’ouvrage », cette dernière devant se professionnaliser et acquérir la pratique de l’abstraction pour pouvoir assurer la responsabilité de la sémantique (voir Méthodes de la maîtrise d'ouvrage).
Cette évolution rencontre les habitudes et structures en place : des métiers ne savent pas accueillir les compétences en maîtrise d’ouvrage, des DSI craignent de perdre pouvoir et prestige (voir La tentation du DSI). Si le DG n’a pas les idées claires ou manque d’énergie l’entreprise devra se contenter de compromis moyennement efficaces en espérant qu’il s’agit de solutions transitoires : certaines DSI ont ainsi monté en leur sein un service de maîtrise d’ouvrage alors que la place de celle-ci est dans les métiers ; d’autres, ayant « outsourcé » toute l’informatique (solution périlleuse), sont devenues ipso facto des maîtrises d’ouvrage sans que cela ne soit dit.
Ces compromis rendent souvent la vie impossible aux DSI. Il est facile pour un DG d’exiger que tel de ses collaborateurs soit à la fois un saint, un héros et un génie, mais c’est peu réaliste. Heureusement, l’institution « entreprise » est continuellement renouvelée par décès et naissances. Cela lui procure une évolutivité que n’ont pas d’autres institutions (l’éducation nationale, par exemple). Tous les espoirs sont donc permis, mais à terme.
http://www.volle.com/articles/semantique.htm
© Michel VOLLE, 2007
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