Commentaire sur :
Claude Allègre, Ma vérité sur la planète, Plon 2007
20 juillet 2007
Connaissez-vous la « la vergüenza ajena » ? Cet espagnol intraduisible (« la honte d’autrui » ne voudrait rien dire) désigne le malaise que l’on ressent en face de quelqu’un qui se tient mal.
J’ai subi, me pardonnera-t-on de le dire ? la « vergüenza ajena » en lisant ce livre où l'hypertrophie de la première personne du singulier se manifeste ingénument. Bien que je sois un lecteur endurant, il m'est tombé des mains à la page 120. Si l'on veut savoir ce qu'il en est du climat, mieux vaut lire L'avenir climatique et Le plein s'il vous plaît.
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« Ma vérité sur la planète », annonce Allègre sur la page de couverture – et pour que l’on sache bien que c’est SA vérité, le possessif « Ma » est imprimé en écriture manuscrite.
Le premier chapitre commence par un « Je » : « J’aime la Terre », dit-il ; suit le récit de sa vie. Il connaît la planète parce qu’il a beaucoup voyagé : dans le Sud marocain il a « dû manger du thon en conserve pendant cinq jours » (p. 14) ; il a « dormi dans le cratère d’un volcan en éruption » (sic, p. 14) ; il a rencontré des Tibétaines « très hardies dans leurs rapports avec les hommes » (p. 18). Bref : Allègre, c'est Superman.
De telles expériences l’autorisent à être
aussi péremptoire en ce qui concerne le climat qu’il ne le fut naguère en
physique à propos de la chute des corps (voir «
Allègre est d’ailleurs aussi vertueux que compétent : « Plein de principes éthiques que je croyais inviolables pour des scientifiques, je vis des collègues – qui étaient aussi des concurrents – utiliser la presse pour s’autopromouvoir, court-circuitant les travaux des autres équipes, en particulier européennes, qu’ils laissaient dans l’ombre » (p. 16). N’avons-nous pourtant jamais vu, entendu, lu Allègre se pavaner dans les médias ?
Que le changement climatique ne vous inquiète pas : Allègre est optimiste pour l’avenir de l’humanité. « Tant bien que mal, entre science, conscience et business, on arrive à conjurer les menaces » (p. 38) : c’est sans doute ainsi qu’ont raisonné les habitants de l’île de Pâques lorsqu’ils abattaient des arbres à tour de bras. Pour étayer cette conclusion, Allègre s’appuie sur des références douteuses : il n’a que louanges pour Yves Lenoir (p. 93 et 112), André Fourçans (p. 113) Bjorn Lomborg [1] (p. 60 et 113) et autres Richard Lindzen (p. 68 et 118).
Ces personnes – et Allègre lui-même – adoptent la posture du Héros qui, seul contre tous, proclame la Vérité face au monde. Mais il ne suffit pas de nier les conclusions auxquelles s’est ralliée la majorité des chercheurs pour avoir raison. N’est pas Galilée qui veut.
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Je souffre d’autant plus en lisant Allègre que je suis d’accord avec lui sur le point le plus important : je réprouve, comme il le fait, les slogans de la « décroissance » (p. 52) et milite pour la « croissance intelligente ». Rien n’est plus irritant que de voir la position que l’on croit juste saccagée par un vaniteux maladroit.
[1] Les liens mènent vers l’analyse de leurs ouvrages par Jean-Marc Jancovici, ingénieur consciencieux et loyal qu’Allègre, du haut de sa notoriété, a cru pouvoir détruire en quelques phrases dédaigneuses. Voir d'ailleurs le commentaire de Jean-Marc Jancovici sur Ma Vérité sur la Planète.
Pour lire un peu plus :
-
- Vers la croissance qualitative
-
A propos du "Parti de la décroissance"
-
L'avenir
climatique
- Le
plein s'il vous plaît
-
Commentaire de Jean-Marc Jancovici
http://www.volle.com/lectures/allegre.htm
© Michel VOLLE, 2007
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