José Bové, Yves Cochet, Nicolas
Hulot et Hubert Reeves viennent paraît-il de créer un « Parti de la décroissance ».
Ils entendent militer pour une « décroissance économique » qu’ils présentent
comme le seul moyen de faire reculer la consommation d’énergie d’origine
fossile, de sauver la planète en stoppant le réchauffement climatique.
Il n’est rien de pire que le
mélange des bonnes intentions et de faux raisonnements, et dès que l’on parle de
croissance, que ce soit pour la souhaiter ou pour la combattre, les faux
raisonnements abondent.
La croissance dont il s’agit
ici, c’est celle du PIB en volume, censé mesurer le bien-être moyen de la
population. Or l’évaluation du PIB repose sur un postulat : le bien-être serait
fonction croissante du volume de la consommation. Plus on se goinfre,
mieux on se sentirait.
Cependant en 1975 l’économie
des pays riches est entrée dans un nouveau « système technique » dans lequel ce
ne sera plus la quantité consommée qui détermine le bien-être, mais la
qualité de la consommation.
Pour décrire cette économie de la
qualité, les possibilités qu’elle offre et les problèmes qu’elle pose, j’ai
écrit des livres,
publié des articles,
et lorsque Jean-Marc Jancovici évoque la décroissance dans ses ouvrages
je le bombarde de messages pour lui suggérer de parler plutôt de croissance par
la qualité, de croissance intelligente.
Peine perdue. Seuls quelques
happy few tâchent de comprendre ce qu’ils lisent. Dans notre société
zappeuse ni l’écrit, ni la parole ne peuvent communiquer une réflexion : le
récepteur ne sait pas, ne peut pas concentrer son attention.
* *
Nous allons donc assister à
l’affrontement médiatique de deux thèses aussi stupides l’une que l’autre, ceux
qui défendent la croissance (du PIB) n’étant pas plus raisonnables que ceux qui
voudraient la décroissance (du PIB).
Aucun des deux camps ne voit
l’enjeu de la croissance intelligente, laquelle serait pourtant le plus sûr
moyen :
(1) de comprendre ce qui nous arrive et d’accroître notre bien-être, condition
nécessaire (quoique certes pas suffisante) du bonheur ;
(2) de réduire la consommation en énergie d’origine fossile ;
(3) d’offrir au monde, notamment à ceux des pays pauvres qui sont en train de
s’enrichir (Chine, Inde etc.), une autre perspective que celle, physiquement
intenable pour la planète, de la way of life gaspilleuse à l’américaine.
Il arrive souvent – dans la
société, dans l’entreprise comme dans la vie familiale – qu’on perçoive les
données d’un problème et qu’on en voie clairement la solution toute simple, mais
que personne ne veuille entendre celle-ci.
Quand l’interlocuteur est
sourd, l’éloquence est inutile. On éprouve alors une colère impuissante,
douloureuse, mais légitime. Comment puis-je faire, dites-le moi, pour que ces
gens consentent enfin à entendre ce que je dis et répète au risque de radoter ?
NB : voir, pour des compléments
et précisions utiles, le message d'Alain Grandjean.
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