A propos du « Parti de la décroissance »
31 juillet 2006
José Bové, Yves Cochet, Nicolas Hulot et Hubert Reeves viennent paraît-il de créer un « Parti de la décroissance »[1]. Ils entendent militer pour une « décroissance économique » qu’ils présentent comme le seul moyen de faire reculer la consommation d’énergie d’origine fossile, de sauver la planète en stoppant le réchauffement climatique.
Il n’est rien de pire que le mélange des bonnes intentions et de faux raisonnements, et dès que l’on parle de croissance, que ce soit pour la souhaiter ou pour la combattre, les faux raisonnements abondent.
La croissance dont il s’agit ici, c’est celle du PIB en volume, censé mesurer le bien-être moyen de la population. Or l’évaluation du PIB repose sur un postulat : le bien-être serait fonction croissante du volume de la consommation. Plus on se goinfre, mieux on se sentirait.
Cependant en 1975 l’économie des pays riches est entrée dans un nouveau « système technique » dans lequel ce ne sera plus la quantité consommée qui détermine le bien-être, mais la qualité de la consommation.
Pour décrire cette économie de la qualité, les possibilités qu’elle offre et les problèmes qu’elle pose, j’ai écrit des livres[2], publié des articles[3], et lorsque Jean-Marc Jancovici évoque la décroissance dans ses ouvrages[4] je le bombarde de messages pour lui suggérer de parler plutôt de croissance par la qualité, de croissance intelligente.
Peine perdue. Seuls quelques happy few tâchent de comprendre ce qu’ils lisent. Dans notre société zappeuse ni l’écrit, ni la parole ne peuvent communiquer une réflexion : le récepteur ne sait pas, ne peut pas concentrer son attention.
* *
Nous allons donc assister à l’affrontement médiatique de deux thèses aussi stupides l’une que l’autre, ceux qui défendent la croissance (du PIB) n’étant pas plus raisonnables que ceux qui voudraient la décroissance (du PIB).
Aucun des deux camps ne voit
l’enjeu de la croissance intelligente, laquelle serait pourtant le plus sûr
moyen :
(1) de comprendre ce qui nous arrive et d’accroître notre bien-être, condition
nécessaire (quoique certes pas suffisante) du bonheur ;
(2) de réduire la consommation en énergie d’origine fossile ;
(3) d’offrir au monde, notamment à ceux des pays pauvres qui sont en train de
s’enrichir (Chine, Inde etc.), une autre perspective que celle, physiquement
intenable pour la planète, de la way of life gaspilleuse à l’américaine.
Il arrive souvent – dans la société, dans l’entreprise comme dans la vie familiale – qu’on perçoive les données d’un problème et qu’on en voie clairement la solution toute simple, mais que personne ne veuille entendre celle-ci.
Quand l’interlocuteur est sourd, l’éloquence est inutile. On éprouve alors une colère impuissante, douloureuse, mais légitime. Comment puis-je faire, dites-le moi, pour que ces gens consentent enfin à entendre ce que je dis et répète au risque de radoter ?
NB : voir, pour des compléments et précisions utiles, le message d'Alain Grandjean.
[1] Pierre-Antoine Delhommais, « L’obscure lubie des objecteurs de croissance », Le Monde, 29 juillet 2006. Hubert Reeves a pris quelque distance par rapport au thème de la décroissance (Hubert Reeves, « Pour une vie meilleure », Le Monde 1er août 2006).
[2] e-conomie, Economica 2000, et De l'Informatique, Economica 2003.
Pour lire un peu plus :
-
e-conomie
-
De l'Informatique
-
Une histoire de la comptabilité nationale
-
Le plein s'il vous plaît
-
A
propos des indices
- Vers la croissance qualitative
-
L'usage des TIC dans les entreprises
- Une ressource
naturelle inépuisable
- Brève apologie de
l'économie de marché
- Message
d'Alain Grandjean
www.volle.com/opinion/decroissance.htm
© Michel VOLLE, 2006
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