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Commentaire sur :
Vincent Desportes, Décider dans l'incertitude, Economica 2007

10 mars 2009

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Pour lire un peu plus :

- L'Amérique en armes

-
L'utilité de la force
- La stratégie retrouvée
-
Fonctions dans la maîtrise d'ouvrage
Vincent Desportes avait, dans L'Amérique en Armes, analysé la doctrine d'action des Etats-Unis. Avec Décider dans l'incertitude, il propose une réflexion sur les conditions de l'action stratégique.

Le stratège, c'est celui qui sait, sous la pression de l'urgence, prendre une décision alors qu'il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires - et qu'il sait même que certains comptes rendus qui lui ont été rédigés dans l'intention de le tromper. Le stratège efficace, c'est celui dont les décisions sont judicieuses.

Desportes considère le métier des armes, dans lequel la doctrine d'action d'une nation s'exprime clairement. Mais ce qu'il dit sera utilement médité par les dirigeants d'entreprise et par leurs collaborateurs.

*     *

Il est très difficile en effet, pour ceux dont le travail est balisé par des consignes claires, de comprendre comment le stratège fonctionne. Notre formation professionnelle nous a préparés à résoudre des problèmes bien posés (ce ne sont au fond que des questions de cours), à accomplir des tâches auxquelles nous avons été préalablement formés, à appliquer des procédures bien définies.

Les maîtres d'ouvrage délégués, qui travaillent au carrefour entre les dirigeants, les opérationnels et les informaticiens, ressentent souvent de façon pénible l'écart entre le monde de la stratégie qui est celui du dirigeant qu'ils assistent, et le monde de l'action opérationnelle, balisée et répétitive. Il m'est arrivé de leur dire : "vous êtes placés à la charnière entre deux mondes différents. C'est inconfortable mais si vous comprenez comment fonctionne votre patron, cela vous ouvrira le chemin vers les fonctions stratégiques".

*     *

Pour prendre des décisions judicieuses dans un environnement incertain, pour avoir cette vertu stratégique suprême que l'on nomme "coup d'oeil", il faut un talent particulier, de l'entraînement et de l'expérience.

Vincent Desportes donne par ailleurs des indications précieuses, tirées de son expérience, et qui facilitent la mise en oeuvre de la stratégie. Décision claire, hiérarchie simple, délégation de responsabilité aux exécutants, mobilisation sans autoritarisme... Ces règles s'appliquent aussi bien à l'entreprise contemporaine qu'aux armées.

Il existe en effet à chaque époque un parallélisme étroit entre les conditions de l'action militaire et celles de l'entreprise. L'économie industrielle a connu l'armée industrielle, dévoreuse d'hommes organisés en grandes unités et soumis à une discipline mécanique. L'armée contemporaine, adaptée à des conflits dissymétriques (voir L'utilité de la force), envoie sur le terrain de petites unités auxquelles elle délègue un droit de décision et de grandes responsabilités.

Le stratège doit être alors un animateur qui énonce le but de guerre, et le partage avec les exécutants de sorte que ceux-ci, sur le terrain et à chaud, sachent se saisir des opportunités que présente l'imprévu, se protéger des dangers qu'il comporte, en faisant progresser leur camp vers le but visé.

Lorsque l'entreprise s'est organisée selon les processus de production, il est dans la plupart des cas nécessaire de déléguer des responsabilités et de pratiquer la subsidiarité, ce qui suppose d'accorder aux décisions des exécutants une légitimité que les organisations hiérarchiques leur refusaient.

Un animateur n'est pas un potentat, il ne réclame pas l'obéissance mécanique. Il fait en sorte que le but de guerre (ou la mission de l'entreprise) soit connu, compris, assimilé, de sorte que chacun puisse le servir avec toutes les ressources de son intelligence et de sa volonté.

Pour être un animateur il faut à la fois être ferme et souple, énergique et fin. Ce n'est pas facile. Beaucoup de dirigeants, beaucoup de généraux, préfèrent se comporter de façon autoritaire : ils croient que c'est leur droit et aussi leur devoir. Mais ce comportement-là ne répond ni aux conditions de la guerre contemporaine, ni à celles de l'entreprise contemporaine.