| Voici quelques mois une « affaire Clearstream 2 » a 
éclaté. La presse a publié des articles allusifs mettant en cause le premier 
ministre, mais sans apporter de preuve ni d’argument décisif. Voici le 
témoignage de celui qui avait révélé l’« affaire Clearstream 1 ». 
Les personnages défilent : Imad Lahoud, fragile et 
redoutablement compliqué, est l’arroseur arrosé. Jean-Louis Gergorin, mystérieux 
et machiavélique. Le général Rondot, en conservant des notes trop explicites, 
fait mentir sa réputation de « maître espion ». Renaud Van Ruymbeke, lancé dans 
une enquête pleine de pièges, prend des risques pour accéder à la connaissance 
des faits, puis à leur compréhension.  
La plupart d'entre eux vivent dans la peur. Ils 
touchent en effet à des affaires qui tournent autour du commerce des armes, 
cette malencontreuse spécialité française, qui occasionne des commissions et 
« rétrocommissions ». Les enjeux sont élevés. On dénombre plusieurs morts 
prématurées survenues dans des circonstances bizarres. Il y a de quoi vous 
rendre paranoïaque.  
*     * 
Lahoud, dit Robert, fait croire qu’il a réussi à pénétrer le 
système informatique de Clearstream alors qu’il ne fait qu’ajouter des noms 
dans un fichier Excel communiqué par un auditeur d’Andersen, Florian Bourges, 
qui avait travaillé pour cette entreprise.  Lahoud n’est pas 
informaticien, mais mathématicien : et il y a loin de la connaissance des maths, 
fût-elle approfondie, à celle des astuces qu’il faut connaître pour  être un 
hacker efficace.  Il faut dire que les politiques, les 
journalistes, les magistrats, qui sont des maîtres du langage naturel, sont 
désarmés devant le caractère conventionnel du langage de l’informatique : 
l’architecture des bases de données, leurs dénominations, les identifiants, le 
codage des attributs, tout cela sort de leurs habitudes  et derrière le mot 
« code », ils entrevoient des mystères… Dans le fichier que le « corbeau » a communiqué 
au juge, et que celui-ci montrera à Bourges, ce dernier retrouvera les quatre 
colonnes qu’il avait introduites pour réaliser des calculs intermédiaires et 
qui ne figuraient pas dans le fichier original de Clearstream : dès lors la 
manipulation est évidente.  Gergorin maintient qu’il y a du vrai dans le 
fichier, même manipulé. Il a peut-être raison car il est au courant de 
beaucoup de trafics et il se peut qu’il ait fait introduire dans le fichier, à 
côté de données fausses, d’autres qui sont l’image d’une réalité jusqu'alors cachée. On 
regrette que Denis Robert, qui a pris 50 pages de notes lors d’un entretien avec 
Gergorin, ne les ait pas reproduites in extenso. *     * La manipulation visait simultanément 
plusieurs cibles. D’abord, il s’agit de déconsidérer certaines des personnes 
qui, à l’intérieur d’EADS, luttent pour le pouvoir. Par la même occasion on 
tente de déconsidérer aussi Nicolas Sarkozy, selon la règle qui veut que l’on 
démolisse quiconque est en mesure d’ambitionner un « destin national ». Enfin, 
et pour faire nombre, on trouve dans le fichier truqué des personnes qui n’ont 
rien à voir avec EADS ni avec la politique.  Robert a joué plusieurs rôles dans 
cette affaire. C’est lui, d’abord, qui par ses ouvrages (Révélation$, 
puis La boîte noire) a attiré l’attention 
sur Clearstream. Lahoud fera ce qu’il faut pour le mettre en confiance et 
pouvoir ainsi accéder aux fameux fichiers.  Le timing est un élément 
essentiel de cette manipulation. Pour que le juge puisse établir que les 
fichiers ont été truqués, il lui faudra des commissions rogatoires 
internationales qui demandent toujours un long délai. Entre temps les fuites 
dans la presse auront fait leur œuvre, les cibles auront été déconsidérées et si 
l’affaire rate, Robert sera tout désigné pour apparaître comme le « corbeau ». Mais l’échafaudage s’effondre le 
jour où Bourges démontre à Van Ruymbeke que le fichier est un faux construit en 
imitant et déformant le vrai fichier. Dès lors ce sont les manipulateurs qui 
deviennent des cibles à la suite de la plainte déposée par Sarkozy. Robert parvient à 
prouver qu’il n’est pas le corbeau, mais il aura eu chaud. Les regards se 
dirigent vers Lahoud, Gergorin et, derrière eux, vers Dominique de Villepin et 
Jacques Chirac.  Ces derniers ont-ils participé au 
montage de la manipulation ? En ont-ils été dupes ? Lorsqu’ils ont compris que 
le fichier était un faux, ont-ils trouvé l’occasion trop bonne pour ne pas 
laisser la manipulation suivre son cours ? On sait bien que lorsque l’on 
approche le sommet du pouvoir, certains estiment tous les coups permis - à 
condition toutefois de ne pas se faire prendre. Le faussaire qui truque un fichier 
peut, avons-nous dit, y introduire des informations vraies à côté de celles qui 
sont fausses. De même le politique qui, dans le feu de la compétition, se 
comporte en « tueur », peut par ailleurs être mû par une conception élevée de 
ses devoirs envers le pays. Ignorer cela, ce serait ne pas avoir conscience de 
la complexité de la nature humaine.  Villepin a porté plainte en 
diffamation contre les auteurs et éditeurs de trois livres, dont celui de 
Robert. On trouve cependant ce dernier sur 
www.amazon.fr . Il a les mérites et l’intérêt d’un témoignage de première 
main, venant de celui qui ayant découvert l’affaire « Clearstream 1 », s’est 
retrouvé involontairement acteur et bien près de porter le chapeau de l’affaire 
« Clearstream 2 ».  |