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Denis Robert, Clearstream, l’enquête, Les Arènes / Julliard 2006

5 juillet 2006
 


Pour lire un peu plus :

-
Révélation$
- La boîte noire
- La domination du monde
-
La fronde

- Clearstream : de quelle affaire parle-t-on ?
Voici quelques mois une « affaire Clearstream 2 » a éclaté. La presse a publié des articles allusifs mettant en cause le premier ministre, mais sans apporter de preuve ni d’argument décisif. Voici le témoignage de celui qui avait révélé l’« affaire Clearstream 1 ».

Les personnages défilent : Imad Lahoud, fragile et redoutablement compliqué, est l’arroseur arrosé. Jean-Louis Gergorin, mystérieux et machiavélique. Le général Rondot, en conservant des notes trop explicites, fait mentir sa réputation de « maître espion ». Renaud Van Ruymbeke, lancé dans une enquête pleine de pièges, prend des risques pour accéder à la connaissance des faits, puis à leur compréhension.

La plupart d'entre eux vivent dans la peur. Ils touchent en effet à des affaires qui tournent autour du commerce des armes, cette malencontreuse spécialité française, qui occasionne des commissions et « rétrocommissions ». Les enjeux sont élevés. On dénombre plusieurs morts prématurées survenues dans des circonstances bizarres. Il y a de quoi vous rendre paranoïaque.

*     *

Lahoud, dit Robert, fait croire qu’il a réussi à pénétrer le système informatique de Clearstream alors qu’il ne fait qu’ajouter des noms dans un fichier Excel communiqué par un auditeur d’Andersen, Florian Bourges, qui avait travaillé pour cette entreprise. Lahoud n’est pas informaticien, mais mathématicien : et il y a loin de la connaissance des maths, fût-elle approfondie, à celle des astuces qu’il faut connaître pour être un hacker efficace.

Il faut dire que les politiques, les journalistes, les magistrats, qui sont des maîtres du langage naturel, sont désarmés devant le caractère conventionnel du langage de l’informatique : l’architecture des bases de données, leurs dénominations, les identifiants, le codage des attributs, tout cela sort de leurs habitudes et derrière le mot « code », ils entrevoient des mystères…

Dans le fichier que le « corbeau » a communiqué au juge, et que celui-ci montrera à Bourges, ce dernier retrouvera les quatre colonnes qu’il avait introduites pour réaliser des calculs intermédiaires et qui ne figuraient pas dans le fichier original de Clearstream : dès lors la manipulation est évidente.

Gergorin maintient qu’il y a du vrai dans le fichier, même manipulé. Il a peut-être raison car il est au courant de beaucoup de trafics et il se peut qu’il ait fait introduire dans le fichier, à côté de données fausses, d’autres qui sont l’image d’une réalité jusqu'alors cachée. On regrette que Denis Robert, qui a pris 50 pages de notes lors d’un entretien avec Gergorin, ne les ait pas reproduites in extenso.

*     *

La manipulation visait simultanément plusieurs cibles. D’abord, il s’agit de déconsidérer certaines des personnes qui, à l’intérieur d’EADS, luttent pour le pouvoir. Par la même occasion on tente de déconsidérer aussi Nicolas Sarkozy, selon la règle qui veut que l’on démolisse quiconque est en mesure d’ambitionner un « destin national ». Enfin, et pour faire nombre, on trouve dans le fichier truqué des personnes qui n’ont rien à voir avec EADS ni avec la politique.

Robert a joué plusieurs rôles dans cette affaire. C’est lui, d’abord, qui par ses ouvrages (Révélation$, puis La boîte noire) a attiré l’attention sur Clearstream. Lahoud fera ce qu’il faut pour le mettre en confiance et pouvoir ainsi accéder aux fameux fichiers.

Le timing est un élément essentiel de cette manipulation. Pour que le juge puisse établir que les fichiers ont été truqués, il lui faudra des commissions rogatoires internationales qui demandent toujours un long délai. Entre temps les fuites dans la presse auront fait leur œuvre, les cibles auront été déconsidérées et si l’affaire rate, Robert sera tout désigné pour apparaître comme le « corbeau ».

Mais l’échafaudage s’effondre le jour où Bourges démontre à Van Ruymbeke que le fichier est un faux construit en imitant et déformant le vrai fichier. Dès lors ce sont les manipulateurs qui deviennent des cibles à la suite de la plainte déposée par Sarkozy. Robert parvient à prouver qu’il n’est pas le corbeau, mais il aura eu chaud. Les regards se dirigent vers Lahoud, Gergorin et, derrière eux, vers Dominique de Villepin et Jacques Chirac.

Ces derniers ont-ils participé au montage de la manipulation ? En ont-ils été dupes ? Lorsqu’ils ont compris que le fichier était un faux, ont-ils trouvé l’occasion trop bonne pour ne pas laisser la manipulation suivre son cours ? On sait bien que lorsque l’on approche le sommet du pouvoir, certains estiment tous les coups permis - à condition toutefois de ne pas se faire prendre.

Le faussaire qui truque un fichier peut, avons-nous dit, y introduire des informations vraies à côté de celles qui sont fausses. De même le politique qui, dans le feu de la compétition, se comporte en « tueur », peut par ailleurs être mû par une conception élevée de ses devoirs envers le pays. Ignorer cela, ce serait ne pas avoir conscience de la complexité de la nature humaine.

Villepin a porté plainte en diffamation contre les auteurs et éditeurs de trois livres, dont celui de Robert. On trouve cependant ce dernier sur www.amazon.fr . Il a les mérites et l’intérêt d’un témoignage de première main, venant de celui qui ayant découvert l’affaire « Clearstream 1 », s’est retrouvé involontairement acteur et bien près de porter le chapeau de l’affaire « Clearstream 2 ».