Clés culturelles de la
nouvelle économie
12 juin 2001
(texte publié sur www.amipublic.com)
(Un complément
nécessaire à cette fiche se trouve dans "Au carrefour")
L’" économie
nouvelle " ne concerne pas seulement l’appareil productif ;
elle a des dimensions sociologiques à travers son effet sur l’emploi et, plus
largement, sur les modes de vie. Elle invite à une réflexion sur les
" valeurs ", c’est-à-dire sur les orientations
structurantes qui servent de repères à la fois pour la société dans son
ensemble, pour la culture, et pour chaque personne.
L’économie nouvelle apporte en
effet davantage de prospérité encore aux pays les plus riches. Ces pays sont
désormais en mesure d’offrir à l’ensemble de leur population le niveau de
vie confortable de la classe moyenne. Du coup, nous sommes confrontés à un
choix de valeurs. Quelle société voulons nous ? Attachons-nous du prix à
la cohésion sociale, voulons-nous réduire les phénomènes d’exclusion,
pensons-nous qu’il faut mettre en valeur l’ensemble des ressources humaines
potentielles ? ou bien adhérons-nous au modèle élitiste de la société
duale, qui ressuscite une aristocratie de la richesse au sein des pays
démocratiques, seul un petit nombre de personnes qualifiées jouant
véritablement un rôle économique ? au niveau géopolitique, choisirons-nous de maintenir les écarts entre pays riches et pauvres, ou bien accepterons-nous une revalorisation des matières premières et des produits agricoles,
première étape de la relance économique des pays pauvres ? aurons-nous
enfin le souci de laisser aux générations futures une planète en bonne santé
écologique, ou bien leur laisserons-nous le travail de remettre l’environnement
d’aplomb ?
Les " contraintes
économiques " ne déterminent pas à elles seules la réponse à ces
questions. Il nous revient de choisir le monde dans lequel nous voulons vivre
et que nous voulons léguer aux générations suivantes. Le prétendu
" réalisme " économique de la société duale, de la
prédation des pays pauvres, du saccage de la nature, est porteur de gaspillages
et de risques politiques qui compromettent à terme l’efficacité
économique elle-même et sont donc de nature à anéantir les apports de l’économie
nouvelle.
Pour s’y retrouver, nous
proposons de prendre trois notions comme clés culturelles de l’économie
nouvelle : sobriété,
respect, sagesse.
Sobriété :
le XXème siècle a enrichi les populations des pays industrialisés
et fortement modifié les modes de vie. Cette
évolution a fait de nous des " nouveaux riches ", des
consommateurs inexpérimentés désireux d’affirmer leur bien être de façon
visible. Nous avons aimé les voitures voyantes et rapides, nous avons
"mité" la périphérie de nos villes par des
constructions désordonnées, nous avons pollué l’atmosphère, nous nous sommes
goinfrés d’aliments malsains et gavés de tourisme.
Maintenant que nous avons purgé la peur de manquer
héritée de siècles de pénurie, nous pouvons accéder à la maturité
économique : doser notre consommation avec discernement, préserver ou améliorer nos villes et
la nature qui sont le cadre de vie
des
générations futures.
L’économie nouvelle
apporte la diversification des biens, qu’il s’agisse de logement,
vêtement, alimentation, culture, voyage, etc. Le
bien-être s'y mesure plus selon la qualité, la pertinence de la consommation,
que selon son volume. Quand il y a à manger pour tout le monde,
ce n’est pas celui qui mange le plus qui se porte le mieux.
Respect :
l’économie nouvelle est une économie de la compétence, du savoir, qui
résident dans la tête des personnes. Pour utiliser
cette ressource il faut que l’entreprise sache écouter les
experts qu’elle rassemble, malgré les différences de langage et de tournure
d’esprit entre spécialités. Respecter une personne, ce n’est
rien d’autre que de l’écouter en faisant un effort sincère pour la
comprendre. On est là aux antipodes de la relation autoritaire, de l’imposition
de normes où l’on voyait naguère la clé de l’organisation.
" Il n’est de
richesse que d’hommes ", disait Montaigne. Cette richesse ne
peut se manifester que si on la respecte. L’élitisme, dont l’envers est l’exclusion
des personnes présumées inaptes - exclusion que l'économisme vulgaire
croit
inéluctable ou nécessaire - est donc
le pire des gaspillages. Le respect
envers les personnes, la reconnaissance de leur appartenance à une commune
humanité, impliquent un " élitisme de masse "
confrontant
chacun aux exigences de la dignité personnelle comme de la dignité d’autrui.
Sagesse :
aucune méthode de travail, aucune construction intellectuelle ne sont possibles
sans adhésion à des règles, sans recours à des concepts ; mais l’esprit
doit être souple par rapport à ces concepts,
rester vigilant et
" périscopique " pour s’adapter à une situation
changeante qu’il doit épouser dans sa propension. Cet équilibre entre la
rigueur des constructions intellectuelles et l’aptitude à les renouveler
selon la situation, cette disponibilité ferme, c’est cela que nous
appelons " sagesse ". Nous avons pris l’habitude de
respecter la connaissance acquise ; la sagesse invite à adhérer au
processus de construction de la connaissance.
Nos entreprises souhaitent avoir
des cadres dynamiques, inventifs, responsables, créatifs, mais simultanément
elles leur demandent d’être obéissants, conformistes, de ne pas
" faire de vagues " et de se couler dans le moule
de l’existant. Prendre pour point de repère non la connaissance ni la
rigueur, mais la sagesse, permet aux entreprises,
comme aux cadres, de sortir de cette contradiction.
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