On associe souvent au mot
« organisation » le dessin d’un organigramme, arbre renversé qui représente le
découpage des responsabilités légitimes et la hiérarchie du commandement. Du DG,
stratège suprême, un « râteau » descend vers les DGA, puis vers les directeurs.
Cependant certaines directions simples ne sont rattachées à aucun DGA, et sur le
tronc de l’arbre se raccordent quelques branches latérales (en jaune clair dans
le graphique ci-dessous) :
L'organigramme délimite
les sphères de pouvoir, balise les sentiers que la
carrière peut suivre, définit dans l'entreprise
autant de « villages gaulois » qui servent de
repères aux identités. Chargé de tant de symboles,
il est naturel qu'il soit fallacieux : il ne faut
pas le prendre au pied de la lettre. Le découpage
officiel des directions masque leur découpage
officieux : l’affichage des missions et
responsabilités vise, dans la logique du « compromis
managérial », à éviter des conflits et à
calmer les amours-propres. Certains
directeurs ont, en fait, plus de pouvoir que les
DGA dont en principe ils dépendent [1]. Les
directions rattachées directement au DG, et
placées au dessus du « râteau » des autres
directions, sont soit des nœuds de pouvoir
important, soit des unités que l’on a mis là parce
que l’on ne savait où les placer.
L’interprétation de
l’organigramme officiel nécessite donc un commentaire officieux qui, par
définition, n’est pas publié, et qui seul permet de reconstituer l’organigramme
« vrai » dont nous donnerons des exemples ci-dessous.
Le découpage des DGA et des
directions varie d’une entreprise à l’autre. Toute entreprise produit et vend ;
elle comporte aussi des fonctions « support » : gestion des ressources humaines,
finance, informatique, juridique, communication ; parfois, elle fait de la R&D,
parfois elle s’est associée à des partenaires. On trouvera par exemple le
découpage suivant :
Supposons que nous
sachions reconstituer l’organigramme « vrai », et que nous placions tout en
haut, comme branches latérales de l’arbre, les directions ou DGA les plus
importantes pour le DG. L'organigramme ainsi reconstitué révèle les priorités,
la culture de l’entreprise :
Culture d’ingénieur
Le DG s’intéresse
principalement à la production et au commercial, et il accorde beaucoup de soin
à l’arbitrage entre ces deux directions. Les autres directions sont considérées
comme des fonctions support de ces deux activités. Cette forme d’organisation
convient bien aux entreprises industrielles. Elle était la plus courante avant
les années 70 (dans les entreprises innovantes, l'articulation principale se
serait située entre la R&D, partie la plus innovante de la production, et le
commercial).
Culture médiatique
Dans le courant des années 80
et 90 on a vu se généraliser l’organisation suivante dans les entreprises de
service :
Le DG accorde l’essentiel de
son attention à l’image de l’entreprise auprès du conseil d'administration, des
créanciers et du marché boursier ; les directions qui accaparent son attention
sont la communication et la finance. Les autres fonctions de l’entreprise, y
compris « production » et « commercial », sont considérées comme des supports à
la gestion de l’image.
Vers une autre culture ?
Supposons que le DG prenne au
sérieux des phrases comme « le système d’information est stratégique »,
« l’essentiel de la valeur est créé par le système d’information » etc. Alors il
accordera l’essentiel de son attention aux deux pôles responsables du système
d’information (Maîtrise d'ouvrage et maîtrise
d'œuvre ; voir « qui dirige l’informatique ? »),
confiés chacun à une direction.
Il convient que la relation
entre ces deux directions soit mutuellement respectueuse (il en était de même,
dans la phase industrielle, pour la relation entre les directions « production »
et « commercial »). Des tensions sont inévitables, car chacun des deux
directeurs a ses propres priorités et doit respecter ses propres contraintes. Il
revient donc au DG d'assurer entre ces deux directions une fonction d'arbitre
pour éviter l'explosion : il doit « faire descendre les barres de graphite dans
le réacteur » et encourager la mise au point de compromis constructifs.
La dénomination de ces
directions n’est pas stabilisée aujourd’hui, et la direction informatique a
souvent été baptisée « direction du système d’information » (DSI), ou même
« direction des systèmes d’information ». Voici quelques dénominations
envisageables :
L'administration
américaine est en train de mettre en place une organisation de ce type dans ses
« agences », qui sont l'équivalent de nos directions d'administration centrale
ou de nos ministères. Comme l'appellation « CIO » (« Chief Information Officer
») a été prise depuis longtemps par le responsable de la maîtrise d'œuvre
informatique, les directeurs de la maîtrise d'ouvrage prennent le titre de « CTO
» (« Chief Technology Officer »). Cette répartition des dénominations va au
rebours du bon sens, puisque la maîtrise d'ouvrage est plus proche de
l'information et la maîtrise d'œuvre plus proche de la technique ; mais c'est le
compromis qui a été trouvé pour partager en deux l'acronyme « IT »
(« Information Technology ») sans remettre en question la dénomination déjà
attribuée à la maîtrise d'œuvre.
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