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A propos de l’affaire Rhodia

30 juin 2005


Pour lire un peu plus :

- 600 m2
- La personne du prisonnier est sacrée

- Du côté des dirigeants
- Sept ans de solitude

On envie les puissants de ce monde aussi bêtement qu’on les admire. L’opinion sera donc toujours du côté du magistrat qui met en cause un puissant. Lorsque l’un d’entre eux est attaqué, on se frotte les mains avec une joie mauvaise[1] et, comme à Guignol, on rira si le puissant mord la poussière.

Mais dans ces affrontements qui est David et qui est Goliath ? Qui est le plus fort, du ministre ou du juge d’instruction ?

*  *

Trop souvent le soufflé retombe. L’« affaire Dumas » s’est terminée par un non-lieu, mais entre temps l’intéressé avait dû quitter le conseil constitutionnel. L’« affaire Strauss-Kahn » s’appuyait sur un dossier vide : là aussi, l’intéressé avait dû quitter ses fonctions. L'« affaire Baudis » n'a pas entraîné la démission de l'homme visé, mais la presse et la magistrature nous ont donné un spectacle affreux [2].

Je n’ai pas de tendresse pour les dirigeants car les stratèges véritables me semblent trop rares parmi eux. Se moquer d'eux n’est pas malsain : ils se prennent souvent un peu trop au sérieux. Mais je m’interroge. Le juge le plus respecté sera-t-il celui qui porte à sa ceinture le plus de scalps de ministre ? Notre magistrature a-t-elle pris goût au jeu de casse-pipe ?

*  *

Au XVIIIe siècle les magistrats, rassemblés au sein du Parlement, ont miné la monarchie et tenté de s’ériger en contre-pouvoir. Puis la révolution, qu’ils avaient préparée sinon souhaitée, les a balayés.

Le juge Halphen a trouvé tout naturel de convoquer « Chirac Jacques » dans son bureau, mais les mauvais traitements infligés aux personnes en garde à vue ne semblent pas l’avoir beaucoup ému. L'appareil judiciaire ne doit-il pas pourtant, en tout premier, respecter les droits des personnes qu'il détient

*  *

Des magistrats ont perquisitionné le bureau et le domicile du ministre de l’économie et des finances. Ou bien ils avaient pour cela de sérieuses raisons et alors l’affaire est des plus graves, des plus inquiétantes pour tout citoyen. Il vaudrait mieux pour eux que le dossier fût solide car, tel que je le connais, Thierry Breton n'est pas homme à se laisser démoraliser ni intimider.

Ou bien ils ont fait cela sans trop savoir, pour le plaisir, parce qu'ils en avaient le pouvoir et qu'un pouvoir s'use si l'on ne s'en sert pas. Alors il faudra qu’ils répondent un jour du coup qu'ils auront ainsi porté, à la légère, à la crédibilité de nos institutions.

Dans les deux cas, compter les points en ricanant serait de la part du citoyen une attitude indigne. Nous ne pourrons pas tolérer qu'une telle affaire se termine en queue de poisson. S'il y a eu faute il faudra qu'il y ait sanction, et même si la faute a été commise par des magistrats.


[1] En allemand, Schadenfreude désigne le plaisir que procure le malheur d’autrui. Ce mot n’a pas d’équivalent en français, tout comme débrouillardise n’a pas d’équivalent en allemand.

[2] L’« affaire Gaymard » a été médiatique et non judiciaire, mais la même Schadenfreude a accompagné la chute du ministre.