Le 9 novembre 2007 Michael B. Mukasey a été nommé
attorney general (ministre de la justice) des Etats-Unis.
Lors des auditions qui ont précédé sa nomination les
sénateurs lui ont demandé s’il estimait que le waterboarding était une
torture.
Le « waterboarding » est une variante du supplice de la
baignoire que la Gestapo et la milice française pratiquaient assidûment pendant
l’occupation. Il a été utilisé par l’armée française en Algérie : Henri Alleg
notamment y a
été soumis et il l'a décrit dans La question.
Cela consiste à arroser continûment un linge
posé sur le visage de la victime. Celle-ci ne peut plus respirer et a
l’impression de se noyer. Si le supplice n’est pas interrompu elle peut mourir
soit de noyade, soit d’un arrêt cardiaque : cet « accident » se produisait
paraît-il souvent pendant la guerre d’Algérie.
« Je trouve ça personnellement répugnant, a répondu Mukasey,
mais je ne peux pas dire si c’est une torture parce que je n’ai pas été briefé
sur cette technique et que je ne voudrais pas mettre en difficulté, au plan
juridique, les personnels de la CIA qui l'ont utilisée ».
Le congrès a par ailleurs demandé à M. Mukasey si le
Président des Etats-Unis devait ou non obéir aux lois fédérales (« federal
statutes »). « Cela dépend, a-t-il répondu, du fait que ce qui excède la
loi est ou non conforme à l’autorité que possède le président pour la défense du
pays ».
Ainsi le président peut ne pas respecter la loi, si c’est
pour la défense du pays ; le waterboarding n’est pas une torture, s’il faut éviter
une condamnation aux agents de la CIA. Le droit et la morale la plus clairement
évidente sont ainsi mis à
la torture par le ministre de la justice américain, ainsi que la langue anglaise.
Que l'on se rappelle donc ce que disait George
Orwell : « quand l'atmosphère générale
est mauvaise, le langage ne saurait rester indemne... sous l'action des
dictatures, les langues se dégradent ».
Sources :
- Scott Shane, « Mukasey Unsure
About Legality of Waterboarding », The New York Times, 30 octobre 2007 ;
- Jed Rubenfeld, « Lawbreaker in
Chief »,
The New York Times, 23 octobre 2007;
- George Orwell, « La politique et la langue anglaise » (1946), in Essais,
articles, lettres, Ivrea 2001, vol. IV p. 173.
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