Modélisation du processus
30 décembre 2002
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Dans la conception du système d'information,
l'urbanisation donne le plan de masse et fournit les grandes orientations ; elle
identifie notamment les divers processus de production de l'entreprise. Pour
passer à la réalisation du système d'information, il faut modéliser chacun
de ces processus : la modélisation consiste à établir les spécifications
nécessaires (voir "Modélisation
et système d'information").
La modélisation d'un processus
(ou "spécification") reprend et détaille la description des
activités esquissée dans le plan d'urbanisme. A chaque activité est associée
la liste des dossiers que l'acteur doit utiliser (dossier "client",
"commande", "produit", etc.) (voir "Approche
du SI par les processus").
Formalisation du besoin
Une fois lexpression de besoin en langage naturel
rédigée et validée, il faut la modéliser de façon formelle pour préciser les besoins
et supprimer toute ambiguïté avant de communiquer le modèle au maître
duvre chargé de la réalisation.
Pour construire le modèle, on
utilisera de préférence le langage UML ("Unified
Modeling Language") qui permet de mettre
en forme les concepts propres à la programmation objet (classes, composants, attributs, liens etc.).
Ce langage permet de formaliser la description de
la demande de
lutilisateur ; la première description sera réutilisée et précisée
lors des étapes
ultérieures de la modélisation, ce qui permet une démarche
cohérente et cumulative, donc un gain en temps et en efficacité.
La maîtrise du langage UML est une étape
importante de la professionnalisation des maîtrises douvrage. Alors qu'auparavant les
expressions de besoins étaient souvent imprécises et versatiles, le maître
duvre va désormais disposer de descriptions établies selon une
procédure qui garantit leur pérennité. UML devient alors le langage dans lequel
le métier se structure et se décrit.
Il permet ainsi (ou plutôt il
permettra, car nous sommes ici en
avance par rapport à la pratique des entreprises) à mettre en forme les choix
stratégiques et à les expliciter. Dès lors on peut dire que le modèle écrit
en UML transcrit la
stratégie de lentreprise, dont il donne une description assez précise
pour guider
la réalisation technique.
Convergence du modèle
Pour élaborer la première version du
modèle, on constitue des équipes de deux personnes responsables chacune d'une
partie du modèle (par exemple, de la partie relative à une activité) :
un modélisateur, expert dans la manipulation de l’outil graphique et
le langage UML, et un expert métier venu du terrain. Le modélisateur
demande à l’expert métier les informations nécessaires pour préciser le
modèle.
L’expérience montre qu’au bout de
quelques semaines de travail en commun à plein temps, l’expert métier
utilise spontanément le langage UML (« classe », « lien »,
« attribut » etc.), ce qui prouve que ce langage n’est pas
difficile à assimiler pour peu que l’on y consacre du temps.
Le "modèle métier"
Lélaboration du modèle, avec ses parties
formelles et ses parties en langage naturel, se fait de façon itérative. Les
parties du modèle confectionnées par les équipes doivent être mises en
cohérence. Partant d'une première expression de besoins en langage naturel, la
formalisation fait apparaître les ambiguïtés inévitables lors d'une
première rédaction : on corrige les incohérences et les ambiguïtés dans
l'expression de besoins, ce qui conduit à construire une deuxième version
du modèle formel, etc.
A la fin du processus, la maîtrise douvrage dispose
dun "modèle métier" qui peut être livré à la maîtrise duvre.
les deux parties du modèle (modèle formel et expression de besoins en langage naturel) sont dûment cohérentes. Avant la livraison du modèle
à la maîtrise duvre, les documents en langage naturel doivent être validés
par les dirigeants.
Cette élaboration demande une gestion documentaire attentive :
il importe que les diverses versions des textes soient numérotées et leur cohérence
garantie, de sorte que le destinataire nait pas à vérifier la cohérence de ce qui
lui est livré.
Le livrable fourni par la maîtrise douvrage à la
maîtrise duvre sappelle " modèle métier ",
" modèle fonctionnel " ou encore " spécifications
générales " ; ces divers termes sont synonymes, et nous utiliserons ici
lexpression " modèle métier ".
Le "modèle d'analyse"
Lorsque le modèle métier est fourni au maître
duvre, celui-ci doit se lapproprier et sassurer quil
la bien compris. Il peut ainsi relever des points obscurs. On entre donc dans un
cycle de remarques du maître duvre adressées au maître douvrage,
auxquelles celui-ci répond en précisant et adaptant le modèle.
A la fin de ce cycle, on dispose dun modèle
d'analyse stabilisé, bien assimilé par les deux parties, et qui servira de fondement à la
réalisation.
Suite de lhistoire
Il est important de voir la succession des démarches qui
conduisent à la réalisation. Le vocabulaire comporte des synonymes, mais
l'enchaînement est clair :
- le " modèle métier " (ou
" spécifications générales ") est celui qui est livré par la
maîtrise douvrage à la maîtrise duvre. Cest le
" modèle métier stabilisé " décrit ci-dessus. Lexpression des
besoins est définitivement finalisée lorsque ce modèle est
établi, et elle est parfaitement cohérente avec le modèle
formel (elle est donc beaucoup plus complète que la première
expression de besoins qui a été établie au tout début de la démarche,
avant que la décision de lancement du projet ne soit prise).
- le " modèle danalyse " (ou
" spécifications détaillées ") est ensuite rédigé par le maître
duvre, puis validé par le maître douvrage. Il a pour but
dapporter au modèle métier des précisions techniques (cardinalité des liens,
définition des classes etc.) en vue dune réalisation efficace. Il doit être
validé par la maîtrise douvrage et devient ensuite le modèle sur lequel
fournisseur et client se seront mis daccord et qui servira de charte à la
réalisation.
- le " modèle technique " (ou
" spécifications techniques ") est le document qui sera fourni aux
développeurs pour la réalisation. Il précise les choix techniques, et il
tient compte notamment des contraintes propres à l'intégration de
l'application sur la plate-forme informatique de l'entreprise. Il est interne à la
réalisation et na pas en principe à être validé par le maître douvrage.
Métaphore utile
Pour comprendre la succession des modèles, utilisons
une métaphore
inspirée de la vie courante. Supposons que vous fassiez construire une maison. Vous avez
le plan sous les yeux, et vous dites par exemple : " dans cette chambre, il faudra quatre
prises de courant, un interrupteur commandant une prise et une applique commandée par un
autre interrupteur ". Ce sont vos spécifications générales,
ou encore votre modèle métier.
Lélectricien vous demande de préciser où il
devra installer
les prises, les interrupteurs et lapplique. Marquer sur le plan ces emplacements
précis, cest établir les spécifications détaillées, ou encore
le modèle d'analyse.
Puis lélectricien fera le plan de câblage : il
déterminera le parcours des goulottes et des saignées. Ce sont les spécifications
techniques, ou encore le modèle technique, qui nintéresse pas le client (lélectricien
demandera toutefois peut-être votre avis sur lemplacement de
larmoire de raccordement où se trouveront les disjoncteurs).
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Toute réalisation doit parcourir ces trois étapes.
L'idéal serait qu'elle fût conduite de sorte que lon n'ait jamais à mettre en cause les choix opérés lors
des étapes précédentes ; parfois, cependant, une étape aval fait apparaître
des contraintes qui conduisent à revenir sur un choix opéré dans un modèle
amont et à le modifier, mais c'est toujours un épisode pénible et coûteux et
il faut s'efforcer de l'éviter.
La maîtrise douvrage est responsable à la fois de la
production et de la validation du modèle métier ; pour le modèle danalyse,
la responsabilité est partagée : production par la maîtrise duvre,
validation par la maîtrise douvrage. Enfin, la maîtrise duvre est
responsable à la fois de la production et de la validation du modèle technique.
Ce partage des rôles doit être clair dans
lesprit de chacun. Il ne signifie pas quil existe
une cloison étanche entre maîtrise douvrage et maîtrise duvre :
les flux dinformation et les consultations doivent être réguliers
tout au long de la démarche.
A la fin du processus ci-dessus, quand le modèle technique est
élaboré, on entre dans la phase de réalisation (voir "Conduite
de projet").
Le cahier des charges
Le cahier des charges, c'est le modèle communiqué à
l'entreprise chargée de la maîtrise d'œuvre de la réalisation
("réalisateur") ; il est annexé au contrat passé avec cette
entreprise.
En fait, un projet informatique a deux maîtrises d'œuvre
: la direction informatique, qui après la livraison du produit sera chargée de
son exploitation sur les machines de la plate-forme technique, d'une part ; le
réalisateur, d'autre part. La direction informatique se trouve dans une sorte
d'entre-deux, intermédiaire entre la maîtrise d'ouvrage pour qui le produit
est réalisé, et le réalisateur.
Dans un premier temps, lorsque le contrat avec le
réalisateur n'est pas encore passé, l'informatique représente le pôle
maîtrise d'œuvre ; lorsque le contrat a été passé, elle se range du côté
de la maîtrise d'ouvrage qu'elle assiste en assurant les parties techniques du
suivi de projet et de la recette, et en s'assurant que le produit est bien
exploitable sur la plate-forme technique de l'entreprise.
Le contrat peut être passé soit dès que le modèle
métier est disponible, soit lorsque le modèle d'analyse est disponible. Dans
le premier cas, le cahier des charges est composé du modèle métier, auquel
l'informatique ajoute l'indication des contraintes techniques propres à sa
plate-forme, et le réalisateur établit le modèle d'analyse, puis le modèle
technique ; dans le second cas, le cahier des charges est composé du modèle
d'analyse et de l'indication des contraintes
techniques, et le réalisateur établit le modèle technique.
Dans tous les cas, le modèle technique doit être
établi par le réalisateur, car il doit intégrer, outre les contraintes
techniques de la plate-forme, les spécificités des outils (générateur de
code, "middleware" etc.) que le réalisateur va utiliser.
Quelques pièges
Signalons les pièges dans lesquels on tombe parfois :
- on sous-estime souvent la difficulté de la logistique de consultation et
de validation auprès des experts du métier : les rendez-vous sont difficiles à obtenir,
les personnes ne sont pas assidues, ou bien elles ne se sentent pas autorisées à donner
un avis parce que leur mandat nest pas clair, ou bien elles sont désavouées après
lavoir donné, etc. Les délais peuvent sallonger démesurément, la qualité
de lexpression des besoins peut devenir douteuse, ce qui
interdit la convergence du modèle métier.
- on présente aux dirigeants des documents dune lourde technicité
qui ne correspondent ni à leur langage, ni à leurs préoccupations. Dès lors la
validation prend beaucoup de temps, ou bien au contraire elle est rapide et
superficielle et risque donc d'être remise en cause par la suite : un dirigeant ne pourra en effet
jamais tolérer que lapplication soit en contradiction avec la stratégie de
lentreprise (voir "Pour une validation
authentique").
- on prend en compte les contraintes techniques de façon trop précoce.
Lorsque lon fait le modèle métier, lobjectif est de donner une bonne
expression de besoin, non doptimiser les solutions techniques qui devront être
examinées ensuite. Il peut arriver que sous prétexte de
" sérieux ", de " rigueur " ou encore de
" méthodologie ", linformatique veuille imposer au métier des
règles de modélisation anticipant sur les choix à réaliser dans le modèle
danalyse ou même le modèle technique. Des choix techniques précoces devront alors être
révisés par le maître duvre, doù travail en double et perte de
temps.
- cloison étanche entre maîtrise douvrage et maîtrise duvre :
même si la maîtrise duvre nest pas responsable du modèle métier, il
faut que le maître douvrage la consulte pour sassurer de la faisabilité
de ce quil envisage ; par ailleurs, même si le modèle technique ne concerne
pas le maître douvrage, il est utile quil soit informé de choix qui ont pour
lui des conséquences directes (en termes de performances, fiabilité etc.). La
spécialisation des rôles ne doit pas exclure la collaboration.
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