Lorsque vous voyez quelqu’un
taper à toute vitesse sans regarder le clavier, vous l’enviez. Comme il doit
être plaisant de voir le texte progresser sur l’écran ! La vitesse de la
dactylographie est d'ailleurs une des conditions pratiques de l'efficacité du
traitement de texte.
Je suppose que vous êtes de
ceux qui tapent avec deux ou trois doigts en regardant le clavier. Il se peut
que vous soyez rapide ainsi, mais il vous faudra progresser pour connaître les
plaisirs de la dactylographie.
C’est à votre portée à
condition d’y mettre un peu de bonne volonté. Il faut suivre la même méthode que
celle des pianistes qui apprennent un nouveau morceau. Ils jouent très lentement
d’abord, l’important étant de jouer sans faute. Puis lorsqu’ils se sont habitués
ils augmentent progressivement la vitesse jusqu’à atteindre le bon tempo.
S’ils font une faute, ils ralentissent pour travailler le passage difficile, à
la vitesse qui permet de le jouer sans faute, et n’accélèrent que lorsqu’ils
s’en sentent capables.
Si vous transposez cette
méthode à la dactylographie, en 15 jours vous serez un bon dactylographe et,
comme dit la publicité, vous étonnerez vos amis !
Première semaine : acquérir
le bon doigté
Il faut taper avec les dix
doigts. Les pouces sont réservés à la barre d’espace ; les quatre autres doigts
sont utilisés pour les caractères : si votre clavier est du type AZERTY,
utiliser l’auriculaire de la main gauche pour le A, l’annulaire pour le Z, le
majeur pour le E, l’index pour le R et le T ; la main droite s’occupe
symétriquement des lettres YUIOP. Le doigté est analogue pour les autres lignes.
Pour les caractères spéciaux placés à la droite du clavier (ù, % etc.) utiliser
l'auriculaire droit ; pour la touche majuscule, n'importe quel doigt peut
convenir.
Dessinez le clavier sur une
feuille de papier, avec la disposition des lettres, puis colorez chaque touche
selon le doigt qui doit la servir.
Une fois que vous avez compris
comment on doit poser les mains sur le clavier, exercez-vous à taper en
respectant ce doigté. Si vous avez du mal à y parvenir, réduisez la vitesse
jusqu’à ce que ça marche (cela peut vous contraindre à taper très lentement
le
premier jour).
Évidemment, vous n’avez pas de
temps à perdre et vous avez des choses urgentes à taper ! Il suffira donc de
faire l’exercice ci-dessus pendant un quart d’heure le premier jour,
vingt minutes le deuxième jour, une demi-heure le troisième. D’un jour à l’autre
la vitesse augmentera d’elle-même, sans que vous fassiez de fautes.
Au bout d’une semaine, vous
taperez à la même vitesse qu’auparavant mais selon le bon doigté : désormais,
vous n’utiliserez donc plus que ce doigté-là. Il vous permettra d’accroître
encore votre vitesse.
Il vous reste encore à perdre
l’habitude de regarder le clavier. Vous apprendrez cela pendant la deuxième
semaine.
Deuxième semaine : taper
sans regarder le clavier
Faites un premier essai : tapez
quelque chose sans regarder le clavier.
Comme vous ne connaissez pas le
clavier par cœur, vous ne savez plus où placer vos doigts et bien sûr vous
faites des fautes. Pendant cinq minutes, efforcez-vous de mémoriser la
disposition des lettres en quittant le clavier des yeux, puis en le regardant de
nouveau en cas de doute etc. Ensuite recommencez à taper sans regarder vos
mains. Vous faites encore des fautes : ralentissez jusqu’à ce que vous n’en
fassiez plus (le premier jour, il faudra diviser votre vitesse par dix). Faites
cet exercice pendant un quart d’heure.
Le soir tâchez de vous
remémorer la disposition du clavier après avoir éteint votre lampe de chevet.
Le deuxième jour, tapez sans
regarder vos mains pendant vingt minutes, et pendant une demi-heure le troisième
jour. Soyez attentif à toujours régler votre vitesse de façon à ne pas faire de
fautes. Laissez-la augmenter d’elle-même.
A la fin de la semaine, vous
saurez taper aussi vite qu’auparavant mais sans regarder vos mains. Vous aurez
le plaisir de voir les caractères s’aligner sur l’écran comme d’eux-mêmes.
Bientôt vous aurez oublié le
clavier, vos doigts prenant sans que vous y pensiez le chemin des bonnes
touches. Et votre vitesse augmentera encore : si vous voulez battre des records
cela ne tient qu’à vous !
* *
L'apprentissage de la dactylographie donne
l'occasion de réfléchir sur la relation entre l'être humain et l'automate.
D'un point de vue
sociologique, cet apprentissage n'est aucunement considéré. Les personnes
auxquelles l'entreprise confère des responsabilités élevées - les cadres
supérieurs, les ingénieurs experts et, bien sûr, les dirigeants - n'ont aucune
honte à taper avec deux doigts, lentement et maladroitement. Ceux qui se sont
donné la peine d'apprendre la dactylographie sont considérés comme des
tâcherons. Ainsi, l'échelle de valeurs est posée à l'envers : la maladresse au
clavier, que l'on devrait considérer comme un symptôme de paresse et de manque
de volonté, est au contraire bien portée. Des personnes qui, au plan de
l'efficacité, auraient tout à gagner en tapant vite, s'y refusent car elles
anticipent intuitivement la perte d'image que ce savoir provoquerait.
D'un point de vue
pratique, il est intéressant de voir comment notre cerveau assimile le
dessin du clavier, le transmet au système nerveux, puis l'oublie : lorsqu'on
a pris l'habitude de taper vite sans regarder le clavier on ne sait plus où sont
les lettres mais les doigts, eux, le savent. Ainsi les couches basses du système
nerveux, qui assurent l'action réflexe, s'adaptent à la machine de telle
sorte que celle-ci devient comme un prolongement de notre corps.
Les étapes par
lesquelles il faut passer pour y parvenir, notre aptitude à nous manipuler
nous-même par la
volonté, le sentiment d'impossibilité qu'il faut surmonter : tout cela
constitue, à l'échelle minuscule du dressage individuel, une métaphore de la
relation entre l'entreprise et son système d'information. |