Quelles sont les difficultés
principales que les MOA et les MOE rencontrent aujourd’hui ? Les
discussions du club ont fait apparaître quelques priorités que je rappelle ici
brièvement :
Urbanisme
La plupart des SI des grandes
entreprises ont été construits au fur et à mesure, alors que les méthodes et
techniques informatiques évoluaient ; on peut les qualifier de « bidonvilles
de luxe » : bidonville parce qu’ils sont en désordre, « de
luxe » parce qu’ils coûtent très cher ! (une entreprise de
service dépense pour son SI de 5 à 10 000 €/salarié*an).
Du point de vue des maîtrises
d’ouvrage, l’urbanisme passe par la construction d’un référentiel qui
documente les domaines, processus, activités, composants, données.
Du point de vue des maîtrises
d’œuvre, il passe par une réorganisation de la plate-forme, tâche que
l’expression « Enterprise Application Integration » (EAI) désigne
par un acronyme d’une simplicité fallacieuse (voir "Le
simplisme contre la simplicité")
L’urbanisme vise aussi à maîtriser
le coût du SI, notamment les coûts d’exploitation et de maintenance. L’attention s’est
souvent concentrée sur le coût
de réalisation des projets, mais bien sûr après un projet l'entreprise devra
pendant des années payer l’exploitation et la maintenance du produit ; l’addition
des coûts d'exploitation et maintenance finit par représenter un budget
supérieur à celui des projets nouveaux (voir "Effet
des règles de gestion du budget informatique"). La
gestion du portefeuille applicatif doit s’appuyer sur des études économiques
qui éclairent la définition et la sélection des projets.
Évolution
des technologies et des marchés
Nos entreprises utilisent désormais
une grande diversité de médias pour communiquer avec leurs clients et fournisseurs :
aux médias traditionnels (réunion, courrier papier et téléphone) se sont
ajoutés de nouveaux médias (messagerie, Web, parfois carte à mémoire). L’automatisation des traitements
permet des innovations dans la
relation commerciale. L’organisation de l’entreprise, son positionnement, le
fonctionnement des marchés sur lesquels elle intervient en sont transformés.
Il importe que le client perçoive l’unicité d’une entreprise avec laquelle
ses relations empruntent divers médias : le SI doit permettre à l’opérateur
du centre d’appel de connaître les transactions que le client a réalisées
sur l’Internet, les comptes rendus des réunions avec le client sont mis sur l’Intranet etc. :
la cohérence et l'enrichissement fonctionnel de la communication multimédia, que l’on
regroupe sous le terme GRC (« Gestion de la Relation
Clientèle »), imposent au SI une haute exigence de qualité.
Par ailleurs nos entreprises
cherchent à consolider leur positionnement en enrichissant leur offre grâce à
des partenariats. Ils permettent d’offrir au client un « package »
regroupant des produits offerts par plusieurs entreprises. La
commercialisation d’une offre conjointe, fournie « sans
couture » au client, suppose de faire interopérer les SI. Or des SI ne peuvent interopérer que s’ils sont d’une haute qualité
Une entreprise dont le SI est
de mauvaise qualité ne saura pas fournir à ses clients une relation multimédia
satisfaisante, les partenariats dans lesquels elle s’engagera ne pourront
pas fonctionner.
Frontières :
externalisation, progiciel
Les possibilités
offertes par l’informatique ont pour contrepartie une haute complexité.
L’informatique connaît une évolution analogue à celle de la
médecine du XXème siècle : elle éclate en spécialités multiples dont
la maîtrise demande à l’expert un travail à temps plein. On n’est plus
informaticien, mais spécialiste en sécurité, spécialiste en administration
de réseau, spécialiste en middleware, spécialiste en Java, et ces spécialités éclatent
encore en spécialités plus fines. Quelles sont les spécialités qu’une entreprise
doit maîtriser, quelles sont celles qu’il vaut mieux se procurer auprès
d’un prestataire ? Comment gérer la coopération entre experts de spécialités
différentes ? Il faut tracer ici une frontière aux contours délicats.
Dans le domaine des logiciels,
on doit tracer une autre frontière : celle qui passe entre logiciels
spécifiques et progiciels. Il serait inadéquat de développer un logiciel spécifique
pour une tâche qu’un progiciel fait bien pour pas cher, comme le
traitement de texte ; à l’autre extrémité du spectre, certaines entreprises
ont un cœur
de métier où se condense une expertise qu’aucun progiciel
ne pourrait équiper. Entre ces deux situations également simples, les
logiciels dont l'entreprise a besoin peuvent être classés du plus au moins spécifique ; il faut définir,
dans ce classement, l’endroit où passe la frontière entre progiciel
et spécifique. Mais elle se déplace car l’offre de
progiciels évolue. La veille SI doit être attentive à cette évolution,
et aussi bien avertie du coût de mise en œuvre d’un progiciel.
(retour à "Repères
essentiels pour la maîtrise d’ouvrage
")