Nous construirons un modèle à deux secteurs. Le
premier secteur est celui des NTIC selon la définition ci-dessus. Sa
productivité est pour l’économie une exogène. Le deuxième secteur regroupe
l’ensemble des activités qui utilisent les NTIC pour produire des biens de
consommation.
Nous bâtirons ce modèle en nous inspirant du modèle
de Ricardo (voir annexe). Ce modèle, qui considère deux pays et deux secteurs
d’activité, permet d’établir des résultats relatifs à la spécialisation et aux
échanges entre pays disposant de technologies différentes.
Nous supposerons qu’un des deux secteurs fournit les
NTIC utilisées par l’autre secteur, qu’un des deux pays est plus grand que
l’autre, et que le petit pays se spécialise dans la production des biens de
consommation (il ne produit donc pas les NTIC). Une fois déterminé l’équilibre
général, nous décrivons l’effet d’un accroissement de la
productivité dans les NTIC, puis nous en tirons les conséquences pratiques.
Pour construire le modèle, nous considérons d’abord
une économie fermée à deux secteurs, puis nous examinons les effets de
l’innovation, enfin nous introduisons la relation entre grand et petit pays.
Le modèle relève de la statique comparative. Une
approche dynamique nécessite d’introduire les délais pendant lesquels,
après un choc exogène, l’équilibre s’accompagne d’un surprofit (d’abord pour le
secteur des NTIC, puis pour celui des biens de consommation). Ce n’est qu’après
ces délais que l’équilibre à profit normal peut se restaurer et que les
résultats de la statique comparative peuvent être obtenus. On trouvera dans
« Moteur à quatre temps de l’entreprise innovante » un modèle
rendant
compte de la dynamique de l’innovation.
* *
Considérons une économie fermée
à deux secteurs : un secteur produit les NTIC N en n’utilisant que du travail :
N = aLn,
et un secteur produit le bien de consommation Y
selon une fonction de Cobb-Douglas à rendement constant :
Y = bNαLyβ avec α +
β = 1.
Supposons que toute la population est active :
L = Ln + Ly
L’utilité du consommateur courant étant une fonction
monotone croissante du volume Y/L de la production du bien de consommation par
tête, nous pouvons utiliser ce volume pour la mesurer.
U = Y/L
On démontre que l’utilité est maximale lorsque :
Ly = βL, Ln = αL,
d'où N = aαL et Y = baαα αββL
Le niveau de l’utilité du consommateur est alors :
U = baαααββ
Si l’on note p le prix du bien de consommation, wc
le prix unitaire du travail dans le secteur qui produit le bien de
consommation et wn le prix unitaire du travail dans le secteur qui
produit les NTIC, on trouve qu'à l'équilibre :
wc = wn = w (le marché du
travail n’est pas segmenté),
pY = wLy + nN (la production du bien de
consommation se fait à profit nul),
nN = wLn (la production des NTIC se fait
à profit nul).
* *
Supposons qu’une innovation permette d’accroître la
productivité dans le secteur des NTIC :
a’ = a(1 + δ), avec δ > 0.
Il en résulte un accroissement de l'utilité :
δU/U = δα.
L’effet de l’innovation est donc un accroissement de
l’utilité.
Si la mise en œuvre de la technologie nouvelle
suscite une réorganisation de l’entreprisee changement peut
susciter à terme une augmentation du coefficient b de la fonction de production
des biens de consommation. La
fonction de production Y = bNαLβ ne tient compte
en effet que des volumes des facteurs utilisés : N représente une quantité d’un
facteur supposé homogène, tout comme L représente une quantité de travail
homogène. Le fameux paradoxe de Solow
s’explique par le fait que les entreprises qui ne se sont pas réorganisées ne
tirent pas d’avantage de leur informatisation, alors que celles qui se
réorganisent accroissent leur productivité.
Il faut donc supposer - et c’est un complément à
notre modèle car le phénomène ci-dessus n’y est pas endogène - que
l’augmentation du coefficient a suscite
une augmentation du coefficient b représentant le gain d’efficacité
apporté par la réorganisation. On a alors :
b’ = b(1 + µδ), avec 0
< µ
< 1. La variation de b est une
fraction µ de celle de a, dont elle est conséquence.
On trouve alors qu’à l’optimum les quantités Ln
et Ly sont inchangées. Par contre N et Y augmentent :
δN/N
= δ, δY/Y =
δU/U = δ(α
+ µ).
Les rémunérations unitaires des facteurs de
production du secteur des biens de consommation varient dans les proportions
suivantes :
δw/w
= δ(α
+ µ), δn/n = δ(µ - β)
Donc le pouvoir d’achat du travail augmente et, si
µ
< β,
le prix unitaire des NTIC diminue.
La part des facteurs dans la valeur ajoutée du
secteur des biens de consommation reste à long terme la même car leurs
rémunérations totales croissent au même rythme que la valeur ajoutée :
δ(wLy)/(wLy)
= δw/w = δ(α
+ µ), et δ(nN)/(nN)
= δn/n +
δN/N = δ(α
+ µ).
* *
Après une innovation entraînant un surcroît de
productivité dans les NTIC, et à terme (c’est-à-dire quand le mécanisme de libre
entrée a joué à fond et restauré la situation de profit nul)
l’innovation profite au consommateur.
Son utilité augmentera d'autant plus que les entreprises produisant des biens
de consommation auront mieux su tirer parti de cette innovation ;
le pouvoir d’achat du salaire augmente
; le volume des NTIC s’accroît à proportion du gain de productivité ; la
répartition du travail entre les secteurs des NTIC et du bien de consommation
reste constante ; la part des facteurs de production dans le partage de la
valeur ajoutée du secteur des biens de consommation est inchangée.
Nota Bene 1 : Nous avons supposé que
l’innovation prenait la forme d’un gain de productivité en volume dans le
secteur des NTIC. Nous aurions pu postuler tout aussi bien un gain en qualité
des NTIC.
Nota Bene 2 : Si nous avions
considéré une économie dynamique, où il faut distinguer le stock de capital
accumulé du flux de capital nouveau résultant de l’investissement et tenir
compte des différences d’efficacité entre générations de capital, nous aurions
obtenu des conclusions analogues ; toutefois les effets se feraient sentir après
le délai nécessaire pour que le capital utilisant la technologie ancienne soit
remplacé par celui qui utilise la technologie nouvelle.
Il nous reste à explorer ce qui se passe lorsque
l'économie considérée est non plus fermée, mais ouverte :
Échanges entre "grand" pays et "petit" pays
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