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Modèle économique des NTIC

Liens utiles

- Effets économiques des NTIC
- Modèle de Ricardo
- Moteur à quatre temps de l’entreprise innovante
- Échanges entre "grand" et "petit" pays

Nous construirons un modèle à deux secteurs. Le premier secteur est celui des NTIC selon la définition ci-dessus. Sa productivité est pour l’économie une exogène. Le deuxième secteur regroupe l’ensemble des activités qui utilisent les NTIC pour produire des biens de consommation.

Nous bâtirons ce modèle en nous inspirant du modèle de Ricardo (voir annexe). Ce modèle, qui considère deux pays et deux secteurs d’activité, permet d’établir des résultats relatifs à la spécialisation et aux échanges entre pays disposant de technologies différentes[1].

Nous supposerons qu’un des deux secteurs fournit les NTIC utilisées par l’autre secteur, qu’un des deux pays est plus grand que l’autre, et que le petit pays se spécialise dans la production des biens de consommation (il ne produit donc pas les NTIC). Une fois déterminé l’équilibre général, nous décrivons l’effet d’un accroissement de la productivité dans les NTIC, puis nous en tirons les conséquences pratiques.

Pour construire le modèle, nous considérons d’abord une économie fermée à deux secteurs, puis nous examinons les effets de l’innovation, enfin nous introduisons la relation entre grand et petit pays. 

Le modèle relève de la statique comparative. Une approche dynamique nécessite d’introduire les délais pendant lesquels, après un choc exogène, l’équilibre s’accompagne d’un surprofit (d’abord pour le secteur des NTIC, puis pour celui des biens de consommation). Ce n’est qu’après ces délais que l’équilibre à profit normal peut se restaurer et que les résultats de la statique comparative peuvent être obtenus. On trouvera dans « Moteur à quatre temps de l’entreprise innovante » un modèle rendant compte de la dynamique de l’innovation.

*  *

Considérons une économie fermée à deux secteurs : un secteur produit les NTIC N en n’utilisant que du travail[2] :

N = aLn,

et un secteur produit le bien de consommation Y selon une fonction de Cobb-Douglas à rendement constant :

Y = bNαLyβ avec α + β = 1.

Supposons que toute la population est active :

L = Ln + Ly

L’utilité du consommateur courant étant une fonction monotone croissante du volume Y/L de la production du bien de consommation par tête, nous pouvons utiliser ce volume pour la mesurer.

U = Y/L

On démontre que l’utilité est maximale lorsque :

Ly = βL, Ln = αL, d'où N = aαL et Y = baαα αββL

Le niveau de l’utilité du consommateur est alors :

U = baαααββ

Si l’on note p le prix du bien de consommation, wc le prix unitaire du travail dans le secteur qui produit le bien de consommation et wn le prix unitaire du travail dans le secteur qui produit les NTIC, on trouve qu'à l'équilibre :

wc = wn = w (le marché du travail n’est pas segmenté),

pY = wLy + nN (la production du bien de consommation se fait à profit nul),

nN = wLn (la production des NTIC se fait à profit nul).

*  *

Supposons qu’une innovation permette d’accroître la productivité dans le secteur des NTIC :

a’ = a(1 + δ), avec δ > 0.

Il en résulte un accroissement de l'utilité :

δU/U = δα.

L’effet de l’innovation est donc un accroissement de l’utilité.

Si la mise en œuvre de la technologie nouvelle suscite une réorganisation de l’entreprise[3], ce changement peut susciter à terme une augmentation du coefficient b de la fonction de production des biens de consommation. La fonction de production Y = bNαLβ ne tient compte en effet que des volumes des facteurs utilisés : N représente une quantité d’un facteur supposé homogène, tout comme L représente une quantité de travail homogène. Le fameux paradoxe de Solow[4] s’explique par le fait que les entreprises qui ne se sont pas réorganisées ne tirent pas d’avantage de leur informatisation, alors que celles qui se réorganisent accroissent leur productivité.

Il faut donc supposer - et c’est un complément à notre modèle car le phénomène ci-dessus n’y est pas endogène - que l’augmentation du coefficient a suscite[5] une augmentation du coefficient b représentant le gain d’efficacité apporté par la réorganisation. On a alors :

b’ = b(1 + µδ), avec 0 < µ < 1. La variation de b est une fraction µ de celle de a, dont elle est conséquence.

On trouve alors qu’à l’optimum les quantités Ln et Ly sont inchangées. Par contre N et Y augmentent :

δN/N = δ, δY/Y = δU/U = δ(α + µ).

Les rémunérations unitaires des facteurs de production du secteur des biens de consommation varient dans les proportions suivantes :

δw/w = δ(α + µ), δn/n = δ(µ - β)

Donc le pouvoir d’achat du travail augmente et, si µ < β, le prix unitaire des NTIC diminue.

La part des facteurs dans la valeur ajoutée du secteur des biens de consommation reste à long terme la même car leurs rémunérations totales croissent au même rythme que la valeur ajoutée :

δ(wLy)/(wLy) = δw/w = δ(α + µ), et δ(nN)/(nN) = δn/n + δN/N = δ(α + µ).

*  *

Après une innovation entraînant un surcroît de productivité dans les NTIC, et à terme (c’est-à-dire quand le mécanisme de libre entrée a joué à fond et restauré la situation de profit nul) l’innovation profite au consommateur. Son utilité augmentera d'autant plus que les entreprises produisant des biens de consommation auront mieux su tirer parti de cette innovation ; le pouvoir d’achat du salaire augmente ; le volume des NTIC s’accroît à proportion du gain de productivité ; la répartition du travail entre les secteurs des NTIC et du bien de consommation reste constante ; la part des facteurs de production dans le partage de la valeur ajoutée du secteur des biens de consommation est inchangée.

Nota Bene 1 : Nous avons supposé que l’innovation prenait la forme d’un gain de productivité en volume dans le secteur des NTIC. Nous aurions pu postuler tout aussi bien un gain en qualité des NTIC[6].

Nota Bene 2 : Si nous avions considéré une économie dynamique, où il faut distinguer le stock de capital accumulé du flux de capital nouveau résultant de l’investissement et tenir compte des différences d’efficacité entre générations de capital, nous aurions obtenu des conclusions analogues ; toutefois les effets se feraient sentir après le délai nécessaire pour que le capital utilisant la technologie ancienne soit remplacé par celui qui utilise la technologie nouvelle.

Il nous reste à explorer ce qui se passe lorsque l'économie considérée est non plus fermée, mais ouverte :

Échanges entre "grand" pays et "petit" pays


[1] Il s’agit d’une maquette qui vise, en partant d’une spécification explicite des fonctions de production et d’utilité, à simuler l’équilibre économique de long terme pour élucider les relations entre paramètres exogènes et variables endogènes. 

[2] N représente le volume de NTIC utilisé par l’économie considérée ; il faut donc s’imaginer que l’on dispose d’une mesure agrégée du volume des mémoires, processeurs, systèmes d’exploitation et langages utilisés dans cette économie, mesure dont le prix unitaire est n. Il est évidemment audacieux de postuler la possibilité d’une telle mesure, mais cette hypothèse ne présente aucun inconvénient pour le raisonnement que nous conduisons ici.

[3] Que ce soit dans la disposition des locaux et des réseaux, dans la qualification des personnes ou dans la définition des missions des diverses entités qui la composent.

[4] « Je vois des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité » Robert M. Solow, 1987.

[5] Après un délai d’adaptation, mais en statique comparative on n’en tient pas compte.

[6] Un tel gain de qualité est assimilable à un accroissement du volume si l’on admet qu’un microprocesseur A, s’il est capable de faire deux fois plus de travail que le microprocesseur B, équivaut en volume à deux microprocesseurs B.